La fabuleuse saga du keffieh à travers les âges

jeudi 7 janvier 2021

En janvier 2008, le magazine Elle consacrait un article au keffieh, mis à l’honneur deux années auparavant par le couturier Balenciaga. « Sobre ou flashy, orné de pampilles, lurex ou autres breloques… le keffieh nouveau est donc définitivement dans le “cou” ! Plié en diagonale, pointe en bas — façon bandana — et les extrémités retombant nonchalamment sur les épaules, il apporte la touche finale à une silhouette. »

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L’article rappelait brièvement que le keffieh était la « coiffe traditionnelle des paysans et des Bédouins de la péninsule Arabique » et qu’il ne s’était chargé d’une signification politique qu’à partir de 1936, lors de la révolte palestinienne contre les occupants britanniques. Il avait été adopté dans les années 1980 par les punks puis par les jeunes manifestants. L’emprunt par les créateurs de mode, puis par quelques grandes enseignes de prêt-à-porter sous diverses formes (foulard retravaillé, multicolore ou simple motif) posait la question de son appropriation culturelle. En 2017, on trouvait même le keffieh parmi la centaine de vêtements et d’accessoires constituant l’exposition du Museum of Modern Art de New York, « Items : Is Fashion Modern ? »

Emblème de la lutte des Palestiniens

Parmi ces emprunts, les plus contestés furent peut-être ceux réalisés par des stylistes israéliens. En 2015, pour la semaine de la mode de Tel-Aviv, Ori Minkowski avait confectionné des robes à partir de keffiehs fabriqués à Hébron. Il s’agissait, selon lui, de créer un symbole de coexistence entre Israéliens et Palestiniens ; mais ce n’était pas forcément ainsi que cela avait été perçu. En 2016, Dorit Bar Or proposa divers vêtements féminins dérivés du keffieh. Les photos de son site ont pu choquer par l’érotisation d’une coiffe très chargée sur le plan identitaire et politique. Dès le début de la décennie, un keffieh avec l’étoile de David avait provoqué la colère de la rappeuse palestino-britannique Shadia Mansour. Elle composa une chanson qui en faisait un étendard identitaire :

Lève le keffieh
Le keffieh, le keffieh arabe
Lève-le pour le Bilad al-Cham, un keffieh arabe reste arabe.

Mais cette dimension identitaire assimilant le keffieh à la Palestine ou à l’arabité peut tout à fait être déconstruite. Il est vraiment devenu le symbole de la lutte palestinienne au tournant des années 1960-1970. Deux icônes ont joué un rôle majeur dans la création de cet emblème du militant palestinien : Leïla Khaled et Yasser Arafat. En 1969, Leïla Khaled, née à Haïfa en 1944 et membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), avait détourné vers Damas l’avion de la TWA qui reliait Los Angeles à Tel-Aviv. Sa photo la plus célèbre, où on la voit avec une kalachnikov et un keffieh, a été reprise, semble-t-il en 2012, dans une fresque réalisée sur le mur qui sépare Israël de la Cisjordanie, près de la porte vers Bethléem, avec le slogan « Don’t forget the struggle ».

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