Beita : une nouvelle forme de résistance populaire fait ses preuves

mercredi 18 août 2021

Par Qassam Muaddi

Après 65 jours de protestations, 4 morts et 294 blessés, dont 84 par balles en caoutchouc et 3 par balles réelles, les Palestiniens du village de Beita, au sud de Naplouse en Cisjordanie occupée, ont célébré vendredi [2 juillet] l’évacuation de la colonie israélienne illégale d’Avitar, sur la colline du Mont Sabih.

Le gouvernement israélien a annoncé jeudi qu’il était parvenu à un accord avec les 50 familles de colons du Mont Sabih pour évacuer l’avant-poste, tout en maintenant les structures construites. Selon le gouvernement israélien, la propriété foncière de l’endroit sera examinée, afin de déterminer la légalité supposée de la colonie.

Les activistes de Beita ont déclaré à QNN qu’ils poursuivront leur mouvement de protestation jusqu’à ce que toutes les structures mises en place par les colons soient enlevées du Mont Sabih, insistant sur le fait que les terres du Mont sont la propriété des Palestiniens.

Beita est devenu le centre de l’attention en Palestine depuis la fin mai, en raison de la résistance populaire massive que le village a démontrée. Pour de nombreux Palestiniens, la créativité des formes de protestation et la participation massive des résidents de Beita témoignent d’une nouvelle dynamique de la résistance populaire. Une dynamique qui rappelle aux Palestiniens celle de la première Intifada.

QNN a décidé de suivre les habitants de Beita dans leurs actions de protestation, peu avant l’évacuation des colons du Mont Sabih. Voici l’histoire de la résistance populaire de Beita, vue de l’intérieur.

JPEG - 59.1 ko Photo : Qassam Muaddi

Comment “tout le monde s’est impliqué”

C’est l’heure de la prière du vendredi à Beita, une semaine avant l’évacuation des colons. L’étroite route de terre qui serpente entre les oliveraies est pleine des vieilles voitures poussiéreuses que les villageois palestiniens utilisent pour aller dans leurs champs.

Dans une oliveraie qui surplombe une profonde vallée, des centaines de fidèles forment des rangées pour la prière, tandis que l’imam du village, muni d’un haut-parleur, exhorte les participants : “Laissez de l’espace entre les rangs, nous allons commencer”.

Les gens continuent d’arriver, tandis que les équipes de journalistes et leurs caméras s’installent sur la route, entre les fidèles et le sommet de la colline où se dressent, de l’autre côté de la vallée, les maisons en béton de la colonie d’Avitar.
Photo : Qassam Muaddi

Après une longue respiration, l’imam commence son sermon : “Au nom de Dieu, le plus clément, le plus miséricordieux…” Au bout de quelques phrases, une bombe lacrymogène traverse la route en terre et atterrit près de l’imam. Les fidèles toussent et se mettent à reculer vers l’intérieur de l’oliveraie, pendant que l’imam interrompt son éloquent sermon en arabe classique, pour s’écrier, dans le langage d’un paysan palestinien : “Bande de salauds, laissez-nous finir la prière et ensuite on s’occupera de vous !” aux soldats israéliens, stationnés tout près dans la vallée.

Alors que les manifestants s’efforcent de se remettre en ligne et de commencer leur prière hebdomadaire, au milieu des gaz lacrymogènes, Khaled Mufleh, un journaliste local et résident de Beita explique à QNN que “les manifestations à Beita ont commencé au même moment que les grandes manifestations qui ont suivi l’incursion de la police israélienne dans la mosquée Al Aqsa, pendant le mois sacré du Ramadan, parce que des colons israéliens ont profité des troubles pour ouvrir des routes et établir une colonie à Beita”.

À la fin du mois de mai, les Palestiniens des deux côtés de la ligne verte ont célébré leur unité et le cessez le feu conclu entre les factions palestiniennes de Gaza et Israël, au bout de 11 jours de bombardements. Mais Beita n’était encore qu’au début de son propre combat.

Quelques semaines après que les premiers colons se furent installés au Mont Sabih, l’avant-poste s’est transformé en une petite colonie entièrement opérationnelle, avec tous les bâtiments et services nécessaires et l’installation de dizaines de familles. Les protestations ont commencé à prendre de l’ampleur. “Puis est venu le premier martyr” rappelle Khaled Muflih : “Issa Barham, un avocat de 42 ans et père de quatre enfants, a été abattu alors qu’il participait aux manifestations. Deux semaines plus tard, des soldats israéliens ont tué Zakariyah Hamayel, un instituteur de 28 ans. À ce moment-là, la colère dans le village a atteint son paroxysme. Tout le monde s’est impliqué”.

La résistance, la particularité du village

Deux autres Palestiniens ont été tués dans les semaines qui ont suivi. Le dernier en date, Mohammad Hamayel, n’avait que 15 ans. Des portraits de lui sont affichés dans toutes les rues de Beita et même à l’intérieur des bâtiments.

Des traces de pneus brûlés marquent l’entrée de la ville, non loin d’un carrefour où l’armée israélienne surveille de près tous les mouvements d’entrée et de sortie de la ville. Surtout le jeudi après-midi, lorsque des manifestants, des journalistes et des curieux de toutes sortes viennent à la manifestation hebdomadaire de Beita.

Mahmoud Hamad, un ouvrier agricole de 30 ans, conduit deux visiteurs directement à l’un des points de contact près du mont Sabih. “Les manifestations du vendredi commencent le jeudi”, souligne-t-il. “Vous venez sûrement visiter notre résistance ? Il n’y a rien d’autre à voir ou à faire à Beita pendant le week-end”.
Photo : Qassam Muaddi

Mahmoud ajoute : ” Si la résistance populaire à Beita est si efficace, c’est parce que tout le monde se sent concerné. Il n’y a jamais eu de colonie sur les terres de Beita auparavant, et si nous laissons cette colonie s’installer, d’autres de nos terres seront bientôt menacées “.

En fait, Avitar est la première colonie israélienne sur les terres de Beita. Son emplacement se trouve dans la zone C, où il est interdit aux Palestiniens de construire, mais, comme l’affirment les villageois, les terres appartiennent à des particuliers.

En 2018, l’armée israélienne a émis un ordre pour confisquer 24 donums de terres sur le mont Sabih à des fins militaires. La saisie n’a jamais eu lieu, et l’ordre a expiré la même année. Néanmoins, étant donné la situation stratégique du mont Sabih qui surplombe la route israélienne n° 5, il était clair qu’une tentative israélienne de s’emparer du mont n’était qu’une question de temps.

Sur le lieu de la manifestation, des dizaines de Palestiniens de tous âges, des hommes pour la plupart, sont rassemblés au milieu des oliviers à quelque 200 mètres d’un groupe de soldats israéliens. Un homme tient dans ses bras une fillette de 5 ans qui chante dans un haut-parleur : “Sauvez le Mont Sabih à Beita ! Allahu Akbar !” Les manifestants répètent la prière après elle.

Un groupe de jeunes, le visage dissimulé, jette des pierres en direction des forces d’occupation, tandis qu’un autre groupe, sous un olivier, crie des insultes en hébreu. Un jeune, dont le visage est couvert, crie soudain en arabe : “Hé Rani, pourquoi as-tu amené ton matériel de coiffure ?”

Le jeune homme explique alors à QNN que “les coiffeurs de Beita avaient une fois apporté leur matériel au Mont Sabih pour offrir des coupes gratuites à ceux qui donnaient des pneus de voiture pour les activités de “tapage nocturne” et que les soldats étaient venus leur voler leur matériel de coiffure”.

Tapage nocturne

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