À la rencontre des réfugiés palestiniens au Liban

lundi 8 mai 2017

Quatre membres AFPS de quatre départements de la Région des Pays de la Loire sont actuellement en mission au Liban pour découvrir sur place les conditions de vie des réfugiés palestiniens, s’ informer sur leurs besoins et proposer des projets pour leur soutien.

Le camp de Wavel,dans la banlieue de Balbeck.

Ce camp de taille modeste a abrité des réfugiés depuis la NAKBA dans un premier temps dans une caserne française désaffectée. La plupart d.entre eux venaient de la Galilee toute proche ou de Haïfa. Ils sont aujourd’hui 7000 Palestiniens réfugiés du Liban (PRL) auxquels s’ajoutent depuis 2011 environ 700 réfugiés palestiniens venus de Syrie (PRS). Comme dans tous les cas, le camp est très exigu, mais très propre et bien entretenu par les habitants qui se connaissent, venant des mêmes villages et appartenant souvent aux mêmes familles. On y rencontre peu de problèmes de drogues et le phénomène de radicalisation n’existe pas.
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Les principaux problèmes évoqués par les associations et les politiques concernent le sous-emploi, les difficultés pour les jeunes de poursuivre des études après le bac car l’université est éloignée et coûte cher. L’UNRWA ne prend en charge les études qu’au niveau secondaire et pour la formation professionnelle, il n’existe qu’un centre à Saida. Pourtant les associations soulignent la question de l’éducation comme primordiale : "l’éducation est un moyen d’ouvrir l’esprit, de comprendre la situation et d’y faire face, c’est un remède contre le fanatisme " nous déclare une responsable d’association. Le fanatisme et Daech, tout le monde en a peur dans le camp et cette question revient sans cesse dans les conversations.
JPEG - 192.2 ko Le camp de Wavel avec le grand bâtimen de la caserne

En dehors de ces problèmes, deux questions sont évoquées comme urgentes. L’eau distribuée dans le camp vient d’un forage à 200 mètres de profondeur sous le camp même et est est très polluée. Le comité populaire du camp attribue à cette pollution la cause de nombreux cancers et autres maladies.Il semble que les causes de cette pollution n’ont pas été bien identifiées. Affiner le diagnostic et y remédier aura probablement un coût élevé. A ce problème s’en ajoute un autre : l’UNRWA ne prend pas en charge le traitement des maladies chroniques, cancers, diabètes problèmes cardiaques dont la prévalence est, nous dit-on anormalement élevé,entraînant des coûts auxquels les familles sont incapables de faire face.

L’accès au travail est également difficile : 72 professions sont interdites aux réfugiés palestiniens. Seuls, les "métiers ordinaires " dans le batiment, les services leur sont accessibles. Nous rencontrons dans le camp de Wavel un professeur de maths qui n’ayant pas le droit de travailler dans l’enseignement public, enseigne dans un lycée libanais privé de manière " illégale"mais tolérée pour un salaire inférieur de 30 %.
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Réfugiés palestiniens de Syrie.

Balbeeck est à 6 km de la frontière syrienne. De nombreux réfugiés arrivent dans la région dont les réfugiés palestiniens qui relèvent de l’UNRWA.Ceux ci sont logés en partie dans une ancienne caserne construite par les Francais il y a un siècle et qui est en très mauvais état : fissures dans les murs, plafonds qui se désagrègent...Les logements sont petits et surpeuplés. D’autres familles sont logées sous des abris de fortune par exemple des cases en contreplaqué sous un hangar en tôles non isolé, ils doivent pour cela payer un loyer d’une centaine de dollars par mois, somme qui leur est attribuée par l’UNRWA à laquelle s’ajoutent 27$ par personne et par mois,somme dérisoire qui ne leur permet pas de survivre. Les ONG tentent de compléter par des secours d’urgence en vêtements ou nourriture.Quelques familles ont élu domicile sur un terrain en bordure du cimetière où ils vivent avec les morts.

Nous discutons avec plusieurs familles : les réactions sont diverses, certaines personnes assument du mieux qu’elles peuvent la situation en aménageant leur lieu de vie et soutenant leurs enfants pour qu’ils suivent une scolarité normale. D’autres sont profondément déprimés tel ce père de famille qui ne fait que nous répéter en montrant ses mains qu’il est prêt à travailler, mais se sent inutile."les gens viennent nous voir,prennent des photos et s’en vont ".Cette remarque, dans un premier temps, nous culpabilise, mais les responsables du camp nuancent en nous disant que la simple visite d’étrangers qui prennent du temps pour venir voir les gens avec empathie constitue une première étape de soutien importante.
JPEG - 196.1 ko Une famille palestinienne, réfugiés de Syrie dans un container
Pour tous les réfugiés que nous rencontrons, la question du droit au retour est centrale.Pour eux ce n’est pas qu’un simple rêve qui aide à vivre, mais bien une question de dignité : "nous avons nous aussi un pays à nous qui est là bas. Nous-mêmes n’en verrons peut-être pas la réalisation, mais nos enfants ou petits enfants sûrement ". Dans le même sens, les ONG nous répètent que le droit au retour est un de leurs objectifs premiers et que la question palestinienne ne pourra être résolue sans la prise en compte du droit des réfugiés. Ici, au Liban, nous en prenons concrètement conscience.
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J’ai pleuré ! Ossama est un réfugié dont le père est arrivé de Palestine en 1948. La quarantaine passée, il travaille dans une ONG comme coordinateur pour la région de la Bekaa. Professionnel et très engagé en même temps, ce n’est pas l’homme à tomber dans le pathos. Il nous confie :"Quand j’ai vu pour la première fois un Palestine arriver de Syrie avec un gamin de 3 ans sur les épaules, j’ai pleuré car j’imaginais mon père arrivant au même âge en 48 sur les épaules de mon grand-père "

pour mémoire, notre article d’octobre 2016 :
Bénévoles pour un projet de formation professionnelle dans les camps de réfugiés de Chatila et de Borj el Barajneh