Israël, un refuge pour les escrocs français

mercredi 22 juin 2016

Réticent à extrader vers la France, l’Etat hébreu permet à de nombreux suspects d’arnaques financières d’échapper aux poursuites de la justice hexagonale.

Arnaud Mimran n’était pas jugé seul à Paris pour l’« escroquerie au carbone ». Mais six des douze co-inculpés de cette affaire hors du commun étaient absents du tribunal : ils étaient en Israël. C’est le cas entre autres d’Eddie Abittan, de Michaël Haïk, de Gabriel Cohen, de Jérémy Grinholz et de Frédéric Sebag (1). Avant eux, d’autres personnes impliquées dans l’« escroquerie du siècle » s’étaient également réfugiées dans l’Etat hébreu, mais elles avaient fini par rentrer en France pour y rendre des comptes. C’est notamment le cas de Cyril Astruc, alias Alex Khan, un flamboyant Franco-Israélien longtemps à l’abri en Israël et arrêté en janvier 2014 alors qu’il débarquait à Paris en provenance de Tel-Aviv.

Arnaud Mimran arrive au tribunal à Paris derrière son avocat Jean-Marc Fedida le 25 mai. Photo BERTRAND GUAY. AFP

Jacuzzi.
Si la très grande majorité des juifs français effectuant leur « alyah » (« montée » vers Israël) sont parfaitement honnêtes, quelques centaines d’autres ont choisi de s’installer dans l’Etat hébreu pour échapper à des poursuites judiciaires. Ou alors, ils utilisent Israël comme base de départ pour leurs arnaques commises à l’étranger. Ces dernières années, c’est à partir du centre d’Israël qu’ont ainsi été menées les « arnaques au président » ou aux « faux ordres de virement » (Fovi) grâce auxquelles des aigrefins ont pu pomper dans les caisses de grandes entreprises en se faisant passer pour leurs dirigeants. Considéré comme le père fondateur de cette combine, Gilbert Chikli, le plus connu de ces escrocs, coule en tout cas des jours tranquilles dans sa villa d’Ashdod avec piscine, jacuzzi et gardes armés, malgré sa récente condamnation en France à sept ans de prison et à un million d’euros d’amende.

Aujourd’hui, nombre d’« élèves » de Chikli sont d’ailleurs encore actifs, comme en témoigne la récente tentative contre l’Olympique de Marseille (2). Ou le culot de ces escrocs francophones basés en Israël qui se font passer pour le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, afin de plumer une dizaine d’Etats africains. L’imagination n’ayant pas de limite en la matière, d’autres ont également essayé de profiter de l’Euro 2016 pour plumer des pigeons. Huit d’entre eux ont été arrêtés au cours d’un coup de filet lancé le mois dernier en Israël.

Tchatche.
Fort présents également, les Français et les Belges impliqués dans l’arnaque au « Forex » (pour « Foreign exchange market »), une plateforme d’investissements sur le marché des changes où les arnaques sont légion. Ces sites de trading en ligne promettent, grâce à la tchatche de prétendus « conseillers financiers », des gains mirobolants à ceux qui leur confient une partie de leurs économies. Plus d’une centaine de ces sites employant environ 3 000 personnes fonctionnent actuellement dans l’Etat hébreu. Selon le procureur de Paris, François Molins, ils auraient rapporté 4 milliards d’euros en six ans. Bien plus que l’arnaque au carbone.

Certes, en mars, une quinzaine de perquisitions relatives à des dossiers Forex ont été menées dans le centre d’Israël grâce à une collaboration entre les justices française et israélienne. Mais d’une manière générale, l’Etat hébreu fait traîner les demandes d’extradition émanant de France. En 2014, on en comptait près d’une centaine liée à des escroqueries de tous ordres et de tous styles. Quelques suspects ont été extradés. Mais la plupart n’ont jamais été inquiétés et, à en juger par la confiance qu’ils affichent, ils ne sont pas prêts de l’être.

(1) Le procureur a requis entre cinq et six ans de prison et un million d’euros d’amende pour chacun d’entre eux. Le jugement sera rendu le 7 juillet.
(2) L’OM aurait été victime en 2014 d’une escroquerie au virement de l’ordre de 700 000 euros pour laquelle deux suspects, s’étant fait passer pour des agents de joueurs, ont été arrêtés en Israël.
Nissim Behar (à Tel-Aviv)

voir aussi :
Arnaque au CO2 : retombée toxique pour Nétanyahou http://www.liberation.fr/planete/2016/06/07/arnaque-au-co2-retombee-toxique-pour-netanyahou_1457982]

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