Israël-Palestine : une vérité sans images

samedi 21 mai 2022

Les images révoltantes du meurtre de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, à Jénine, puis de la charge obscène contre son cortège funéraire, à Jérusalem, cachent hélas une vérité qui échappe aux caméras : la colonisation.

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En quarante-huit heures, les 11 et 13 mai, Israël a laissé échapper deux terribles images qui ont provoqué l’indignation du monde. La première montre le corps agonisant de la journaliste d’Al-Jazira Shireen Abu Akleh, atteinte par une balle de toute évidence israélienne, et la tentative désespérée d’une de ses consœurs pour lui porter assistance. On repensait au petit Mohammed Al-Dura, abattu dans les bras de son père, en septembre 2000 à Gaza. La seconde s’apparente à une profanation. On y voit la police israélienne charger le cortège funéraire qui accompagnait le cercueil de cette femme chrétienne de 51 ans qui n’a jamais rien eu d’une « terroriste ». Les porteurs plient sous les coups, le cercueil vacille. C’est un peu la version israélienne de « j’irai cracher sur vos tombes ». Car ce sont bien des représentants officiels d’un État dit démocratique, ami de la France et des États-Unis, qui se sont livrés à cette charge obscène. Pourquoi ? La haine ne permet pas à elle seule de comprendre l’assaut donné alors que le cortège sortait à peine de l’hôpital Saint-Joseph de Jérusalem. Du propre aveu des autorités israéliennes, c’est l’apparition de drapeaux palestiniens qui a justifié cette atteinte à ce qui, dans toutes les religions et les civilisations, est sacré : le deuil. Pour Israël, cette affirmation identitaire est inacceptable parce qu’elle contredit l’annexion de la vieille ville décrétée en 1980. Ce sont ces couleurs palestiniennes qui suffisent, dans le lexique colonial, à transformer des obsèques en « émeute ». La force peut tout, sauf anéantir la conscience nationale d’un peuple.

Ces deux images ont suscité, comme on dit, une vive émotion, jusqu’à Washington, allié historique d’Israël. La porte-parole de la Maison Blanche a exprimé « le trouble » de la présidence. On ne saurait être plus sévère ! L’État hébreu a tout de même été contraint d’ouvrir l’une de ces enquêtes qui ne mènent jamais nulle part. Chose plus rare, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté une résolution unanime condamnant « fermement » le « meurtre » de la journaliste américano-palestinienne. Et ce sont les États-Unis qui ont pris l’initiative de ce texte, eux qui posent systématiquement leur veto dès qu’il s’agit d’Israël. Il faut s’en féliciter. Est-ce pour autant le signe d’une quelconque inflexion ? Évidemment pas. Joe Biden est occupé ailleurs. Et, bien avant l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Poutine, il n’était question à Washington ni de revenir sur les calamiteuses décisions de Donald Trump, tel le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, ni de la moindre esquisse d’un plan qui ferait renaître l’espoir. Telles sont les limites de l’indignation. Les images révoltantes de Jénine et de Jérusalem cachent hélas une vérité qui échappe aux caméras : la colonisation. Le même jour, le gouvernement de Naftali Bennett autorisait la construction de 4 400 nouveaux logements en Cisjordanie. Une décision d’apparence administrative, sans images et sans indignations. Est-ce le contexte qui a contraint quinze pays européens, dont la France, l’Allemagne et l’Italie, à demander à Israël de renoncer à son projet ?

Il arrive parfois, quand la pression diplomatique est trop forte, que l’État hébreu accepte de surseoir à ses décisions, le temps que l’émotion retombe… En Palestine, personne n’est dupe.

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Denis Sieffert
par Denis Sieffert
publié le 18 mai 2022