L’ONU dénonce la détention de Salah Hamouri

samedi 1er janvier 2000

Le groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations unies vient de publier un rapport concernant l’avocat franco-palestinien et estime que celui-ci doit être libéré immédiatement.

Fait rare qui montre la gravité de la situation : le groupe de travail du Conseil des droits de l’homme de l’ONU dédié aux détentions arbitraires vient de publier un rapport sur Salah Hamouri. Depuis le 23 août 2017, l’avocat franco-palestinien est en détention. Simple, au départ (il a été arrêté en toute illégalité à son domicile de Jérusalem-Est, occupée par Israël depuis 1967), transformée ensuite en détention administrative. Aux six mois exigés par le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, se sont ensuite ajoutés quatre-vingt-dix jours. Pourquoi ? Personne ne le sait. Le dossier est secret et même les défenseurs de Salah Hamouri n’en connaissent pas le contenu ! Tous les recours, y compris devant la Haute Cour de justice d’Israël, ont été rejetés.
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Le procureur et les services secrets ont évoqué la possibilité de prolonger la détention de Salah Hamouri après le 30/juin.

Salah Hamouri est soumis à ce qu’on appelle le transfert « Bosta »

Le 5 janvier 2018, le groupe de travail de l’ONU s’est adressé au gouvernement israélien en posant plusieurs questions sur le cas de Salah Hamouri. Il n’a obtenu aucune réponse. Au regard du droit international, le groupe rappelle que la privation de liberté est notamment considérée comme arbitraire lorsque celle-ci est le résultat « de l’exercice des droits ou des libertés garanties par plusieurs articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme » ou lorsqu’il est « clairement impossible de justifier une base légale ». Le groupe de travail de l’ONU relève par ailleurs que, selon ses sources, Salah Hamouri a rencontré beaucoup de difficultés pour avoir accès à une assistance juridique légale et que « les autorités israéliennes n’ont pas permis au représentant du Consulat de France de rencontrer Salah Hamouri lorsque celui-ci était avec son avocat ».

Ce n’est que deux mois après sa mise en détention que le prisonnier franco-palestinien a pu recevoir la visite de sa famille, soit le 18 octobre 2017. Mais pas son épouse, Elsa, qui est interdite d’entrée sur le territoire israélien et donc non plus son fils, qui vient d’avoir 2 ans et réclame son père. Ces visites n’ont lieu qu’une fois par mois pour une durée de quarante-cinq minutes, « dans des conditions très restrictives ». Salah Hamouri ne peut voir sa famille qu’au travers d’une vitre et la communication se fait avec un téléphone. « De plus, note le groupe de travail, les salles de visites sont bondées (avec plus de détenus par salle), les téléphones sont sur écoute et ne permettent aucune confidentialité ». La prison de Naqab, où il a été placé au vingtième jour de sa détention, est située dans le désert (extrêmement chaud l’été, glacial l’hiver), à trois heures de route de Jérusalem-Est, où vivent ses parents.

Les sources contactées ont permis aux membres du groupe de travail de considérer que Salah Hamouri « a été interrogé dans des conditions inhumaines, placé à l’isolement dans une pièce qui ne remplissait pas les conditions de vie humaine minimales ». Tout semble bon pour tenter de briser physiquement et psychologiquement les prisonniers. Ainsi, Salah Hamouri est soumis à ce qu’on appelle le transfert « Bosta ». Chaque fois qu’il doit être entendu par le « tribunal », il est transféré la veille dans une autre prison, non loin de Jérusalem, à Ramleh où il passe une nuit « dans des conditions de détention inhumaines ». Même chose pour le retour. Des nuits qui peuvent s’additionner si l’audience est prévue un dimanche, début de la semaine en Israël, le prisonnier étant transféré le vendredi soir. Dans la prison même, la nourriture est très mauvaise et les prisonniers doivent payer s’ils veulent (et peuvent) améliorer leur ordinaire, les familles apportant également des couvertures, une paire de chaussures et le nécessaire pour la toilette. Salah Hamouri, qui était également en master lors de son arrestation, n’est pas autorisé à poursuivre ses études.

Aucune contrainte ne peut être exercée contre Israël

Fidèle à ses habitudes et à sa morgue, le gouvernement israélien n’a donc pas daigné répondre au groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui demandait si des circonstances exceptionnelles – et donc lesquelles – nécessitaient l’incarcération de Salah Hamouri. Dans ces conditions et puisque aucune preuve n’est fournie par Israël, la détention s’avère effectivement arbitraire, ce qui contrevient à la Convention internationale des droits politiques et civiques dans ses articles 9 et 26, dont Israël est pourtant signataire, ainsi que de la Déclaration universelle des droits de l’homme, articles 3, 8 et 9.

Le groupe de travail estime donc que Salah Hamouri doit être libéré immédiatement, qu’il convient de lui accorder le droit exécutable de compensations et de réparations, en accord avec les lois internationales, et il appelle le gouvernement israélien à prendre toutes les mesures contre les responsables de la privation de liberté de l’avocat franco-palestinien. Le rapporteur spécial de l’ONU pour la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés va être saisi.

Ces observations n’ont pas force de loi et aucune contrainte ne peut être exercée contre Israël. Elles montrent cependant que Tel-Aviv bafoue les droits de l’homme en plaçant en détention administrative des centaines de personnes, méprise les institutions internationales en refusant de répondre aux questions posées par un organisme de l’ONU. Le 22 mai, le tribunal de Jérusalem a confirmé la détention administrative de Salah Hamouri jusqu’au 30 juin. Le procureur et les services secrets ont, par ailleurs, évoqué la possibilité de prolonger la détention après cette date. Une question se pose désormais : Emmanuel Macron peut-il vraiment recevoir Benyamin Netanyahou le 5 juin prochain, alors qu’un Français est détenu arbitrairement en Israël, que près de 120 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza et des milliers d’autres blessés à balles réelles ?

Pierre Barbancey Retour ligne automatique
Grand reporter - l’Humanité du 28 mai 2018


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