Heba Yazbak : la nouvelle sorcière israélienne

mardi 10 mars 2020

Heba Yazbak pourra finalement se présenter aux élections israéliennes du 2 mars prochain, malgré la décision de la commission électorale nationale qui comprend des représentants de tous les partis. Mais pourquoi donc cette avocate fait-elle si peur aux Israéliens ? Parce que c’est une femme palestinienne qui ne mâche pas ses mots, répond un article de Haaretz.

Heba Yazbak a dû faire un recours judiciaire auprès de la Cour suprême pour pouvoir se prononcer, après une campagne haineuse et féroce contre elle.

"Pendant longtemps, les Israéliens ont fait preuve d’un mépris tout particulier à l’encontre de Haneen Zoabi, du parti de gauche Balad. Mais après qu’elle eût quitté la vie politique, il ne leur fallut pas longtemps pour lui trouver une remplaçante : Heba Yazbak.

L’opinion publique a toujours besoin d’une sorcière à brûler. Comme Zoabi avant elle, Yazbak est avocate et membre du parti antisioniste Balad. Autre point commun : elle aussi a été la cible d’une pétition pour l’empêcher de se présenter aux élections. Cette initiative a trouvé un large soutien, de l’extrême-droite aux partis ’un peu à gauche de la droite’, et qui sont qualifiés de "partis de gauche" en Israël, (dont le parti de Gantz pour lequel la Liste Arabe Unie appelle à voter...)

Il ne fait aucun doute que ses publications sur les réseaux- qui ont été le prétexte de la pétition lancée par Ofir Katz, du Likoud- ne sont pas agréables à lire pour des juifs israéliens. En 2015 elle qualifiait Samir Kuntar, membre du Hezbollah qui a mené une attaque meurtrière à Nahariya en 1979, de martyr.

Pourtant, ceux-là mêmes qui condamnent ces propos n’hésitent pas à faire l’éloge de Geula Cohen, dont la longue carrière politique a commencé avec sa participation au groupe terroriste Lehi.
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Heba Yazbak est le porte-voix de l’histoire palestinienne et elle ne police pas son discours pour l’adapter à l’histoire officielle israélienne.

La réaction à ses posts témoigne d’une grande fragilité du système politique israélien. La "démocratie israélienne" serait-elle plus juive que démocratique ? interroge Haaretz.

Il suffit pour trouver la réponse de se rappeler l’hystérie collective qu’avait suscité la lointaine possibilité qu’une coalition gouvernementale inclue des partis arabes, soit les représentants d’un cinquième de la population israélienne.

Dans un pays qui a élu Ariel Sharon comme premier ministre, le responsable des massacres de Sabra et Chatila notamment, pouvait-on vraiment prétendre interdire à Heba Yazbak de se présenter ? Il n’est pas nécessaire de partager ses idées pour comprendre en quoi cela menacerait l’idée démocratique.

Cherchant un moyen facile de marquer des points, les politiciens de droite se sont jetés sur l’opportunité de dénoncer "l’agent du mal" que serait Yazbak. La kabale aura au moins eu la vertu de révéler le vrai visage du parti de Gantz ainsi que de l’alliance Labor-Gesher-Meretz, qui ne sont définitivement pas si différents de Netanyahu et ses sbires.

Une sorcière, c’est-à-dire une femme qui ne suit pas la doxa patriarcale, perturbe le statut quo et inquiète grandement ceux qui le produisent et le reproduisent.
Appartenant au "peuple ennemi", Yazbak, une jeune femme qui ose exprimer des opinions déplaisantes publiquement, incarne l’adversaire ultime. Face à elle, le tout-puissant Israël tremble comme si son entrée au parlement devait provoquer l’effondrement de l’édifice qui l’héberge.

La femme arabe qui s’exprime, voilà le plus grand ennemi de l’Etat colonial. "
(Traduit par Sarah V. pour CAPJPO-EuroPalestine)
Source : Haaretz


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