Les paysans indiens solidaires de la résistance palestinienne

mercredi 8 novembre 2017

L’agriculture constitue l’un des piliers du rapprochement entre les gouvernements ultranationalistes israéliens et indiens. Les paysans indiens ont décidé de boycotter les entreprises engagées dans l’occupation militaire et l’apartheid en Palestine.

Le premier ministre indien Narendra Modi trouve une source d’inspiration sans fin dans la politique ultranationaliste et raciste de son homologue israélien Benjamin Netanyahou. En juillet, tous les honneurs avaient ainsi été rendus à Narendra Modi, premier chef de gouvernement indien à se rendre à Tel-Aviv. Et pour cause, en plus du caractère historique de ce déplacement, le nationaliste hindou n’avait pas daigné faire étape dans les territoires palestiniens. Face à ce rapprochement, et alors qu’un voyage de Benjamin Netanyahou est prévu en Inde prochainement, les paysans communistes indiens ont annoncé rejoindre la campagne non-violente Boycott, désinvestissement, Sanction (BDS) qui vise à obliger Israël à se conformer au droit international et à cesser l’occupation et la colonisation sur le modèle du mouvement contre l’apartheid en Afrique du sud.

Le ralliement de la All India Kisan Sabha (AIKS, Association des paysans de l’Inde), qui compte 16 millions de membres – soit la plus importante fédération agricole indienne - prouve que l’impact du BDS ne cesse de s’amplifier à travers le monde.

Dans un communiqué, l’AIKS, présente dans 21 des 28 états indiens, précise que sa stratégie vise à résister à « la prise de contrôle des entreprises israéliennes sur l’agriculture indienne » et à « sensibiliser les agriculteurs afin d’empêcher Israël et ses entreprises de faire des profits en Inde pour financer l’occupation militaire et l’apartheid en Palestine ».

Si elle trouve aujourd’hui un nouveau souffle, la solidarité indienne avec la résistance palestinienne trouve ses racines dans le mouvement des non-alignés. Durant les guerres des Six Jours en 1967 et de Kippour en 1973, l’Inde soutient le camp palestinien et arabe. En 1975, New Delhi est même l’une des premières capitales au monde à autoriser l’Organisation de Libération de la Palestine à ouvrir une représentation. En 1988, après la déclaration d’indépendance du Conseil national palestinien, le géant asiatique reconnaît même l’Etat palestinien. « Des mouvements de masse en Inde, en Palestine, et au-delà, s’efforcent de faire échec à la violente vague de politique d’extrême-droite qui déferle sur le monde d’aujourd’hui. En rejoignant le mouvement BDS, AIKS dit non à la politique odieuse du premier ministre Modi, de Netanyahou et de Trump, et s’allie à nous pour construire un monde plus libre, juste et équitable », explique Apoorva, coordinateur pour l’Asie du sud du Comité national de BDS.

La stratégie des paysans indiens est loin d’être anecdotique car, au-delà de l’intensification de la vente d’armes et d’équipements militaires sophistiqués à l’Inde par Tel-Aviv, l’Agence israélienne pour la Coopération internationale au développement fait de l’agriculture l’un des piliers de ses relations avec New Delhi. 15 des 27 centres d’excellence d’expertise agricole israéliens œuvrent déjà en Inde. « La technologie agricole et hydraulique d’Israël aide à traiter la faim dans le monde. Qui pourrait ne pas être d’accord avec cela ? », expliquait Davenda Fadnavis, ministre en chef du Maharashtra dès 2015. Ainsi, l’une des plus importantes entreprises d’irrigation au monde, NaanDanJain, est indo-israélienne. Son directeur, Ammon Ofen, soutient : « l’Inde est un pays agricole, et nous aidons l’Inde à se développer avec notre technologie abordable de goutte-à-goutte, de filtre et d’engrais ». Narendra Modi a souvent évoqué la manière dont Israël avait fait « fleurir le désert ». Cette terminologie a souvent été utilisé dans le projet sioniste pour accréditer l’idée que la Palestine d’avant 1948 n’était qu’une ère inhabitée que les Israéliens avait découvert.

Le rapprochement de l’Inde avec Israël vise également pour New Delhi à s’attirer les faveurs de Washington. Dans sa stratégie de pivot vers l’Asie, l’ancien président états-unien Barack Obama a déjà largement utilisé l’Inde pour endiguer l’influence de la Chine en Asie. Cette orientation est encore plus claire depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. La nouvelle administration parle ainsi de région « indo-pacifique ». Interdit de visa aux Etats-Unis avant son accession au pouvoir pour son rôle présumé dans les pogroms anti-musulmans du Gujarat, état qu’il dirigeait alors, Narendra Modi était reçu dès 2006 en Israël. Selon Vivek Dehejia, professeur à l’université Carleton d’Ottawa, « le concept d’Israël comme maison naturelle des juifs du monde entier, un endroit où ils ont un droit de naissance, est un des fondements du sionisme. On ne peut s’empêcher de le comparer au concept selon lequel l’Inde est la maison naturelle des hindous du monde entier, un endroit où, eux aussi, ils ont un droit de naissance ». La visite prochaine de Benjamin Netanyahou marque ainsi la convergence idéologique entre le sionisme excluant du Likoud et l’ultra-nationalisme hindou du Parti du peuple Indien (BJP) qui considère la minorité musulmane comme exogène et menaçante.

Lina Sankari - rubrique internationale
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