Israël. La possible chute de la maison Netanyahou

dimanche 3 septembre 2017

Le premier ministre israélien est impliqué dans deux affaires de corruption. L’un de ses plus proches collaborateurs aurait accepté de coopérer avec la justice.

C’est en Israël, où la prévarication le dispute à la politique. C’est en Israël, où, derrière la morale religieuse, la défense de Jérusalem « capitale une et indivisible du peuple juif », valsent les milliards. C’est en Israël, où le premier ministre est sous les feux de l’actualité judiciaire. C’est en Israël, où la femme de ce même premier ministre intéresse, elle aussi les enquêteurs. C’est Benyamin Netanyahou aujourd’hui sur la sellette et dont l’avenir politique est en train de s’obscurcir. Un dossier où l’on retrouve pêle-mêle des propriétaires de journaux, des pactes politico-financiers et surtout beaucoup de magouilles.

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À tel point que Netanyahou, sur la défensive, est obligé de contre-attaquer. Mercredi, lors d’un meeting de soutien organisé à Tel-Aviv par son parti, le Likoud, il a affirmé qu’une campagne « de la gauche et de la presse visait à le renverser par un putsch ». De fait, la pression judiciaire s’est considérablement accentuée vendredi sur le premier ministre avec l’annonce qu’un de ses anciens proches collaborateurs avait accepté de coopérer avec la justice dans deux affaires de corruption présumée.

Ari Harow à l’origine des déboires de Netanyahou

L’une des enquêtes repose sur le soupçon que Netanyahou aurait reçu, illégalement, des cadeaux de personnalités très riches, dont le milliardaire australien James Packer et un producteur à Hollywood, Arnon Milchan. La valeur totale de ces cadeaux a été chiffrée par les médias israéliens à des dizaines de milliers de dollars. Une autre enquête cherche à déterminer s’il aurait essayé de conclure un accord secret avec le propriétaire du Yedioth Aharonoth pour une couverture positive de la part du journal, en échange de laquelle il aurait aidé à réduire les opérations d’Israel Hayom, concurrent du Yedioth !

À l’origine des déboires de Netanyahou, un homme de 44 ans, Ari Harow, l’un des confidents les plus proches du premier ministre. Il a d’abord travaillé comme volontaire en 2002 auprès de Netanyahou, pour le conseiller sur différents dossiers dont celui, crucial, brûlant, de la levée des fonds. Né à Los Angeles, Harow a grandi dans une colonie, Karnei Shomron, en Cisjordanie, avant de retourner aux États-Unis où il a dirigé les Amis américains du Likoud. Il y a une dizaine d’années, Ari Harow est impliqué dans des accusations de malversations financières liées à des donations de la part de riches personnalités qui ont financé les voyages de la famille Netanyahou (avec femme et enfants) alors qu’il était ministre des Finances d’Israël. Cela sans même que la Knesset, le parlement israélien, n’en soit informée.

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Le quotidien Haaretz affirme même que la conseillère média de Netanyahou, Odelia Karmon, était payée par les Amis américains du Likoud. Quand on sait que le même Netanyahou exige aujourd’hui des enquêtes sur le financement des organisations israéliennes de gauche et de défense des droits des Palestiniens, l’affaire prête à sourire. En 2010, Harow a ouvert un cabinet de conseil politique qu’il a revendu en 2014 pour redevenir directeur de cabinet de Netanyahou et diriger la campagne électorale qui a permis au chef de gouvernement de rester au pouvoir en 2015. L’enquête menée alors a conduit la police à le soupçonner d’avoir procédé à une vente factice de ce cabinet pour éviter les accusations de conflit d’intérêts. Et puis, patatras ! La semaine dernière, la police annonçait que Harow devrait être condamné à six mois de travaux d’intérêt général et à 700 000 shekels (166 000 euros) d’amewnde pour des faits d’abus de confiance, en échange de son témoignage contre Netanyahou.

Depuis, les spéculations vont bon train sur la possible chute de la maison Netanyahou. Si ce dernier a trouvé un certain réconfort auprès de son parti – le député Oren Hazan a même qualifié le bureau du procureur de l’État d’« écurie qui doit être nettoyée car elle est pleine de merde » (sic) –, ses alliés clés restent bien silencieux. La situation est d’autant plus inquiétante que le premier ministre, pour faire oublier ses déboires judiciaires et unir les Israéliens derrière lui, pourrait être tenté de déclencher une -nouvelle guerre contre les Palestiniens.

Pierre Barbancey - L’Humanité