Nouveau rapport de B’Tselem : se servant du prétexte de la sécurité, Israël a réussi à transférer de force des habitants palestiniens de Hébron

mardi 15 octobre 2019

Un nouveau rapport de B’Tselem publié aujourd’hui, Jouer la carte de la sécurité : la politique israélienne à Hébron en tant que moyen d’effectuer le transfert forcé des Palestiniens du lieu, démontre comment Israël s’est servi du prétexte de la sécurité pour mettre en œuvre une politique qui a rendu la vie insupportable aux habitants palestiniens du centre de la ville de Hébron (la Vieille Ville), en vue de les chasser de chez eux.

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Cette politique s’appuie sur le régime radical de séparation qu’Israël a mis en œuvre dans la ville pendant les 25 dernières années – depuis le massacre de Palestiniens perpétré par Baruch Goldstein – de manière à permettre à un petit nombre de colons d’habiter au cœur d’une ville palestinienne bondée.

Cette politique viole l’interdiction de tout transfert forcé, qui constitue un crime de guerre.

Les chiffres de population illustrent la façon dont cette politique a atteint son but. L’accroissement naturel de la population de Hébron a été neutralisé par le départ forcé de milliers de Palestiniens de la Zone H2, dont Israël a conservé le contrôle entier. En 1997, quand l’Accord sur Hébron a été signé, environ 115.000 Palestiniens habitaient dans la Zone H1 de Hébron. C’est maintenant la demeure de 166.000 habitants, une augmentation d’à peu près 45%. Dans la Zone H2, en revanche, le nombre des habitants est tombé de 35.000 lors de la signature de l’accord à environ 34.000 aujourd’hui. Le centre historique de la ville, qui a été une plaque tournante commerciale animée pour tout le Sud de la Cisjordanie, a décliné et s’est amenuisé, devenant une ville-fantôme où seuls demeurent encore les gens qui ne peuvent pas se permettre de déménager ailleurs à Hébron.
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Le régime de séparation est fondé sur un système de restrictions de déplacement qui crée un couloir distinct à l’intérieur de la ville qui est partiellement ou totalement interdit aux véhicules et aux piétons palestiniens. Pour faire respecter ce régime, l’armée a installé, dans une zone assez réduite, pas moins de 22 points de contrôle et de 64 obstacles physiques de différentes sortes qui servent à interdire aux Palestiniens l’accès aux rues de leur propre ville.

Des activités quotidiennes habituelles telles que faire des courses, rendre visite à des parents ou aller à l’école et au travail, impliquent de franchir au moins un point de contrôle et de subir des contrôles de sécurité humiliants et arbitraires. L’autre solution est d’emprunter des voies de contournement qui rendent le trajet beaucoup plus long, et qui sont souvent inadaptées pour les adultes les plus âgés ou les personnes handicapées. La vie dans la ville s’accompagne d’une violence quotidienne de la part des forces de sécurité, qui comprend des descentes nocturnes dans les maisons, des fouilles dans les rues et des actes de violence. Les Palestiniens endurent aussi la violence quotidienne de la part des colons, entièrement soutenus par les autorités.

Le régime instauré par Israël dans l’ensemble de la Cisjordanie comporte de nombreux éléments qui rappellent les aspects d’ensemble du régime sud-africain d’apartheid, connus comme le grand apartheid, comprenant des restrictions d’accès à la terre, la limitation des déplacements et le refus de droits politiques. A Hébron, le régime draconien établi par Israël prend aussi une forme rappelant aussi le petit apartheid, avec la ségrégation réglementée dans les espaces publics selon l’appartenance ethnique – juive ou palestinienne – exercée par des rues distinctes et des obstacles physiques.

L’entreprise coloniale à Hébron n’aurait jamais pu commencer, ni prospérer ensuite, sans le soutien massif de tous les organismes officiels de l’état israélien, de 1968 à aujourd’hui. Tous les décideurs concernés - les hommes politiques affiliés à la droite et à la gauche, les juges de la Cour Suprême, les chefs de l’armée et les responsables de la défense, le personnel à la fois du Service de l’Avocat Général Militaire et du Bureau du Procureur Général – ont effectivement accepté l’existence d’une colonie israélienne au coeur de la ville palestinienne, toléré la gravité et la fréquence des incidents violents qu’elle entraîne, et justifié l’oppression permanente des habitants palestiniens dépossédés de leurs maisons, de leurs biens et de leurs lieux de travail. Ce soutien accablant continue malgré les preuves évidentes de l’effet abominable qu’a la politique d’Israël dans la ville.

Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers