De Ben Gourion à Netanyahou, les premiers ministres d’Israël, miroirs du pays

jeudi 2 août 2018

Pendant soixante-dix ans, l’Etat israélien a vu défiler une douzaine de Premiers ministres. Parmi eux, certains ont été les architectes de l’identité israélienne moderne et ont façonné la politique du pays.

En 1947, la Grande-Bretagne annonce qu’elle mettra fin à son mandat en Palestine le 15 mai de l’année suivante. Le 29 novembre 1947, l’ONU vote une résolution mettant en place un partage de la Palestine entre juifs et arabes. Il est aussi décidé que Jérusalem reste neutre.

Ben Gourion, l’enfant polonais qui concrétisa le rêve sioniste

Le Premier ministre israélien qui dirige pour la première fois le pays n’est autre que David Ben Gourion, né à la fin du XIXe siècle en Pologne dans une famille sioniste. Il voit enfin se concrétiser, en 1947, la création d’un foyer national juif, pour laquelle militait le mouvement sioniste, apparu avec le développement des pogroms en Europe. Il dira d’ailleurs dans l’une de ses dernières interviews que la véritable date de création de l’Etat d’Israël est 1870, date de la formation de la première communauté de militants sionistes qui installèrent une école agricole à Jaffa.

Ben Gourion sera celui qui proclamera la fondation de l’Etat d’Israël. Il devient Premier ministre au lendemain de cette proclamation en 1948 puis en 1953 et enfin de 1955 à 1963. Sa détermination sur plusieurs décennies, lui a permis d’arriver à la création de cette nation que tout jeune déjà, il appelait de ses vœux. Dans les années 30, il avait fondé et pris la tête du parti travailliste Mapai.

Golda Meir, la femme de gauche devenue chef de guerre

Ben Gourion aurait dit d’elle qu’elle était le seul homme de son gouvernement. La "grand-mère" d’Israël à la poigne de fer est née en Ukraine à la fin du XIXe siècle. Alors qu’elle vivait avec ses parents réfugiés aux Etats-Unis, elle quitte le foyer familial à 15 ans et s’associe à un groupe de jeunes juifs socialistes. Elle a à peine 20 ans quand elle rejoint Israël. Sur place, elle devient une figure importante au sein du mouvement sioniste.

En 1947, c’est elle qui rencontre le roi Abdallah de Jordanie, juste avant la création de l’Etat israélien. C’est elle aussi qui part à Moscou pour ouvrir les premières relations diplomatiques avec l’URSS.

Seule femme à avoir dirigé le pays – elle sera Premier ministre de 1969 à 1973 – Golda Meir ne quittera jamais vraiment la scène politique. Très à gauche sur les questions sociales, elle sera extrêmement dure sur les questions de défense. Persuadée que les arabes ne voulaient pas la paix, elle se refusera toujours au moindre compromis de territoire avec les Palestiniens.

Avec la guerre du Kippour, un conflit de quinze jours que les Israéliens ont perdu et qui a provoqué une crise pétrolière et économique majeure, les cartes sont redistribuées dans un Proche-Orient qui devient le centre de toutes les attentions diplomatiques.

Golda Meir sera poussée à la démission, une commission ayant pointé l’impréparation de son armée, lors de cette guerre du Kippour. Mais la région sera à jamais marquée par son empreinte.

Itzhak Rabin, l’espoir assassiné

Sioniste et homme de gauche convaincu, Itzhak Rabin est né à Jérusalem. Fils d’une émigrée marxiste venue d’URSS, le jeune homme choisit la voie militaire où il culminera, en 1964, au poste de chef d’État-major.

Puis, c’est la carrière de diplomate qu’il embrasse. En 1967, il part pour les États-Unis comme ambassadeur. Après la guerre des Six-Jours, il commence à tisser pas à pas une relation profonde et étroite avec les États-Unis. En même temps, Israël se détourne de la France.

Itzhak Rabin devient chef du gouvernement juste après la démission de Golda Meir. Rabin pense qu’il faut se libérer des territoires et de la population palestinienne, contrairement à Shimon Peres. Et ce conflit entre Peres et Rabin va compliquer la vie politique du pays. En 1974 et 1977, au cours de son premier mandat, Rabin a du mal à remettre le pays à flot. La crise économique est loin d’être endiguée. Il quitte le pouvoir. Pour la première fois de son histoire, Israël vire à droite.

Menahem Begin, la paix avec l’Egypte, la guerre avec le Liban

Menahem Begin, qui a vécu dans la clandestinité pour combattre le protectorat anglais, est un adepte de la manière forte.
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Juste avant la création de l’Etat d’Israël, sa tête est mise à prix par les Anglais. Militant de droite, il sera à la fois le signataire l’accord de camp David en 1978 avec le président égyptien Anouar al-Sadate, mais c’est aussi lors de son mandat qu’éclatera la meurtrière guerre du Liban.

La révolution iranienne en 1979 et l’entrée de l’armée israélienne sur le territoire libanais en 1982 vont fournir les éléments d’une situation géopolitique explosive, sur laquelle vient se greffer la fin de la guerre froide.

Dans les années 70 et au début des années 80, la formation d’un nationalisme palestinien armé va aussi totalement changer la stratégie militaire israélienne. Itzhak Shamir, homme de droite nationaliste, poursuit la politique de Begin : il ne veut rien concéder aux Palestiniens. Jusqu’en 1992, il poursuivra sa stratégie du "grand Israël". Au cours de son mandat, en 1986, la première intifada éclatera.

Shimon Peres, une vie politique complexe à l’image d’Israël

Cet homme de gauche, frère ennemi d’Itzhak Rabin au sein du parti travailliste, sera Premier ministre deux fois entre 1984 et 1986 puis entre 1995 et 1996. Son grand fait d’armes sera de porter en tant que ministre des Affaires étrangères, auprès du Premier ministre d’alors Rabin, les accords d’Oslo . Ces accords scellent la politique de réconciliation avec les Palestiniens. En 1995, l’assassinat de Rabin et la chute de la gauche au profit du Likoud seront le début de la fin pour le processus de paix. Dans le même temps, tout au long de ses mandats, il ne cessera d’encourager le développement des colonies.

Ariel Sharon, "la parole du poing serré"

Quand celui que certains considèrent comme un criminel de guerre devient Premier ministre, sa responsabilité dans le massacre des habitants des camps de Sabra et Chatila, prés de Beyrouth, au Liban, est immédiatement évoquée.

A l’été 1982, lorsque l’armée israélienne envahit le pays du Cèdre, les phalangistes libanais, alliés des israéliens, tuent plusieurs centaines de civils alors que Tsahal encercle ces camps de réfugiés palestiniens. A cette époque Sharon, présent sur place, est ministre de la Défense.

Cet homme entré très jeune dans l’armé prend la tête du pays en 2001. Ce qu’il a fait en tant que militaire, à savoir déplacer le conflit armé sur le terrain de l’adversaire, lui convient parfaitement. Mais en 1973, en quittant la carrière militaire, il comprend très vite qu’il peut tirer un profit stratégique des colonies. Plus Israël s’étend, plus il assure sa sécurité dans la région.

Après la deuxième intifada en 2001, et sa venue remarquée au Mont du Temple, Sharon va mener jusqu’en 2004, une politique qui encourage très clairement l’expansionnisme de la droite nationaliste et les colonies. Pour lui, les arabes ne comprennent que "la parole du poing serré".

Puis en 2004, il surprend tout le monde en annonçant le retrait unilatéral de l’armée ainsi que des colons de la bande de Gaza.

Benyamin Netanyahou, un virage très à droite

Dès son premier mandat en 1996 comme chef du gouvernement, Benjamin Netanyahou, qui est le premier dirigeant d’Israël né après sa création, a joué avec les peurs de son peuple. Brandissant le spectre de la division d’Israël, il sera réélu en 2009. Mais cette fois-ci, "Bibi" va encore plus loin puisqu’il signe un accord avec les nationalistes et les ultra-orthodoxes.

Depuis plusieurs mois pointé du doigt dans des affaires de corruption, Netanyahou est déstabilisé au sein de son parti, le Likoud, dont de jeunes leaders veulent l’écarter. Même chose du côté des religieux, qui veulent aussi l’éloigner du poste de Premier ministre. Aux dernières élections, les nationalistes israéliens ont encore fortement progressé dans les urnes.

Benjamin Netanyahou semble répondre à cette situation en menant une politique de plus en plus répressive envers les Palestiniens. À la suite de la mort des manifestants palestiniens, il a évoqué "l’éthique de l’armée israélienne", quand de nombreuses organisations de gauche ont vivement protesté contre les tirs de Tsahal.

Là-dessus, le déménagement prochain de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, qui devrait avoir lieu le 16 mai, va mettre un peu plus d’huile sur le feu. Il faut dire que, parmi ses plus proches alliés, outre le Saoudien Mohamed Ben Salman, Netanyahou peut compter sur le soutien indéfectible de Donald Trump. Un dirigeant puissant, certes, mais, comme lui, contesté dans son pays et au-delà.

France inter
jeudi 19 avril 2018 par Ouafia Kheniche@ouafiak


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