Des citoyens français contribuent aux violations israéliennes du droit international

samedi 24 novembre 2018

En s’engageant dans l’armée israélienne et en s’installant sur les terres palestiniennes occupées, des citoyens français contribuent aux violations israéliennes du droit international – et le gouvernement français ne fait rien pour les en empêcher

Le 10 octobre, l’ambassadrice israélienne à Paris, Aliza Bin Noun, a demandé à France Télévisions de censurer un documentaire intitulé « Gaza, une jeunesse estropiée » couvrant l’histoire de jeunes manifestants palestiniens mutilés par des snipers israéliens le long de la barrière de Gaza depuis le début de la Grande marche du retour, il y a six mois.

Le documentaire suit la vie d’Alaa, un jeune homme de 21 ans qui s’entraînait pour devenir le premier champion de cyclisme palestinien – un rêve qui s’est brisé le 30 mars lorsqu’une balle israélienne lui a emporté la jambe droite. Un autre jeune Gazaoui, Mohamad, 13 ans, voulait devenir médecin, mais a également été blessé lors des manifestations et a été amputé. Des dizaines d’autres manifestants ont été mutilés par des soldats israéliens depuis le début des manifestations en mars.

L’un de ces soldats est Michael Oiknine, un Franco-Israélien qui s’est vanté dans un tweet d’avoir tué deux manifestants palestiniens à la barrière de Gaza. Sa déclaration a suscité une vive controverse, de nombreuses personnes ayant dénoncé ses actes de terrorisme contre une population civile non protégée et assiégée. Oiknine s’est ensuite rétracté et a présenté ses excuses.

Des crimes de guerre

Bien que la police et les services de renseignement français aient été alertés de ces aveux publics de meurtre, Oiknine n’avait rien à craindre : les autorités françaises ne seraient jamais venues frapper à sa porte pour ouvrir une enquête.

Des précédents ont déjà été établis en matière de crimes de guerre commis par des citoyens français sur des terres palestiniennes occupées. En mars 2016, Elor Azaria, un soldat franco-israélien, a abattu un Palestinien blessé, une exécution extrajudiciaire considérée comme un crime au regard du droit international, selon Amnesty International. Suite à un tollé international, Azaria a passé neuf mois en prison.

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Le gouvernement français n’a pas fait de déclaration sur la double nationalité d’Azaria, pas plus qu’il n’y a eu de débat national sur la déchéance de nationalité consécutive à un crime de guerre, ce qui est la norme lorsque des citoyens français commettent des crimes en Syrie ou en Irak. Azaria sera-t-il un jour convoqué à un interrogatoire par les services de renseignement français en rentrant chez lui ou même ajouté à la base de données du ministère de l’Intérieur ?

Le ministère français de l’Intérieur a enregistré dans sa base de données quelque 18 500 individus reliés à des faits de radicalisation, soupçonnés pour la plupart d’entretenir des liens avec des organisations terroristes à l’étranger en Syrie et en Irak – néanmoins, selon l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, aucun n’est en lien avec Israël, un pays pourtant vivement condamné pour ses violations continues du droit international.

Le ministère de l’Intérieur établit une définition claire d’un individu devant être considéré comme un élément radicalisé. Parmi les critères figurent des changements de comportement spécifiques, tels qu’une rupture soudaine avec des membres de la famille, des tendances asociales ou un changement d’identité culturelle.

Des « soldats isolés »

Ces caractéristiques s’inscrivent dans le schéma du programme des « soldats isolés », conçu par l’armée israélienne pour recruter des étrangers ou de nouveaux immigrés sans famille dans le pays. Environ 7 000 soldats isolés servent actuellement en Israël, dont de nombreux binationaux français, bien qu’il n’existe pas de chiffres précis à ce sujet.

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Le recrutement actif de ces soldats s’effectue dans la capitale française. Il y a quelques années, l’ambassade israélienne à Paris a invité la communauté juive locale à participer à une session de recrutement avec un représentant de l’armée. En août dernier, l’armée israélienne a accueilli 300 nouveaux soldats isolés, dont sept originaires de France.

Considérée comme une source importante de colons pour Israël, la France abrite la plus grande communauté juive d’Europe et la troisième au monde après Israël et les États-Unis. Selon le Bureau central des statistiques israélien, des milliers de colons français sont arrivés dans le pays au cours des dernières années ; aujourd’hui, plus de 21 000 colons français violent le droit international sur les terres palestiniennes.

Israël travaille d’arrache-pied pour associer l’antisionisme à l’antisémitisme et la colonisation à une migration. Si les migrations ont toujours fait partie de la nature humaine – provoquées par des circonstances sociales, financières ou politiques diverses –, la colonisation est un mouvement fondé sur des privilèges, qui prospère à travers l’exploitation des terres et des ressources de la population autochtone. Bien que les colons français aient effectivement contribué à l’éradication de vies palestiniennes, ils n’ont jamais été condamnés par le gouvernement français.

Une histoire coloniale meurtrière

Se pourrait-il que la France ne reconnaisse pas un projet de colonisation, même s’il se trouve juste sous ses yeux ? Compte tenu de son histoire coloniale sombre et meurtrière à travers le monde, la France pourrait y être en effet aveugle.

Au cours des six derniers mois, des dizaines de Palestiniens à Gaza ont été tués par les forces israéliennes pour avoir revendiqué le droit de retourner dans leurs villages, situés à quelques kilomètres seulement de la barrière israélienne qui les emprisonne.

Un grand nombre de ces victimes étaient des enfants qui ne connaissaient que la colonisation, la guerre et la misère, qui aspiraient toujours à une vie meilleure, à un avenir meilleur, dans la dignité. C’est Israël qui, avec le soutien de la France, leur a volé cela.

- Hanine Hassan est chargée de cours au sein du département d’études sur le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Afrique (MESAAS) de l’Université de Columbia. Vous pouvez la suivre sur Twitter : @hanine09.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Source : le site deMiddle East Eye via la Plateforme des ONG pour la Palestine