La révolution d’Al-Buraq : l’héritage, la lutte qui se poursuit et le mouvement des prisonniers palestiniens

jeudi 27 juillet 2017

Le 17 juin marque de l’anniversaire de l’exécution de trois des premiers martyrs du mouvement des prisonniers palestiniens - Fouad Hijazi, Atta al-Zeer et Mohammed Khalil Jamjoum - par les occupants coloniaux britanniques, dans la prison d’Acre.

L’exécution de ces combattants palestiniens est restée depuis des années une histoire inachevée de résistance qui continue à inspirer les combattants au long de 100 ans de résistance à la colonisation et à l’occupation. Effectivement, la chanson écrite pour commémorer la mort de Hijazi, al-Zeer et Jamjoum, « De la Prison d’Acre, » demeure aujourd’hui un des poèmes les plus connus et les plus forts du mouvement des prisonniers palestiniens.

JPEG - 43.3 ko Les trois Palestiniens exécutés à la prison d’Acre - Fouad Hijazi, Atta al-Zeer et Mohammed Khalil Jamjoum

Hijazi, al-Zeer and Jamjoum ont été arrêtés pour leur rôle dans la Révolution d’Al-Buraq (Al-Buraq est, selon la tradition islamique, un coursier fantastique, venu du paradis, dont la fonction est d’être la monture des prophètes. Il fut amené par l’archange Gabriel, pour porter le prophète de l’Islam, Muhammad, de la Mecque à Jérusalem, puis de Jérusalem au ciel avant de lui faire effectuer le voyage de retour) en 1929, ainsi nommée en référence au Mur d’al-Buraq à Jerusalem. Le soulèvement s’est déclenché après que des groupes sionistes sont venus jusqu’au mur et aient planté des drapeaux sionistes, en déclarant « Ce mur est à nous ».

A Jérusalem, Haïfa, Jaffa et Safed, les Palestiniens se sont soulevés contre la colonisation britannique et les plans sionistes annoncés pour coloniser la Palestine et la proclamer « Etat juif. » Des centaines de Palestiniens ont été arrêtés par les forces britanniques et 26 d’entre eux condamnés à mort par pendaison ; il y a eu une telle protestation de la part des Palestiniens que la plupart de ces condamnations ont été commuées en peines de prison à perpétuité, à l’exception de celles de Hijazi, Jamjoum et al-Zeer.

JPEG - 61.6 ko Photo de la Révolution de Buraq en 1929

Fouad Hijazi, âgé de 26 ans, était originaire de Safed ; Mohammed Jamjoum, âgé de 28 ans, était originaire de Hébron, ainsi que Atta al-Zeer, âgé de 35 ans.

Né à Safed en 1904, Hijazi a fait sa scolarité primaire dans sa ville natale ; il a terminé ses études supérieures à l’Université Américaine de Beyrouth. Il a participé activement à la Révolution de Buraq et à écritun message à sa famille la veille de son exécution, qui a été publié dans le journal le 18 juin 1930. Dans ce message, il déclarait, « Le 17 juin de chaque année, il devra y avoir une journée historique au cours de laquelle des discours seront prononcés et des chansons seront chantées en souvenir de notre sang répandu pour la cause palestinienne et arabe."

Mohammed Khalil Jamjoum est né en 1902 à Hébron ; comme Hijazi il a poursuivi se études supérieures à l’Université Américaine de Beyrouth. Atta al-Zeer est né aussi à Hébron, en 1895. Au cours de sa vie il a travaillé comme agriculteur et travailleur manuel et dès ses débuts il était connu pour son courage et pour sa force physique.

Le 17 Juin 1930, les Palestiniens ont organisé une grève générale à travers toute la Palestine puisque d’importantes foules se sont rassemblées dans les principales villes palestiniennes du pays - à Jaffa, Haïfa, Hébron et Naplouse. Après les exécutions, leur corps ont été rendus aux familles, auxquelles a été refusé le droit de les enterrer dans leur cité natale. Des milliers de Palestiniens se sont répandus dans les rues pour honorer Jamjoum, Hijazi et al-Zeer, personnalités et symboles de la résistance palestinienne à la colonisation britannique et sioniste. Les trois révolutionnaires ont été exécutés ce jour-là, mais leur message et leur engagement anti-colonial a continué à résonner à travers les générations de combattants palestiniens pour la libération nationale.

Abu Maher al-Yamani, co-fondateur du Front Populaire de Libération de la Palestine, dirigeant syndicaliste palestinien et dirigeant historique du mouvement national palestinien, a, avec son père, quitté son village de Suhmata pour la première fois à l’âge de six ans. Là, il « a été surpris de se trouver face à l’exécution de trois martyrs palestiniens par les autorités coloniales britanniques ce jour-là, le 17 juin 1930 – Fouad Hijazi, Mohammed Jamjoum et Atta al-Zeer. La prise de conscience de l’enfant d’Ahmed al-Yamani a été éveillée, à la vue des exécutions et des corps des martyrs aux potences de la cour intérieure de la prison centrale d’Acre ; cet évènement l’a fortement touché et une image est restée gravée dans son esprit sans pouvoir être oubliée."

Leur histoire s’est ancrée aussi dans la culture palestinienne de résistance. Le poème du poète palestinien Ibrahim Tuqan, « Mardi rouge, » célèbre les trois hommes, en mentionnant « leur corps dans les tombes de la patrie/leur âme dans les rayons célestes."

La chanson, "Min Sijjin Akka," ou « De la Prison d’Acre," continue d’être chantée et d’être glorifiée dans toute la Palestine. L’origine du poème n’est pas connue de façon précise ; certains disent qu’il a été écrit sur les murs de la prison d’Acre par un révolutionnaire du nom d’Awad, lui-même dans l’attente de son exécution par les dominateurs coloniaux britanniques. D’autres érudits remarquent que le poème a été probablement composé, par un poète populaire de la classe ouvrière, et d’Haïfa, Nuh Ibrahim, peut-être le plus célèbre poète palestinien de son époque et transmettant son propre héritage de la résistance . « Il n’était pas un poète issu de l’élite et il n’écrivait pas de poésie pour les évènements sociaux ou les vacances. Au lieu de cela Ibrahim est connu pour avoir composé pendant la Révolte Palestinienne de 1936 à 1939 et pour les paysans travaillant leurs vignes, leurs vergers et leurs champs de blé. Il parlait et écrivait dans une langue de tous les jours, en tant qu’incitateur et diffuseur de la révolte, à laquelle il a aussi participé en tant que combattant, » a écrit Samih Shabeeb.

Les paroles de la chanson sont connues aujourd’hui dans toute la Palestine et continuent à être chantées lors de manifestations nationales, de mariages et de fêtes culturelles. Ibrahim lui-même est mort en combattant pour la Palestine huit ans plus tard, en tant que combattant du mouvement d’Izzedine al-Qassam au cours de la révolution de Palestine de 1936 à 1939. Après avoir été lui-même emprisonné à la prison d’Acre, il a été tué par l’armée coloniale britannique dans une bataille à l’Ouest de la Galilée.

La pertinence continue de la Révolution de Buraq et l’héritage de l’exécution des trois martyrs du 17 juin 1930 ne se limitent pas à leur résonance culturelle. Il y a seulement quelques semaines, le dirigeant de l’Autorité Palestinienne Jibril Rajoub a été largement critiqué par les organisations et les militants palestiniens dans et hors de Palestine pour ses déclarations à la télévision israélienne au sujet du Mur d’al-Buraq comme étant sous « souveraineté israélienne. » En effet, de jeunes militants palestiniens et des journalistescomme Nassar Jaradat et Zaher al-Shammali sont actuellement détenus en Cisjordanie pour des raisons politiques par l’Autorité Palestinienne, apparemment pour leurs critiques diffusées publiquement de la volonté déclarée de Rajoub de renoncer à ce même site national palestinien et symbole pour lequel se sont battues des générations de Palestiniens.

Quelques jours après, le 16 juin, la veille de l’anniversaire de l’exécution de Hijazi, Jamjoum et al-Zeer, trois jeunes Palestiniensdu village de Deir Abu Mashaal, Bara’a Ibrahim Saleh Atta, Osama Ahmed Mustafa Atta and Adel Hassan Ahmed Ankoush, ont été abattus par les forces israéliennes d’occupation à Jérusalem après qu’ils ont poignardé plusieurs soldats israéliens d’occupation de la Police des Frontières, en en tuant un et en blessant plusieurs à quelques mètres seulement du Mur d’al-Buraq lui-même. Bara’a Atta et Osama Atta, tous les deux actifs dans le mouvement de gauche du Front Populaire de Libération de la Palestine, étaient tous les deux d’anciens prisonniers des prisons israéliennes, emprisonnés alors que jeunes adolescents ; Osama Atta était à la tête des enfants prisonniers du FPLP pendant son emprisonnement. Le troisième jeune, Adel Ankoush, était actif au Hamas.

Dans les déclarations du FPLP, le parti palestinien de gauche a désigné l’action de résistance palestinienne en tant que "Promesse d’Al-Buraq, » en reconnaissant explicitement que l’action n’est pas seulement une réfutation des tentatives des U.S.A et des Sionistes de confisquer les terres et les droits des Palestiniens, mais est aussi un rappel des martyrs de la Révolution de Buraq, 87 ans auparavant.

JPEG - 37.2 ko Izhaq Maragha, Ali Ja’afari, Rasim Halawa

Aujourd’hui, en 2017, plus de 200 prisonniers palestiniens sont morts depuis 1967 dans les prisons de l’occupant israélien. 72 d’entre eux ont été assassinés à la suite de tortures israéliennes, parmi lesquelstrois grévistes de la faim, Izhak Maragha, Ali Ja’afari et Rasim Halawa, tués en 1980 par une alimentation forcée, forme de torture. L’état israélien menace constamment de rétablir la peine de mort, tout en la mettant réellement en pratique, par des exécutions extra-judiciaires en nombre croissant - particulièrement contre les jeunes Palestiniens, par des « des descentes pour arrestation » qui sont en fait des descentes pour assassiner comme en ciblant Basil al-Araj (dont cet anniversaire marque les 100 jours après son assassinat et les trois mois exactement après ses funérailles) et Moataz Washaha, et par la politique de « mort lente » due aux négligences médicales et aux mauvais traitements dans les prisons de l’occupant.

A la date de cet anniversaire, Samidoun, Réseau de Solidarité avec les Prisonniers Palestiniens se souvient et rend honneur aux martyrs de 1930, à leur héritage qui se poursuit, et à leur rôle en tant que symbole de la résistance et de la révolution anti-coloniales qui se répercute à travers les générations pour protéger les terres et les droits des Palestiniens, à Jérusalem et dans toute la Palestine occupée, du Sionisme, de l’impérialisme et de la colonisation.

Samidoun, Réseau de Solidarité avec les Prisonniers Palestiniens, jeudi 22 juin 2017
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS