Ils l’ignorent peut-être, mais les États-Unis précipitent la chute du régime d’apartheid israélien

vendredi 10 janvier 2020

Le secrétaire d’État Mike Pompéo a annoncé que les États-Unis revenaient sur leur position antérieure qui en fait reconnaissait que les colonies de peuplement d’Israël en Cisjordanie occupée constituent une violation du droit international.

Il s’agit d’un événement d’une portée et d’une importance certaines, mais pas pour les raisons généralement invoquées. En réalité, toutes les administrations américaines ont en pratique traité les colonies israéliennes en Cisjordanie comme si elles étaient légales. S’il est vrai que, comme le fait toujours l’UE, les Américains ont exprimé des objections inoffensives à la politique israélienne en Cisjordanie, dans la pratique, ils n’ont rien fait pour mettre un terme à son expansion coloniale.

JPEG - 62.7 ko

Les colonies de peuplement israéliennes font couler beaucoup d’encre, il vaut donc la peine de se rappeler ce qu’elles sont réellement. Au moins un demi-million (certains disent jusqu’à 700 000) de colons israéliens vivent en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, parmi des millions de Palestiniens opprimés, sans État.

Les colonies de peuplement israéliennes ne sont pas seulement illégales, ou « un obstacle au processus de paix », comme le dit un lieu-commun courant ; elles constituent un crime de guerre au regard de la Quatrième Convention de Genève. « La Puissance occupante [en l’occurrence Israël] ne déportera ni ne transférera une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe », dit la Convention.

Le droit international stipule très clairement que la Cisjordanie est un territoire occupé, et presque tous les États le reconnaissent. Les colonies de peuplement israéliennes ne sont pas de simples « quartiers juifs », comme la propagande israélienne voudrait nous le faire croire. Ce sont des édifices racistes et violents de la politique coloniale.

Les Palestiniens sont expulsés de force de leur maison et de leur terre pour construire ces colonies. Les « unités de logement » dont nous entendons tant parler chaque fois que le gouvernement en approuve de nouvelles, sont dans la plupart des cas, réservées aux Juifs. Même les citoyens palestiniens d’Israël ne sont pour la plupart pas autorisés à vivre dans les colonies de peuplement israéliennes ; ils peuvent contribuer à leur construction, mais ne peuvent y vivre. Ces colonies racistes, exclusivement juives, sont maintenues par des lois israéliennes racistes appliquées par une armée d’occupation qui impose en réalité une forme de dictature militaire.

La patrie des Palestiniens est ainsi rongée, petit à petit. Les Palestiniens ont été dépossédés, chassés et massacrés par Israël depuis sa fondation en 1948 (et même avant sa fondation cette année-là par le mouvement sioniste).

Ce que Trump a fait, cependant, n’est pas une aberration ou une action voyou isolée. En fait, c’est la conclusion logique de la politique étrangère des États-Unis, du Royaume Uni et de l’Union Européenne à ce jour. George W Bush, Barack Obama et d’autres ont en effet exprimé des condamnations timides et creuses des actions israéliennes, de la même manière que l’a fait ce mois-ci Elizabeth Warren, qui brigue l’investiture démocrate à la prochaine élection présidentielle.

L’annonce de Pompéo, a-t-elle dit, était une tentative « ouvertement idéologique » de l’administration Trump pour « détourner l’attention de ses échecs » dans la région. « Non seulement ces colonies violent le droit international, mais elles rendent la paix plus difficile à réaliser. En tant que Présidente, je reviendrai sur cette décision et œuvrerai à une solution à deux États. »

En fait, l’administration Trump n’a rien fait d’autre que déclarer plus ouvertement ce que les présidents démocrates et autres présidents américains ont fait en pratique. Les condamnations des colonies de peuplement israéliennes n’ont aucun sens si dans les faits elles sont suivies d’un soutien politique, militaire et économique à l’État colonial.

Il n’y aucune raison qu’il en soit ainsi. La présidence américaine a littéralement des milliards d’effets de levier sur Israël, 3,8 milliards pour être précis. Dans l’un de ses derniers actes, l’administration Obama a accepté de donner à Israël 3,8 milliards de dollars d’aide militaire chaque année pendant au moins dix ans.

Les initiatives controversées de Trump pour soutenir Israël en Palestine occupée – cette déclaration sur les colonies de peuplement, la reconnaissance de Jérusalem comme « capitale » d’Israël et la reconnaissance de l’annexion par Israël du plateau du Golan syrien – ne font en fait que déclarer ouvertement ce que les précédents présidents ont fait sous couvert de condamnations inoffensives. A défaut d’autre chose, il faut reconnaître à Trump le mérite de la franchise.

Obama a donné carte blanche à Israël pour qu’il continue d’occuper les Palestiniens éternellement en imposant son régime d’apartheid au peuple indigène, mais il l’a fait de façon détournée. Trump, cependant, fait exactement la même chose, mais ouvertement, au vu et au su de tout le monde.

Cependant, ils n’en ont probablement pas encore pris conscience, mais l’initiative de Trump et de ses laquais en faveur de l’extrême droite israélienne risque d’accélérer la chute du régime d’apartheid israélien. S’il n’y a plus de terre sur laquelle former l’ « État palestinien », il est plus difficile pour les partisans de la soi-disant « solution à deux États » de continuer à promouvoir ce leurre. La « gauche » sioniste ne disposera plus de cette feuille de vigne derrière laquelle se réfugier.

La seule voie à suivre sera alors celle d’un État démocratique unitaire, où chaque personne aura le droit de vote selon le principe une personne une voix entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée, et où tous les réfugiés palestiniens se verront accorder leur droit plein et entier au retour. C’est forcément la voie à suivre si l’on veut que les Israéliens et tous les habitants de la région, et peut-être bien du monde entier, vivent dans la paix et la justice.

JPEG - 5.2 ko Asa Winstanley

Asa Winstanley est un journaliste indépendant basé à Londres qui séjourne régulièrement dans les TPO. Son premier livre “Corporate Complicity in Israel’s Occupation” est publié chez Pluto Press. Voir son site web

Source : chronique de Palestine