L’art : ce qui reste à la Palestine quand elle a tout perdu

jeudi 18 juin 2020

L’art : ce qui reste à la Palestine quand elle a tout perdu

Un peuple est là, / Qui remue et se bat. / Il appelle et veut vivre. / Entendez-vous son chant ? / Il n’est pas libre d’évidence, / Mais de haute lutte. / Chaque matin, se soustraire à l’agonie des jours, / Chaque matin, impatient de pouvoir un jour se défaire du combat. / En attendant, / Avec la patience des vieilles nuits, / Il compte ses amis, / Et boit les heures, milliers d’heures / Qui le séparent du moment sacré / Où il pourra s’assoir / Au banquet des couleurs, / Et jouir / Enfin / De la lumière / Des jours gagnés.
Laurent Gaudé

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Mediapart accompagne la naissance, d’abord en exil à Paris, ensuite in situ, d’un musée d’art moderne et contemporain en Palestine, constitué de dons de créateurs solidaires.

Visite virtuelle d’une exposition qui se tient prête, à l’IMA.

Le 18 mars 2020, à l’Institut du monde arabe (IMA), dans le Ve arrondissement de Paris, devait s’ouvrir au public une exposition, « Couleurs du monde », présentant une préfiguration du futur musée d’art moderne et contemporain de la Palestine. Ses collections, constituées de dons d’artistes solidaires, sont abritées par l’IMA, qui a su faire preuve d’une solidarité sans faille.

Depuis 2017, chaque année au mois de mars, sous la houlette de la délégation de la Palestine à l’Unesco et de son représentant Elias Sanbar, les œuvres offertes et conservées, anciennes ou nouvelles, font un petit tour à la lumière et puis s’en vont, en attendant leur installation permanente et définitive, dans la future capitale du futur État palestinien.

Mediapart a décidé de s’associer à ce long combat pacifique et spirituel, en rendant compte, chaque année, d’une telle démonstration – de force et de faiblesse, d’optimisme et de frustration, d’art et de politique. Dans l’attente, si la géopolitique le veut, d’accompagner l’établissement des collections là où elles ont vocation à se transporter ; c’est-à-dire – mettons fin au suspense insoutenable – à Jérusalem -
Est…

Nous avons donc, en cet an 2020, comme chaque avant-printemps, filmé l’accrochage, avec nos compères habituels, Elias Sanbar et Ernest Pignon-Ernest, auxquels s’était joint l’écrivain Laurent Gaudé, commissaire de ce millésime 2020 : « Couleurs du monde ». Flânerie gonflée d’espérance, musarderie joyeuse, déambulation grave : il a notamment été question du peintre Vladimir Velickkovik, disparu le 29 août 2019, l’un des premiers artistes ayant cru à la réalité d’un musée d’art moderne et contemporain pour tous en Palestine.

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Vladimir Velickovic (1935-2019), Paysage, 2004. Huile sur toile. Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine, don de l’artiste

Nous étions un… vendredi 13. Le lendemain, souvenez-vous – cela semble faire des siècles, alors que c’était le samedi 14 mars dernier : allocution du premier ministre de la République française, Édouard Philippe. Nous apprenions l’annulation des
événements culturels et sportifs à venir, avant le confinement de la population pour cause de pandémie planétaire.

Puisque l’art marque une trop longue pause aux allures d’éternité, nous vous proposons, aujourd’hui, rien de moins qu’une mise en abyme du virtuel : la vidéo
ci-dessus vous présente la visite d’une exposition, latente, en vue d’un musée, encore immatériel.
Cette métaphore du destin contemporain palestinien donne à voir et à réfléchir, en mêlant l’esthétique et la diplomatie, le regard engageant et la guerre implacable. Pendant que nous nous promenons d’une oeuvre à l’autre, un peuple, sous la botte, est mis à la géhenne.

S’il fallait une preuve que l’art possède, depuis les cavernes, une force divinatoire et chamanique, voici l’une des surprises qui vous attendent, une fois l’IMA ouvert à nouveau : un tirage original du photographe Mehdi Bahmed (né en 1974) intitulé
« Scène intérieure » (Lyon, 2017), qui nous plonge dans ce que nous sommes en train de vivre en ce moment, chacun chez soi…
Mehdi Bahmed : "Scène intérieure". © Musée national
d’art moderne et contemporain de la Palestine, don de l’artiste

ANTOINE PERRAUD et ARMEL BAUDET
Source : médiapart.fr

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