Enseigner la poésie israélienne à Gaza

samedi 4 décembre 2021

Rifaat Alaarïir, professeur palestinien de littérature, est un contempteur de l’État hébreu. Malgré ses opinions politiques, il initie ses étudiants aux grands poètes israéliens.

JPEG - 115.1 ko Rifaat Alaarïir, lors de son cours de premier cycle sur la littérature étrangère, à l’université islamique de Gaza. Photo Samar Abu Elouf/The New York Times

Quarante-cinq minutes après le début de son premier cours de la journée, un professeur palestinien de l’Université islamique de Gaza a posé une question à ses soixante-dix étudiantes en littérature : qui était l’auteur du poème qu’ils venaient d’analyser ? Pour toutes ces jeunes femmes, l’identité du poète, ou du moins son origine, était évidente. Le texte portait sur Jérusalem, une ville qu’elles chérissaient mais n’avaient jamais visité parce qu’elles sont de jeunes Palestiniennes généralement cantonnées à Gaza. Et la voix du poème était celle d’un observateur mélancolique qui, comme elles, aimait la ville mais n’y avait pas accès.

La traduction française du texte commence ainsi :

Sur un toit de la vieille ville / Du linge sèche dans la lumière tombante / Le drap blanc d’une femme mon ennemie / La serviette d’un homme mon ennemi”

Sondos Alfayoumi, 19 ans, a levé la main. Le poème est écrit par un Palestinien qui observe de loin le linge d’Israéliens, avance-t-elle. “Le texte décrit un homme qui ne peut accéder à quelque chose qui lui appartient, précise-t-elle. Un homme qui travaille dans les territoires occupés.” Ses camarades ont hoché la tête en signe d’approbation. Seul un Palestinien pourrait écrire une évocation aussi chaleureuse de Jérusalem, a complété une autre étudiante.

Mais le professeur, Rifaat Alaarïir, avait une surprise pour elles. “L’auteur de ce sublime poème n’est pas un Palestinien”, révèle-t-il. Une vague de murmures a parcouru la pièce, les jeunes femmes ayant déduit ce que ça signifiait. L’une d’elles a laissé échapper une exclamation et Sondos Alfayoumi a étouffé un rire nerveux. “C’est un poète israélien, poursuit le professeur, il s’appelle Yehuda Amichaï.”
“Jérusalem peut être un lieu de rassemblement”

Cette scène a permis de nuancer deux perspectives opposées : celle des étudiantes, nombreuses à connaître une personne tuée ou blessée par des missiles israéliens, et qui ne connaissent d’Israël que ses frappes aériennes ; et celle d’Israéliens, nombreux à penser que le système éducatif palestinien se résume à de l’incitation à la violence.

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