L’école pour les réfugiés qui a changé ma vie est menacée

lundi 2 septembre 2019

Autrefois élève, je suis maintenant la directrice de l’école pour réfugiés de Cisjordanie qui m’a tant donné. Mais la décision des États-Unis l’année dernière de cesser de financer l’UNRWA menace l’existence de l’école. La journée mondiale des réfugiés rappelle que les enfants palestiniens ont besoin de soutien, d’éducation et d’espoir.

L’enseignement est un droit humain fondamental pour les enfants du monde entier, que ce soit en France, en Inde, au Canada ou en Afrique du Sud. Un droit qui a le pouvoir de changer la vie des enfants, en leur donnant les compétences et les connaissances nécessaires pour réussir.

Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas pour les réfugiés. L’accès à l’éducation n’est pas un acquis pour tout le monde, surtout quand on est une jeune fille dans un camp de réfugiés, comme moi autrefois.

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Je suis entrée à l’école élémentaire de filles de Nur Shams, gérée par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (mieux connu sous l’acronyme anglais UNRWA), dans un petit camp de réfugiés dans le nord de la Cisjordanie. J’étais une jeune fille timide et, assise au premier rang de la classe, j’ai reçu les enseignements et les compétences de vie qui m’ont aidée à façonner la personne que je suis devenue. Je sais à quel point j’ai été chanceuse d’avoir cette opportunité. Je n’oublierai jamais le jour où l’une de mes cousines a été forcée de quitter l’école, âgée d’à peine 13 ans, et de se marier peu de temps après, car ses parents pensaient qu’elle n’avait pas sa place dans cette classe. Je l’entends encore pleurer et je ressens toujours aujourd’hui le sentiment d’impuissance que j’ai éprouvé face à ce crime contre l’enfance.

C’est à ce moment que j’ai décidé de m’accrocher à toute opportunité qui se présenterait de remodeler mon avenir et celui des autres réfugiés afin que chaque enfant qui désire aller à l’école puisse le faire. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, je suis de retour dans la salle de classe où j’ai tout appris étant enfant, mais je suis maintenant enseignante et directrice de l’école. Je me suis rendu compte que la meilleure façon d’aider les autres était de devenir enseignante et de travailler avec UNRWA pour rendre la pareille à la communauté. Je me suis battue pour y arriver, jusqu’à recevoir mon diplôme de professeur d’anglais de l’université An Najah à Naplouse, située dans le territoire palestinien occupé. Je fais maintenant partie des plus de 17.000 réfugiés de Palestine qui enseignent aux enfants réfugiés de Palestine vivant en Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie, et qui les aident à réaliser leur potentiel pour un avenir meilleur.

Je sais que rien dans ma vie n’aurait été possible sans la précieuse éducation que j’ai reçue.

Je sais que rien dans ma vie n’aurait été possible sans la précieuse éducation que j’ai reçue. Je suis honorée d’aider d’autres réfugiés et de m’assurer qu’ils reçoivent la même chance dans la vie et la même opportunité d’étudier que moi. Dans les écoles d’UNRWA, nous renforçons le pouvoir d’action des réfugiés vulnérables, et en particulier les filles, grâce à une éducation basée sur l’équilibre des genres. Nous sommes très fiers que la moitié des élèves d’UNRWA soient des filles. Auparavant, elles n’avaient souvent aucun espoir pour leur avenir : souvent mariées très jeunes, elles devaient rapidement s’occuper d’un ménage et de leurs enfants, restaient à la maison ou travaillaient dans les champs. Mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, quatre-vingts pour cent des filles de Nur Shams, diplômées des écoles d’UNRWA, vont à l’université et réalisent leur rêve de devenir médecin, ingénieure, enseignante ou infirmière.

Nous favorisons les occasions de réussite chez tous nos élèves, même ceux ayant des besoins sociaux. Rua, l’une de mes élèves, est née avec des problèmes de santé qui l’empêchent de marcher et d’utiliser ses mains. Grâce à notre éducation inclusive, nous nous sommes assurés, à son arrivée dans notre école, que son état de santé ne serait pas un obstacle à son épanouissement scolaire. Sa classe a déménagé au rez-de-chaussée et les enseignants descendaient les ordinateurs et autres matériels scolaires du deuxième étage pour lui expliquer les cours. Rua a passé ses examens oralement après que le conseiller pédagogique a travaillé avec elle dans le cadre de réunions et d’activités destinées à renforcer sa confiance en elle. Et tout cela a porté ses fruits : Rua étudie maintenant la psychologie à l’université.

Je suis fière que Nur Shams, ainsi que toutes les écoles d’UNRWA, affichent de bons résultats scolaires et de faibles taux d’abandon. Nous enseignons les droits de l’homme, la résolution des conflits et la tolérance. Aujourd’hui, les niveaux d’alphabétisation et d’éducation des réfugiés de Palestine sont parmi les plus élevés du Moyen-Orient. C’est en grande partie le résultat d’une culture d’apprentissage qui reconnaît l’environnement difficile et défavorable dans lequel ces enfants grandissent, tout en mettant l’accent sur les accomplissements et le bien-être des élèves. Les liens étroits entre l’école et les familles renforcent l’esprit de partenariat au sein de la communauté. Cet enseignement de base de haute qualité et l’environnement d’accompagnement aident les jeunes réfugiés de Palestine à acquérir les compétences nécessaires pour s’épanouir en tant qu’adultes et à devenir des membres actifs de leur communauté.

J’encourage les donateurs passés, présents et futurs d’UNRWA à nous aider à défendre le droit fondamental à l’éducation de nos enfants et à faire en sorte qu’ils puissent retourner dans leurs classes en septembre.

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Mais malgré notre dévouement et notre engagement pour fournir une éducation aux réfugiés de Palestine, les défis sont de plus en plus nombreux. Aujourd’hui, le défi financier nous guette alors qu’une année scolaire se termine et que l’on se prépare pour la prochaine. La décision des États-Unis de cesser de soutenir UNRWA l’année dernière nous a poussé à travailler dur pour assurer une éducation ininterrompue à nos élèves, acceptant davantage d’enfants dans chaque classe. Mais nous avons de toute urgence besoin de savoir que nous disposons de suffisamment de fonds pour pouvoir rouvrir nos portes le 25 août et accueillir les enfants pour la prochaine année scolaire.

J’encourage les donateurs passés, présents et futurs d’UNRWA à nous aider à défendre le droit fondamental à l’éducation de nos enfants et à faire en sorte qu’ils puissent retourner dans leurs classes pour apprendre.

Les enfants, qu’ils soient réfugiés ou non, méritent d’avoir accès à une éducation de qualité. C’est un droit, pas un privilège, et il ne devrait pas souffrir d’un manque de liquidités ni d’une politisation de l’aide. Les pays du monde entier peuvent et devraient agir pour soutenir l’accès à l’éducation pour les enfants réfugiés et leur donner de l’espoir. Ils ne sont pas différents des autres enfants, qui partent en vacances scolaires pendant l’été tout en sachant qu’en septembre ils seront de retour derrière leur banc. Plus que des mots, nous avons besoin d’actions.

Amal A. Harb
Directrice de l’école de Nur Shams gérée par l’UNRWA (ONU), fait partie des réfugiés qui enseignent aux enfants réfugiés de Palestine

Source : Huffingtonpost