Il y a 70 ans, l’Exodus quittait le port de Sète

samedi 15 juillet 2017

Deux descendants et un ancien passager de l’Exodus ont témoigné dimanche 9 juillet avec émotion à Sète (Hérault), 70 ans après le départ de ce navire, avec à son bord 4 554 juifs rescapés des camps nazis. Un épisode déterminant dans la création de l’État d’Israël.

« L’embarquement sur ce bateau, c’était comme monter sur le mont Sinaï », a rapporté Isthak Roman, fils d’un passager qui lui a raconté cette odyssée. La ville de Sète commémore dimanche 9 juillet les 70 ans du départ de l’Exodus pour la Palestine. « C’est la dernière fois qu’on a des survivants, dans dix ans ils auront disparu », explique Freddy Dran, coprésident du comité Exodus et représentant de la communauté juive de Sète.

JPEG - 86.4 ko Le nom hébreu de l’Exodus figure sur la coque (Yetzi’at Eiropa Tashaz).

Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1947, un navire avec plus de 4 554 personnes à son bord, pour la plupart des rescapés des camps nazis, quittait le port de Sète, direction la Palestine, alors sous mandat britannique. Objectif : briser le blocus britannique empêchant l’immigration juive sur ce territoire arabe où les sionistes veulent obtenir la création d’un État juif.

Témoignages

Dans le plus grand secret

« Cet événement était clandestin, c’était la Haganah (NDLR : organisation militaire sioniste clandestine) qui était à la manœuvre, très peu de gens parmi la population sétoise étaient informés »

Parallèlement, des milliers de candidats à l’émigration vers la Palestine, surtout originaires d’Europe centrale, sont acheminés dans le plus grand secret vers le port de Sète à bord de 172 camions. Et tous veulent monter à bord de ce rafiot à fond plat, inadapté à la navigation en mer.

Rebaptisé « Exodus 47 »

Ils sont finalement 4 554 à embarquer à bord de ce qui est encore le président Warfield, prévu pour transporter 700 personnes. Le commandant Yossi Harel, après avoir attendu en vain un remorqueur, quitte le port dans la nuit. « Les conditions étaient terribles, nous n’avions pas de couchettes, nous étions sur le sol », a raconté un rescapé venu spécialement d’Israël pour participer à la commémoration.

Destination officielle : la Colombie. Mais en réalité, le navire se dirige lentement vers la "Terre promise". En pleine mer, le 16 juillet, le bateau est rebaptisé Exodus 47 en référence à l’exode biblique de Moïse, et arbore le drapeau marqué de l’étoile de David.

À 22 heures, le 17 juillet, un message est transmis aux passagers, en anglais et en français : « Ici la voix de la Résistance juive à bord de l’Exodus 47 en route vers la Terre promise. Sur ce navire de la Haganah, il y a 1 600 hommes, 1 282 femmes, 1 017 jeunes gens et 655 enfants. La flotte britannique a repéré le bateau : nous sommes encerclés par six bâtiments de guerre, à cent kilomètres des côtes du pays. (…) Rien n’empêchera le courant de l’immigration de grossir. Rien n’empêchera ces Juifs sans patrie de monter en Israël. »

Vers la création de l’État d’Israël

Londres, sous la pression des Arabes, tente en effet d’interdire le territoire aux immigrants juifs. Le 18 juillet, au large de la ville d’Haïfa, en Palestine, le bateau est arraisonné. Deux passagers et un membre d’équipage sont tués. Puis, arrivé dans le port de Haïfa, les passagers sont rudement transférés dans « des bateaux cages » direction Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), où ils refusent de débarquer.

Face à cette révolte, le bateau part pour Hambourg, en Allemagne, où ces rescapés de l’Holocauste sont une nouvelle fois parqués dans des camps, dans la zone d’occupation contrôlée par les Britanniques, les 8 et 9 septembre 1947. Une forte émotion gagne le monde entier.

Cet épisode aura sur le vote de l’ONU en faveur du partage de la Palestine, en novembre 1947, qui aboutira en 1948 à la création d’Israël.
Frédérique Schneider
source : la Croix