« Ados, nous rêvions de faire la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Et puis mon ami a été abattu ».

jeudi 20 janvier 2022

Dans un camp d’été pour des enfants de zones en conflit, j’ai fait la connaissance de mon ami courageux et drôle, Aseel. Il était palestinien. J’étais israélien. Quand il a été tué par la police, l’espoir que j’avais pour notre avenir est mort avec lui.

PNG - 445 ko Photo Bobbie Gottschalk : Aseel Aslih lors d’un camp Seeds of Peace dans les années 1990

Le 11 mai 2021, j’étais assis avec un petit groupe dans un café du sud de Tel Aviv, et on étudiait l’arabe. Notre professeur, un citoyen palestinien d’Israël nous avait dit que lui et sa femme juive enceinte étaient dégoûtés par les propriétaires qui ne voulaient pas louer leur bien à un couple « mixte ». Nous arrivions presque au bout des trois heures de cours quand les sirènes des raids aériens ont sonné. Quelques jours plus tôt, des missiles avaient été lancés de Gaza sur Israël, mais c’était la première fois qu’ils atteignaient Tel Aviv. Derrière la peur d’une frappe aérienne, j’avais un sentiment lourd de tristesse. Je venais de rentrer en Israël après avoir étudié et travaillé à l’étranger pendant 15 ans. Je me rappelais un temps, au milieu des années 1990, où j’ai cru qu’Israël allait être différent, plus juste et moins violent. Cette croyance semble être maintenant comme un vieux souvenir.

Ma foi en l’avenir d’Israël a été inspirée par une expérience que j’ai partagée étant adolescent avec un groupe de gens extraordinaires. Tandis que nous attendions que les tirs de roquettes cessent, je me suis rappelé une de ces personnes de façon vivante, une personne dont j’ai à peine pu parler dans mon pays natal depuis plus de vingt ans. Il s’appelait Aseel Aslih.

Lorsque j’ai rencontré Aseel pour la première fois en 1997, il avait 14 ans, c’était un citoyen palestinien d’Israël, de Arraba en Galilée et j’avais 13 ans, j’étais un juif de la ville d’Ashdod (l’ancien village palestinien d’Isdud). Nous avions été choisis comme délégués israéliens pour un camp d’été aux USA pour des adolescents venant de zones de conflit. Quelques mois avant le camp nous nous avons participé tous les deux à un séminaire préparatoire pour la délégation israélienne. Nous ne sommes pas tout de suite devenus amis. J’étais mince, je portais des jeans et passais l’essentiel de mon temps avec les filles. Aseel était légèrement plus grand que moi, plus fort physiquement et il avait déjà des poils de barbe. Je ne me sentais pas à l’aise avec les garçons, me demandant s’ils allaient faire des commentaires sur ma façon de parler, dont je pensais, à l’époque, qu’elle était trop féminine. Mais j’ai eu de la sympathie pour Aseel. Sa présence était stimulante. Il avait l’habitude de pencher légèrement la tête de côté, un sourire relevant ses joues. Dans les conversations, il baissait la voix et plissait les yeux, réclamant attention.

Notre délégation au camp d’été, appelée Graines de Paix, avait été choisie par le ministère israélien de l’éducation, qui cherchait des gens ayant des capacités de meneurs et possédant bien l’anglais. Alors que la connaissance d’une langue étrangère est souvent le produit d’un privilège, ni Aseel ni moi ne venions de familles riches. Mon père était chauffeur de taxi et ma mère travaillait au Port. Le père d’Aseel avait un petit commerce et sa mère était conseillère d’éducation. Notre don pour les langues et le don de curiosité ont fait de nous de bons candidats.

Graines de Paix a été fondé par deux Américains, John Wallach et Bobbie Gottschalk, en 1993, l’année de la signature des accords d’Oslo entre le gouvernement israélien et l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP). Le but de Graines de Paix était de créer des liens entre de jeunes membres de communautés en conflit et de poser les jalons d’une compréhension mutuelle. Le camp d’été, situé dans une partie rurale du Maine, offrait des activités traditionnelles comme le sport, des projets artistiques et des radio-crochets ; il favorisait aussi des sessions de groupes de dialogue dans lesquels les campeurs de différentes délégations parlaient avec des enfants de pays ennemis, de leurs espoirs, de leurs peurs et de leurs traumatismes.

L’année où Aseel et moi avons participé au camp pour la première fois, en 1997, il y avait 120 campeurs d’Israël, de Palestine, de Jordanie, d’Égypte, de Tunisie, du Maroc et du Qatar, de même que des USA. Le camp était financé par un mélange de partenariats de grosses entreprises, de donations individuelles et de subventions fédérales. C’étaient les années 1990 : la guerre froide était officiellement terminée et les États Unis étaient le leader mondial, se présentant au Moyen Orient comme un messager d’espoir. Nous étions jeunes et nous en profitions. Être mis dans un avion pour aller à un camp d’été, quoi de plus enthousiasmant ?

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