Israël : nouvelle vague de colonisation, la 4e en moins de 2 semaines

vendredi 5 février 2016

La construction de 3 000 nouveaux logements en Cisjordanie a été annoncée. Depuis l’investiture de Donald Trump, le gouvernement israélien les multiplie.

Israël a annoncé dans la nuit de mardi à mercredi la construction de 3 000 logements de colonisation en Cisjordanie occupée, quatrième annonce du genre en moins de deux semaines depuis l’investiture du président américain Donald Trump. Cette décision prolonge la dynamique impulsée par la nouvelle donne américaine. Elle ressemble par ailleurs à un gage de plus donné aux partisans de la colonisation, à un moment où les autorités israéliennes ne paraissent plus avoir d’autre choix que d’appliquer un arrêt de la justice israélienne et de démolir une colonie au cœur d’un psychodrame collectif israélien, Amona.

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« Nous construisons et nous continuerons à construire », a promis le Premier ministre Benjamin Netanyahu © ONLY WORLD / ONLY FRANCE/ BOB DEWEL

Les préparatifs se sont accélérés et la démolition d’Amona, bouclée par des dizaines de membres des forces israéliennes depuis mardi, ne paraissait plus qu’une affaire de jours, sinon d’heures. Les 200 à 300 habitants refusent de partir. En haut de la colline où se trouve Amona, des jeunes ont allumé un feu de pneus, jetant occasionnellement des cailloux à des journalistes et visiblement déterminés à résister quand les forces israéliennes viendraient évacuer les habitants, ont constaté les journalistes de l’Agence France-Presse. Au bas de la colline, des soldats déroulaient au lever du jour du fil de fer barbelé pour empêcher des jeunes des colonies environnantes de venir se joindre à la résistance.

Espace ouvert par Trump
Au moment où le sort d’Amona se scellait, « le ministre de la Défense Avigdor Lieberman et le Premier ministre Benjamin Netanyahu ont décidé d’autoriser la construction de 3 000 nouvelles unités d’habitation en Judée-Samarie », nom donné par Israël à la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, a annoncé le ministère de la Défense dans un communiqué. Depuis le 20 janvier et la prestation de serment de Donald Trump, Israël a donné son feu vert définitif à la construction de 566 logements dans trois quartiers de colonisation de Jérusalem-Est occupée et annexée, et annoncé la construction de 2 502 logements en Cisjordanie. Jeudi dernier, la municipalité israélienne de Jérusalem a donné son accord final à 153 nouvelles unités d’habitation, gelées selon elle sous les pressions de l’administration Obama.

Les autorités israéliennes se sont engouffrées dans l’espace ouvert par l’avènement de Donald Trump, jetant aux orties la relative retenue observée dans leurs activités de colonisation au cours des dernières semaines de la présidence Obama. « Nous construisons et nous continuerons à construire », a promis le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui ne cache pas que la présidence Trump représente une « chance formidable » après les « pressions énormes » de l’administration Obama sur la colonisation et l’Iran. « Nous entrons dans une période nouvelle de retour à la normale [en Cisjordanie] et nous apportons la réponse qui convient aux besoins quotidiens de la population », a déclaré dans le communiqué de ses services le ministre israélien de la Défense, qui exerce son autorité sur le territoire.

Comme la précédente annonce en ce qui concerne la Cisjordanie, les 3 000 logements en sont à différents stades de la procédure. Les avocats les plus ardents de la colonisation avaient vivement critiqué une annonce récente en faisant valoir qu’une partie des 2 502 logements appartenaient à des plans déjà rendus publics et qu’il s’agissait d’un tour de passe-passe pour réduire la pression du lobby des colons. La communauté internationale et les Palestiniens ne s’alarment pas moins de cette rafale d’annonces. Mais, tandis que l’administration Obama avait critiqué et tenté de freiner jusqu’au bout la colonisation, l’administration Trump s’est jusqu’à présent signalée par son silence.

Les colonies, c’est-à-dire les implantations civiles israéliennes dans les Territoires palestiniens occupés, sont illégales au regard du droit international. Une grande partie de la communauté internationale les considère comme un obstacle majeur à la paix entre Israéliens et Palestiniens, toujours insaisissable après des décennies. Le gouvernement israélien conteste qu’elles soient la cause de la décomposition de l’entreprise de paix. Environ 400 000 colons israéliens mènent une coexistence souvent conflictuelle avec 2,6 millions de Palestiniens en Cisjordanie. L’expansion des colonies, poursuivie sous tous les gouvernements israéliens depuis 1967, grignote le territoire de la Cisjordanie et menace de rendre impossible la création d’un État palestinien indépendant qui coexisterait avec Israël, solution internationale de référence pour résoudre le conflit.
Le Point avec AFP, mercredi 1er février 2017


[**notre article du 5 janvier 2016*]
L‘année 2015 avait commencé par des mesures de rétorsion israéliennes suite à la volonté palestinienne d’obtenir un vote du Conseil de sécurité pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Elle s’achève, comme l’ONG israélienne « La Paix Maintenant » a réussi à l’obtenir, par la publication d’un plan de construction de plus 55.000 logements dans les colonies, dont plus de 8.300 dans la zone dite E1 au nord-est de Jérusalem.
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C’est un chiffre énorme, sans commune mesure avec les annonces faites jusqu’alors à ce sujet. Elles se succédaient ces dernières années avec un ordre de grandeur tournant autour de quelques centaines de logements et provoquaient rituellement la réprobation, voire la condamnation verbale des chancelleries.

Ce fut le cas en juillet dernier quand, après avoir été contraint par la Cour suprême de détruire deux maisons en construction dans la colonie de Beit El, le gouvernement israélien répliqua par l’annonce de la construction immédiate de 300 logements dans cette même colonie et par « la planification » de plus de 500 logements à Jérusalem-Est. Cela lui valu une nouvelle condamnation verbale. Ou en novembre avec le lancement d’un peu plus de 450 logements dans deux colonies de Jérusalem, Ramat Shlomo et Ramot.
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On est désormais passé à un tout autre stade, avec un message politique clair : rendre impossible l’établissement d’un Etat palestinien en séparant Jérusalem-Est de la Cisjordanie et en coupant la liaison Nord-Sud à l’intérieur même de la Cisjordanie.

C’est peu dire que la France et les pays européens sont confrontés au résultat de leur inaction politique
Ils payent le prix de leur couardise et leurs reculades tacites devant le rouleau compresseur de la colonisation. C’est le résultat direct d’une politique schizophrénique qui rappelle sans cesse son attachement à « la solution à deux Etats » et condamne la colonisation qui y fait obstacle et viole le droit international, tout en refusant la moindre sanction effective et encourage au contraire les coopérations économiques et universitaires dans le cadre du programme européen Horizon 2020 au plus grand bénéfice d’Israël.
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Ainsi on présente comme une « success story » le bilan d’un accord israélo-européen sur les lignes aériennes et on laisse sans réagir la ministre Hotovely présenter les colonies comme "les premières lignes de la société démocratique" et rêver de voir le drapeau israélien flotter sur la mosquée Al Aqsa.

En réalité, plus on lui fait de cadeaux, plus Israël sait pouvoir se comporter en voyou.

Devant ces révélations qui devraient faire l’effet d’une bombe, on attend avec curiosité la réaction officielle de la France qui répète si aimablement qu’elle « n’est pas dans une logique de sanctions » et encourage avec cynisme la répression des militants exprimant leur solidarité avec le peuple palestinien par l’appel au boycott, au désinvestissement, au sanctions contre Israël.

source AFPS - photo logo ISM France