« Nos vies ne valent rien ! » : au Sud-Liban, le cri des civils libanais forcés de fuir

mardi 24 septembre 2024

Les raids israéliens, qui ont fait plus de 300 morts ce lundi 23 septembre, ont contraint les Libanais à fuir en masse les zones près de la frontière avec l’Etat hébreu. Certains redoutent déjà une « troisième guerre » dans le pays.

Elle a les airs de celle que les Libanais redoutaient depuis octobre dernier. La « Grande Guerre » comme certains la nomment pour ne pas oublier celle, larvée, qui affecte déjà des dizaines de milliers de personnes au sud du Liban depuis onze mois. Aujourd’hui, l’armée israélienne a mené des bombardements massifs dans tout le Sud-Liban. De telles scènes n’avaient pas été vues depuis dix-huit ans. Le ministère de la Santé libanais parle de 356 morts et de plus de 1 200 blessés. Un bilan provisoire, mais déjà trente fois supérieur à la journée la plus meurtrière qu’avait pu connaître cette région méridionale depuis le début de la guerre.

Sur les grands axes routiers du pays, c’est la cohue. Des heures d’attente, des kilomètres d’embouteillages pour rejoindre Beyrouth, la capitale, où des milliers de personnes partent se réfugier. Ahmad est coincé à la sortie de Tyr, au sud du pays, et redoute que la nuit tombe avant d’atteindre la capitale. Joint par téléphone, il hurle sa colère : « Ils commencent à dire partout que toutes les maisons des civils sont suspectes… Ils se préparent à justifier nos morts  ! » Comme beaucoup, le quadragénaire garde le souvenir de ce qu’a été la guerre de 2006, dont il voit les échos dans l’actualité brûlante. Les ponts bombardés, les appels d’évacuation de l’armée israélienne aux civils jusqu’au nord du Liban… Ahmad n’a plus de mots assez forts parmi ceux qu’il hurle : « Que va faire le monde ?! Les laisser détruire nos villages ? Laisser faire un deuxième Gaza ? Nétanyahou a le droit de raser le pays qu’il veut ? Nous ne sommes rien pour la communauté internationale ! Nos vies ne valent rien ! Elles valent de la merde ! » Le souffle court, Ahmad n’a pas d’endroit où loger dans la capitale. Il sait seulement qu’il doit partir.

Exode

Sur la version anglophone de la chaîne de télévision Al-Jazeera, des hommes du Hezbollah approchent pour obstruer objectif d’une journaliste en direct depuis Tyr. Le parti-milice est sur les nerfs, conscient que la véritable guerre vient de commencer. Dans le village voisin de Bazouriyé, Nour ne sait plus quelle décision prendre. « Je ne sais pas comment je vais rentrer, dit-t-elle par téléphone. Il y a des frappes partout, des explosions partout, du feu partout… J’ai peur qu’ils atteignent la maison. On ne peut plus rester ici, c’est insoutenable. » La jeune maman est seule avec son fils et essaye de rejoindre la capitale où son mari est parti travailler ce matin. Elle veut qu’il vienne les chercher, mais en début d’après-midi les autorités libanaises ont fermé la voie qui permettait de rejoindre Tyr depuis Beyrouth. Désormais, les deux routes vont en sens unique vers le nord pour permettre aux habitants du sud d’évacuer au plus vite. « Je ne sais pas comment je vais faire. Les ambulances ont le droit de passer par les petits chemins de village, mais ils sont extrêmement dangereux, on pourrait se faire bombarder », ajoute-t-elle. Cette nuit, Nour ne sait pas où elle dormira. Elle s’effondre en sanglots.

Rima, elle, est arrivée dimanche à Beyrouth depuis sa banlieue, Nabatieh. « Cet été, j’avais loué un appartement pour ma famille pour qu’ils puissent s’installer si jamais la guerre éclatait. Je ne regrette pas parce que maintenant elle est là, et je ne sais pas s’il y aura la place de loger tous les déplacés », raconte la jeune femme dont les parents sont aussi arrivés la veille. Dans ce petit appartement de la banlieue ouest de Beyrouth, il n’y a presque aucun meuble. Seulement un ventilateur, des valises et quelques matelas fins qui flanquent les contours de la pièce. « C’est le matelas typique des déplacés, dit-elle avec un rictus. Ce sont les mêmes que ma mère avait pris avec elle lors de la guerre de 2006. Ces matelas sont toujours ce qu’il nous reste de chez nous quand on doit partir. »

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SOURCE : Libération