Les palestiniens ont besoin d’espoir, pas de calme

jeudi 22 octobre 2015

Les Palestiniens ont besoin d’espoir, pas de calme

mercredi 21 octobre 2015

Depuis le début de l’explosion actuelle de violence en Israël et en Palestine occupée, de nombreux dirigeants étrangers, ainsi que le Conseil de sécurité des Nations unies, ont insisté sur l‘urgence de rétablir le « calme ». Au lieu d’appels au calme, un euphémisme pour la soumission palestinienne, il faudrait plutôt redonner un véritable espoir de liberté aux Palestiniens par des mesures de justice crédibles et efficaces.
JPEG - 64.9 ko

Le gouvernement israélien ne veut pas leur laisser le moindre espoir et l’Autorité palestinienne n’en a pas les moyens.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a promis lors de sa campagne de réélection qu’il n’y aurait jamais d’Etat palestinien indépendant pendant son mandat, tandis que le président palestinien Mahmoud Abbas, après avoir promis qu’il allait larguer une « bombe » lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU le mois dernier, a, au contraire, lâché un pétard mouillé. Ceux qui ont vécu toute leur la vie sous l’égide d’un « processus de paix » destiné à maintenir le statu quo qui se traduit par un projet de colonisation métastasant qui dévore leurs terres, et une infinité d’humiliations quotidiennes, ont bien des raisons de désespérer.

On peut énumérer de nombreux obstacles à la « paix » israélo-palestinien, mais l’obstacle le plus important à la fin de l’occupation qui est maintenant dans sa 49e année, est tout simplement la nature humaine. Les gens acceptent rarement de voir leur vie changer de manière significative, sauf s’ils croient que ce changement va améliorer grandement la qualité de leur vie.

Comment les Israéliens juifs peuvent-ils être amenés à penser que la fin de l’occupation améliorera leur qualité de vie ?

Ces dernières années, les Israéliens juifs ont, tout naturellement et avec raison, considéré le statut quo comme le meilleur des mondes possibles. Ils ont joui de la paix, de la prospérité, du soutien économique et militaire indéfectible de l’Occident et de la protection diplomatique américaine inconditionnelle, alors que les Palestiniens, hors de vue et loin des pensées, enduraient l’occupation, l’oppression, l’appauvrissement et la violence fréquente, et souvent mortelle, de l’armée israélienne et des colons israéliens.

La situation confortable dont jouissaient les Israéliens juifs, du fait que l’occupation ne leur coûtait pratiquement rien et ne leur causait aucun souci, doit changer. Elle peut changer de deux manières, soit grâce à la pression économique et politique non violente du monde occidental, soit du fait de l’insécurité violente générée par le peuple palestinien occupé.

Les Etats européens pourraient imposer de fortes sanctions économiques à Israël jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les résolutions de l’ONU et se retire complètement de la Palestine occupée. Les Etats européens pourraient aussi appliquer des règles strictes de visa à tous les Israéliens qui veulent venir en Europe, les obligeant à fournir la preuve claire et documentée qu’ils ne vivent, ni ne travaillent, en Palestine occupée.

Si l’on en juge par les années que l’Union européenne a passé à s’angoisser sur l’étiquetage correct des produits des colonies illégales vendus en Europe, on ne peut guère espérer que les politiciens européens trouvent bientôt intérêt à jouer un tel rôle principiel non-violent et constructif.

Malheureusement, cela nous laisse seulement avec l’option de l’insécurité violente. Il est hors de question d’encourager la violence contre les civils, et on ne peut qu’espérer que les violences soient limitées et qu’elles aient des résultats constructifs. La violence « couteaux-et-tournevis » de basse technologie actuelle, qui engendre beaucoup de peur et d’anxiété mais fait relativement peu de victimes israéliennes juives, est peut-être, de toutes les violences capables de produire le changement nécessaire dans la perception des Juifs israéliens de leurs propre intérêt, celle qui est la plus efficace et la moins dangereuse.

Si ces attaques, apparemment aléatoires et imprévisibles, contre les Israéliens juifs devaient se poursuivre sur une longue période de temps, elles pourraient bien pousser un nombre significatif de Juifs israéliens à en conclure que l’occupation et l’oppression perpétuelle ne sont pas le meilleur des mondes possibles pour eux non plus et que leur qualité de vie serait meilleure s’ils mettaient fin à l’occupation et permettaient au peuple palestinien de jouir de la même liberté et de la même dignité humaine - que ce soit dans deux états ou dans un seul - que les Israéliens juifs exigent pour eux-mêmes.

Il est bien triste d’être obligé de se rendre à l’évidence que tant que des vies juives ne sont pas menacées, les Israéliens juifs et le monde occidental ont tendance à penser que l’occupation n’est pas un problème. Maintenant que des Juifs - et bien plus encore de Palestiniens - ont perdu la vie, et que tout laisse à penser que d’autres la perdront dans les semaines qui viennent, il faut absolument profiter de l’attention du monde entier pour promouvoir une nouvelle perception du futur, afin que toutes ces vies n’aient pas été perdues pour rien.

Si la violence actuelle se poursuit assez longtemps pour être considérée comme une « Intifada », il faudra lui donner le nom de « Intifada des enfants ». Désespérant de jamais jouir d’une vie qui ait un sens, les jeunes et même les enfants choisissent, de leur propre initiative, de rechercher ce qu’ils perçoivent comme une mort qui a un sens. Ce désespoir tragique ne peut être dissipé que par l’espoir.

Quand la violence se terminera, cela ne doit pas être parce que le peuple palestinien a été forcé de retourner dans sa cage et de se rabattre sur un « processus de paix » frauduleux qui ne mène nulle part. Cela doit être parce que les jeunes Palestiniens ont enfin des raisons, crédibles et authentiques, d’espérer qu’ils seront bientôt libres et traités avec justice.

JPEG - 5.9 ko
John V Whitbeck : homme de loi d’envergure internationale, né en 1946 à New York, installé à Paris depuis 1976, a été très impliqué dans toutes les négociations de paix au Proche-Orient auxquelles il a participé, dès la conférence de Madrid en 1991, comme conseiller juridique des Palestiniens.