Marwan Barghouti, figure la plus populaire du Fatah

samedi 17 décembre 2016

Le congrès du mouvement créé par Yasser Arafat vient de se terminer. Peu de changements au sein de la direction mais confirmation de l’aura politique du prisonnier palestinien.

Mahmoud Abbas le savait : bien que réélu président de son mouvement, le Fatah, en début de congrès, la semaine dernière, la barque tangue. Le bateau Fatah, qui se veut le vaisseau amiral de la lutte du peuple palestinien, a du mal à avancer. Certes, ces derniers mois il a dû faire face à une aggravation comme jamais de la colonisation israélienne et affronter une contestation interne menée par les partisans de Mohammed Dahlan, ancien chef de la sécurité préventive de Gaza, exclus du comité central du Fatah et de l’organisation elle-même en 2011. Est-ce pour ces raisons que le congrès du Fatah laisse comme un goût amer ? En tout cas, comme le fait remarquer Ghassan Khatib, ancien responsable communiste palestinien et ministre sous Arafat, aujourd’hui vice-président de l’université de Bir Zeit (Cisjordanie), « à l’extérieur, les gens étaient complètement indifférents à ce qui s’est passé au congrès, il n’y avait aucune excitation. Et pour cause ! Pour l’élection de la direction, le choix se faisait entre Abbas et Abbas. Ce sont les mêmes qui sont membres du comité central ».

JPEG - 43 ko enlevé par les forces d’occupation israélienne en 2002, l’élu palestinien croupit depuis en prison. Photo E. Hess-Ashkenazi/AP

Les proches de Marwan écartés

Jugement sévère mais pas complètement faux. On retrouve les mêmes caciques et, si l’on peut apprécier que le mieux élu se nomme une fois de plus Marwan Barghouti, preuve de sa popularité et de son aura politique – tous les sondages le donnent gagnant à l’élection présidentielle contre Abbas ou contre le candidat du Hamas –, on remarque néanmoins que les personnalités qui lui sont politiquement proches et de la même génération, comme Kaddoura Farès, n’accèdent toujours pas à la direction du mouvement. Et l’élimination de « notables » comme Nabil Chaath (ancien ministre des Affaires étrangères) et d’Ahmed Qoreï, ancien premier ministre d’Arafat, n’est même pas compensée par l’arrivée de femmes. Une seule a été adoubée, Dalal Salameh, une ancienne députée du camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse. Seule surprise, et encore, la popularité marquée de Jibril Rajoub, ancien chef de la sécurité préventive de Cisjordanie, actuel patron de la Fédération palestinienne de football et frère ennemi de Dahlan, qui assoit ainsi sa position politique et pourrait en faire un successeur de Mahmoud Abbas.

« Le sang neuf est vraiment limité »

« Ce sont les mêmes noms, les mêmes âges, les mêmes couleurs, raille Ghassan Khatib. Le sang neuf est vraiment limité. Le leadership du Fatah est trop vieux comparé à ses membres. Cette élection poursuit et amplifie la marginalisation des membres du Fatah qui sont jeunes. » De fait, la préservation d’une direction homogène et dans le sillage de Mahmoud Abbas semble avoir occupé les énergies. Plus que les débats politiques proprement dits. D’ailleurs, aucune idée majeure n’est sortie du congrès. Abbas s’est contenté de redire son adhésion à la « résistance populaire pacifique », au « dialogue » avec Israël, aux « petits pas » diplomatiques, seuls moyens selon lui pour les Palestiniens d’obtenir leurs droits. Israël a vite répondu, par la voix de son ministre de l’Énergie, Yuval Steinitz, qui a estimé qu’« Abbas est l’ennemi numéro 1 pour l’existence d’Israël ». Une façon de jeter de l’huile sur le feu pour attiser les divergences au sein du mouvement national palestinien dont la prochaine étape sera la convocation du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et alors que le Hamas doit, lui aussi, renouveler sa direction avant la fin de l’année, sur fond de dissensions internes de plus en plus marquées.

JPEG - 7.4 ko Pierre Barbancey - grand reporter - l’humanité