La vie culturelle et éducative des prisonniers politiques palestiniens dans les prisons de l’occupation

lundi 25 mai 2020

L’occupation israélienne prive systématiquement les prisonniers et les détenus palestiniens de leurs droits humains les plus fondamentaux pendant leur incarcération, ce qui à son tour a façonné leur lutte continue dans les prisons israéliennes. Un droit particulier - le droit à l’instruction - a été systématiquement et délibérément refusé aux prisonniers au cours des décennies.

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Pour que les prisonniers palestiniens aient accès à l’enseignement, ils ont dû historiquement recourir à des grèves de la faim collectives et à d’autres formes de résistance pour obtenir le droit de posséder des stylos et des papiers dans l’enceinte de la prison.

En 1992, les prisonniers ont obtenu le droit à un accès de base à l’enseignement secondaire et supérieur officiel à la suite de l’une des grèves de la faim collectives les plus importantes et les plus connues de 1992. Cela a entraîné un changement de paradigme dans le processus d’instruction et a permis aux prisonniers de s’inscrire dans des établissements d’enseignement, ce qui était incroyablement important car il y avait à l’époque un nombre croissant de prisonniers intéressés par la poursuite de leur cursus universitaire. Cependant, le service pénitentiaire israélien - soutenu par la Haute Cour israélienne - a continué à étouffer l’enseignement des prisonniers. Le résumé suivant retrace l’histoire de la quête des prisonniers politiques palestiniens pour leur droit à l’instruction.

Lors de la signature des accords d’Oslo en 1993, l’expérience des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes a été marquée par des luttes et des initiatives continues qui ont finalement abouti à l’autorisation des livres et à la création de bibliothèques dans les prisons. Les prisonniers étaient auto-organisés et se consacraient aux discussions éducatives et culturelles qui abordaient de nombreuses questions liées aux droits des prisonniers et à la résistance palestinienne.

Des milliers de prisonniers politiques palestiniens arrêtés pendant l’Intifada ont été libérés dans le cadre de l’accord des Accords d’Oslo. Bien qu’un nombre exorbitant de prisonniers soit toujours incarcéré, ce changement a affaibli le mouvement des prisonniers et a, à son tour, affecté le cadre culturel établi par les prisonniers à l’époque. Les discussions culturelles animées se sont faites moins fréquentes et leur objectif a changé, tout comme la capacité des prisonniers à utiliser les grèves de la faim et d’autres formes d’action collective pour obtenir leurs droits.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui avait auparavant joué un rôle énorme en introduisant des livres, du matériel pédagogique et des tests de QI dans les prisons, en particulier pour les enfants détenus, a commencé à se désengager de ses responsabilités au milieu des années 1990. Finalement, l’influence du CICR est s’est réduite à peau de chagrin dans certaines prisons.

Suite à cette évolution du mouvement des prisonniers et à l’abandon du CICR au milieu des années 1990, les prisonniers ont commencé à se réorganiser et ont fait de l’accès à l’instruction une priorité de leur revendication collective. La grève de la faim de 1992, à laquelle des milliers de prisonniers ont participé et qui a duré 19 jours, a débouché sur plusieurs victoires à cet égard. Tout d’abord, les prisonniers ont été - pour la première fois - autorisés à se présenter à l’examen du certificat d’enseignement secondaire, connu sous le nom de "tawjihi" - pour obtenir leur diplôme d’études secondaires. Malgré cette énorme victoire pour les prisonniers dont la progression scolaire a été interrompue pendant des décennies, l’occupation israélienne les a toujours limités à l’examen de sciences humaines, leur refusant ainsi l’accès à tout diplôme de sciences ou de mathématiques. En outre, les prisonniers ont obtenu le droit d’étudier dans un nombre limité de programmes académiques à l’Université ouverte israélienne, tels que la théologie, la sociologie, la finance et l’administration des affaires, la psychologie et les sciences politiques.

Cependant, les prisonniers ont dû faire face à une bataille difficile pour accéder à l’enseignement officiel, car le service pénitentiaire israélien (IPS) était chargé de la facilitation du processus et l’a délibérément entravé par divers moyens. Par exemple, l’IPS, qui devait donner l’approbation finale pour l’inscription à un cours, a souvent refusé aux prisonniers de le faire sous prétexte de mesures de sécurité. En outre, l’IPS a souvent retardé intentionnellement la livraison de matériel pédagogique, rendant impossible pour les étudiants prisonniers de suivre leurs cours, et les ont transférés à plusieurs reprises dans différentes prisons pendant le trimestre universitaire ou pendant les périodes d’examens, obligeant beaucoup d’entre eux à refaire les cours.

Les restrictions sur l’enseignement des prisonniers se sont progressivement aggravées avec le temps, notamment parce que de nombreux droits des prisonniers ont été révoqués en guise de punition pour la capture du soldat israélien Gilad Shalit lors d’un raid militaire israélien sur Gaza en 2006. Les restrictions ont augmenté en 2011 après que le Premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahu, ait proclamé que "la fête est finie" pour les prisonniers politiques et ait annoncé qu’aucun prisonnier palestinien ne serait autorisé à obtenir sa licence ou sa maîtrise en prison. Le discours de Netanyahu a entraîné une interdiction totale de l’enseignement officiel des prisonniers dans les prisons, et a mis fin à l’examen de tawjihi et aux programmes d’études de l’Université ouverte israélienne, auxquels les prisonniers avaient obtenu l’accès de haute lutte. Certains des prisonniers qui étaient sur le point d’obtenir leur diplôme ont porté plainte devant la Haute Cour israélienne, en vain, car la Haute Cour a jugé l’interdiction légale et admissible. Dans sa décision, la Haute Cour a souligné que l’instruction des prisonniers est un privilège qui peut être retiré à la discrétion de l’IPS. Il est à noter, cependant, que si le discours de Netanyahu était une annonce publique de la répression des droits des prisonniers, l’IPS avait déjà annulé les programmes d’enseignement dans la plupart des prisons en 2008. Ainsi, Netanyahou n’a fait qu’appliquer ce qui avait déjà eu lieu.

Au milieu de l’interdiction des voies formelles d’accès à l’enseignement, les prisonniers palestiniens ont continué à se battre pour leur droit à l’instruction par des moyens alternatifs. Ils ont tenté de trouver des passerelles en organisant des discussions culturelles, des sessions d’alphabétisation, des ateliers éducatifs, en créant des bibliothèques à l’intérieur des prisons, ainsi qu’en se procurant des journaux et des magazines pour les prisonniers. Beaucoup de ces alternatives n’étaient pas nouvelles, mais ont pris de l’importance après que les prisonniers aient été interdits de rejoindre l’Université Ouverte israélienne. De plus, les prisonniers eux-mêmes ont joué un rôle clé dans le processus d’enseignement en assumant le rôle d’"enseignants" et en s’entraidant pour les langues et autres formes de connaissances. En 2013, les prisonniers ont travaillé avec les ministères palestiniens concernés pour retrouver leur capacité à passer l’examen de tawjihi en prison. En outre, les prisonniers ont établi des liens avec certaines universités palestiniennes et ont développé des programmes de licence et de maîtrise qui ont permis à des dizaines de prisonniers d’obtenir leur diplôme au fil des ans.

D’autres mesures continuent d’être mises en place à ce jour pour étouffer davantage les prisonniers, les autorités israéliennes interdisant l’entrée d’ouvrages pédagogiques dans les prisons pendant des années. En outre, les autorités israéliennes continuent de confisquer les livres et autres matériels d’enseignement que les prisonniers ont réussi à faire entrer dans les prisons. En 2018, l’IPS a confisqué environ 2.000 livres dans la prison de Hadarim, détruisant la bibliothèque qu’ils avaient constituée pendant des années. De plus, l’IPS punit les prisonniers en les transférant dans d’autres prisons ou cellules lorsqu’ils découvrent une tentative de poursuivre leur éducation au-delà des murs de la prison.

Les enfants et les femmes détenus sont soumis aux mêmes restrictions et vivent des expériences similaires dans les prisons israéliennes. Malgré le fait que les enfants prisonniers ont eu recours aux tribunaux israéliens et ont obtenu une décision de justice qui leur permet de poursuivre leur instruction selon le programme palestinien en 1997, on est loin de la réalité. L’IPS ne permet aux enseignants du ministère israélien de l’Education que d’enseigner deux matières (arabe et mathématiques), ce qui entrave gravement le développement de l’enfant. Le nombre limité de matières et l’irrégularité des cours affectent énormément leur cursus scolaire.

Les restrictions continues et systématiques imposées par Israël au droit à l’instruction violent ce droit qui est généralement garanti dans de nombreuses conventions internationales, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Le droit à l’éducation est également garanti par le droit international humanitaire. L’article 94 de la quatrième Convention de Genève stipule que « La Puissance détentrice encouragera les activités intellectuelles, éducatives, récréatives et sportives des internés, tout en les laissant libres d’y participer ou non. Elle prendra toutes les mesures possibles pour en assurer l’exercice et mettra en particulier à leur disposition des locaux adéquats.

« Toutes les facilités possibles seront accordées aux internés afin de leur permettre de poursuivre leurs études ou d’en entreprendre de nouvelles. L’instruction des enfants et des adolescents sera assurée ; ils pourront fréquenter des écoles soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des lieux d’internement.

« Les internés devront avoir la possibilité de se livrer à des exercices physiques, de participer à des sports et à des jeux en plein air. Des espaces libres suffisants seront réservés à cet usage dans tous les lieux d’internement. Des emplacements spéciaux seront réservés aux enfants et aux adolescents. »

En outre, les articles 77 et 78 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies stipule que
« 77. 1) Des dispositions doivent être prises pour développer l’instruction de tous les détenus capables d’en profiter, y compris l’instruction religieuse dans les pays où cela est possible. L’instruction des analphabètes et des jeunes détenus doit être obligatoire, et l’administration devra y veiller attentivement.
« 2) Dans la mesure du possible, l’instruction des détenus doit être coordonnée avec le système de l’instruction publique afin que ceux-ci puissent poursuivre leur formation sans difficulté après la libération. »

78. Pour le bien-être physique et mental des détenus, des activités récréatives et culturelles doivent être organisées dans tous les établissements.

Non seulement la puissance occupante interdit aux prisonniers palestiniens de jouir du droit à l’éducation, mais elle continue à cibler et à arrêter délibérément les étudiants palestiniens. Rien qu’en 2019, le nombre d’étudiants palestiniens emprisonnés s’élevait à environ (250-300). En 2019, environ 75 étudiants de la seule université de Birzeit ont été arrêtés, principalement pour avoir été actifs dans des associations d’étudiants.

Source : Addameer
Traduction : MR pour ISM


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