Ce que veut dire Apartheid dans le cas d’Israël

vendredi 26 novembre 2021

19 novembre | Tareq Baconi pour The New York Review of Books | Traduction CG pour l’AURDIP, Traduction SF pour l’AURDIP

Un consensus croissant s’est formé autour du terme — non comme une comparaison rhétorique avec l’Afrique du Sud, mais pour décrire un système de domination construit sur la partition de la Palestine.

Les historiens du futur pourraient bien distinguer 2021 comme l’année où le vent a tourné en faveur de la lutte palestinienne — même si c’était difficile de le voir venir. Les derniers mois de 2020 ont été parmi les plus sombres depuis des décennies, l’administration américaine s’attachant à encourager la vision expansionniste de droite d’Israël qui vise à démanteler, morceau par morceau, les préoccupations centrales composant la cause palestinienne : le droit des réfugiés à retourner dans les maisons dont ils ont été expulsés en 1948, le statut de Jérusalem comme capitale de la Palestine et le droit à l’auto-détermination sur des terres actuellement occupées par Israël. A la fin de l’année, le coup de grâce est arrivé lorsque plusieurs États arabes ont tourné le dos à la Palestine, en normalisant les relations diplomatiques et économiques avec Israël malgré son assujettissement persistant des Palestiniens. Le peuple palestinien a paru vaincu, pendant qu’Israël poursuivait son annexion du territoire occupé.

Mais des percées inattendues ont eu lieu. En janvier 2021, B’Tselem, la principale organisation de défense des droits humains en Israël, a publié un rapport intitulé sans ambiguïté « Un régime de suprématie juive du Jourdain à la Méditerranée : c’est un apartheid ». Dans ce rapport, les auteurs arguaient que le mandat de leur organisation depuis sa fondation en 1989 — éclairer les violations israéliennes des droits humains dans les Territoires occupés — n’était plus adéquat. « La situation a changé », expliquait le rapport. « Ce qui arrive dans les Territoires occupés ne peut plus être traité séparément de la réalité dans la région entière sous contrôle israélien ».

La puissance de ce rapport n’était pas dans l’accusation, portée par une organisation israélienne, qu’Israël pratiquait l’apartheid ; Yesh Din, une organisation israélienne de défense des droits humains engagée dans la protection des Palestiniens vivant sous le régime militaire d’Israël en Cisjordanie, avait formulé cette accusation six mois plus tôt, ainsi que plusieurs importantes personnalités israéliennes. De fait, de nombreuses voix israéliennes et internationales ont averti depuis des années que les pratiques israéliennes, si on les laissait incontrôlées, reviendraient à un système d’apartheid. Ce qui était différent dans l’analyse de B’Tselem était sa contestation d’un mythe généralisé, celui auquel souscrit la majeure partie de la communauté internationale, à savoir que le régime militaire d’Israël dans le territoire palestinien occupé peut être traité d’une certaine façon séparément de l’État d’Israël. L’organisation, au contraire, a caractérisé Israël comme un unique « régime qui gouverne la totalité de la région ».

Trois mois plus tard, Human Rights Watch, la principale organisation mondiale de défense des droits humains, a fait écho à ces résultats en publiant un rapport exhaustif, dont une analyse juridique étendue, qui concluait de manière accablante qu’un seuil historique avait été franchi : les autorités israéliennes commettaient des crimes contre l’humanité, sous la forme d’un apartheid et d’une persécution du peuple palestinien. Par-delà l’origine sud-africaine du terme, l’apartheid est universellement interdit selon la Convention internationale pour la suppression et la punition du crime d’apartheid de 1973 et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998, qui interdit aussi le crime de persécution.

Pour justifier leur assertion sur le seuil historique, B’Tselem et Human Rights Watch citaient plusieurs développements : l’annexion continue de facto du territoire palestinien par Israël ; les lois à statut constitutionnel à l’intérieur d’Israël, qui consacrent la suprématie juive ; l’enracinement du système de contrôle d’Israël sur les Palestiniens ; la mort du processus de paix ; et les efforts des États-Unis pour ratifier et formaliser cette réalité sous le masque d’un engagement nominal à une solution à deux États. Pour les deux organisations, comme pour beaucoup d’autres analystes, militants et responsables politiques, la convention de traiter comme temporaire l’occupation par Israël de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et la Bande de Gaza —et donc comme une question qui pourrait potentiellement être résolue en dehors des confins et du contrôle de l’état d’Israël —n’était plus une description exacte de la réalité. Il n’y avait aucune indication d’autre chose que la permanence de l’emprise d’Israël sur « la totalité de la région », comme l’a écrit B’Tselem.

Lire l’article complet ICI.