P comme Palestine (Retour de)

mercredi 12 octobre 2016

Rentrant de Palestine, nous en rapportons quelques images, quelques impressions fragmentaires mais fortes.

Tout d’abord le sentiment que les Palestiniens doivent continuer à supporter l’insupportable. L’humiliation permanente. Alors que le XXe siècle a été le siècle des décolonisations, la Palestine est l’une des dernières colonies. L’Apartheid a été vaincu en Afrique du Sud, il continue de régner ici. Le symbole le plus évident en est le grand mur de béton gris qui traverse le pays, parfois coupe en deux des propriétés, divise Arabes et Juifs, sépare des familles et obstrue l’horizon.
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Dès l’arrivée, on est mis dans l’ambiance. Arrivant de Jordanie, des membres de notre délégation invitée par l’Union des écrivains palestiniens ont été retenus plusieurs heures au poste frontière par de jeunes militaires arrogants (hommes et femmes). Impression d’arbitraire d’autant plus forte qu’à peine passée la frontière israélienne, on est en territoire administré par l’Autorité palestinienne. (Mais les Palestiniens ne peuvent pas avoir de frontière avec l’extérieur, pas de porte d’entrée ni de sortie. Et pas d’aéroport, par exemple. Alors qu’ils en avaient avant 1948. Comme ils avaient d’ailleurs leur propre monnaie.) Pour circuler dans les territoires occupés, il faut suivre un jeu de piste compliqué afin d’éviter les interminables check-points, ce qui rallonge considérablement le moindre déplacement. Et tous les jours, l’armée et la police israéliennes multiplient les exactions contre la population arabe, frappent des jeunes dans la rue, arrêtent des enfants…

(À l’université, nous avons vu le musée consacré aux prisonniers et aux tortures qu’ils subissent. 6 000 Palestiniens sont aujourd’hui dans les prisons d’Israël).

Deuxième impression : la vitalité de la société palestinienne. Ramallah est un chantier. En dix ans, la ville a poussé sur les collines de manière impressionnante, multipliant les grandes maisons blanches, revêtues de la pierre de taille du pays. La bourgeoisie palestinienne ne manque pas de moyens. L’apport de la diaspora a fait de Ramallah une capitale. L’Autorité palestinienne, de son côté, avec des concours de l’Europe et de divers pays arabes, a réalisé plusieurs bâtiments symboliques de l’identité du peuple palestinien. Un mémorial plutôt sobre à Yasser Arafat, à côté de la Mouqata’a, avec son tombeau et une mosquée. Et sur une hauteur dominant la ville, un superbe musée consacré à Mahmoud Darwish. Un musée d’art moderne a aussi été bâti, près de l’université Beir Zeit. Cette université qui fut un des hauts lieux de l’Intifada et que les forces israéliennes avaient occupée en 1985.
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Nous avons pu visiter aussi l’université Al Qods (Jérusalem), près du mur. S’y côtoient des garçons et des filles, voilées et non voilées. La société palestinienne, en Cisjordanie et sous la direction de l’OLP, reste une des sociétés les plus laïques du monde arabe, l’une de celle où la vie quotidienne des individus est paradoxalement la plus libre.

À Ramallah, aujourd’hui règne une certaine paix. (Tsahal n’y intervient plus, comme c’était le cas il y a encore une dizaine d’années, lors de notre séjour précédent, et lors du siège de la Mouqata’a).

Mais, au même moment où nous marchions tranquillement dans les rues de Ramallah, l’armée israélienne bombardait Gaza.

Troisième impression : ce pays est tout petit, mais tous, Arabes et Juifs, pourraient sans doute y vivre en bonne intelligence. Lors de notre rencontre avec Mahmoud Abbas, ce dernier n’a tenté de faire passer qu’un message : la volonté de paix des Palestiniens. Lors d’une seconde rencontre avec le responsable international de l’OLP, à l’occasion d’un véritable échange, celui-ci nous a rappelé que leur but fondamental était de pouvoir vivre un jour ensemble, dans une Palestine unie, démocratique et laïque. Le modèle auquel il s’est explicitement référé est celui de l’Afrique du Sud où selon la volonté de Mandela, après avoir mis fin à l’Apartheid, les Noirs n’ont pas imposé leur domination sur les Blancs.
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Mais pour que cette paix soit possible, il faut mettre fin au processus de colonisation. Lors des accords d’Oslo, en 1993, il avait été décidé que les territoires palestiniens seraient divisés en trois zones, A, B et C.A, administrée par l’Autorité palestinienne. B, administrée par elle mais sous contrôle israélien. Et C sous administration israélienne. Ce qui était déjà une façon d’empêcher la création d’un État. Mais depuis, et en contradiction avec ces accords, les Israéliens n’ont cessé de développer les colonies (dont la population a été multipliée par dix). On les voit, partout en Cisjordanie, comme venues d’ailleurs, posées comme sur le sommet des collines, surplombant les champs et les villages palestiniens, avec des pipe-lines qui montent de la plaine pour apporter l’eau dont Israël a le contrôle.

Quatrième impression : pour beaucoup de Palestiniens, la voix diplomatique choisie par Mahmoud Abbas et la direction de l’OLP est aujourd’hui dans l’impasse. Avec Benyamin Netanyahou, le processus est bloqué. (Shimon Peres, qui avait reçu le Prix Nobel avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1994, pour avoir conclu les Accords d’Oslo, avait lui aussi contribué à relancer la politique de colonisation qui morcelle les territoires palestiniens). Or, pour qu’il y ait une paix durable, et la cohabitation pacifique de deux entités, il faudrait rendre des terres, restituer des zones à l’administration palestinienne.
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Aujourd’hui, Mahmoud Abbas et son équipe misent sur l’initiative de Paris pour relancer le processus… Mais les chances de réussite paraissent minces. Jamais la communauté internationale n’a imposé à Israël de respecter aucune des résolutions de l’ONU. Et les États-Unis viennent de conclure un nouveau contrat militaire historique avec Israël.

Cela met la direction de l’OLP dans une position politique difficile. Une partie de la jeunesse s’en est détachée, comme le montrent les élections universitaires où le Hamas est arrivé en tête. « C’est une critique adressée à la situation actuelle en Palestine », nous a dit le président de l’université. Et les élections locales viennent d’être reportées… Même au sein du Fatah, des militants expliquent à mots à peine couverts que la voie diplomatique ne peut pas être la seule et qu’il faut, comme le pensait Arafat, combiner toutes les formes de la résistance populaire.

Au moment où les yeux du monde sont tournés vers la Syrie et l’Irak, les Palestiniens ne peuvent guère compter que sur eux-mêmes. Mais pour résoudre ce conflit qui n’en finit pas, il faudra bien que se fasse enfin entendre la volonté de la communauté internationale.

Patricia Latour et Francis Combes
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illustrations :
Naji al-Ali (vers 1937, Galilée – 29 août 1987), est un caricaturiste palestinien. Sa famille s’est réfugiée en 1948 au camp libanais de Ein-el-Helweh.
Durant sa carrière, il a produit environ 10 000 dessins, bien que le chiffre de 40 000 apparaissent le plus souvent, la plupart décrivant la situation du peuple palestinien. Il fut découvert par Ghassan Kanafani et ses premiers dessins prêchèrent l’espoir et la révolution. Il a travaillé au Koweït pour le journal Al Qabas pendant trois années puis il s’est installé à Londres après avoir été expulsé du Koweït en 19851.

Les caricatures de Naji al-Ali expriment la lutte et la résistance à l’état Israélien et critiquent les régimes djihadistes. Il disait que ses caricatures étaient : « l’expression des opprimés qui paient cher leurs vies, portant sur leurs épaules le fardeau des erreurs commises par les autorités. Tout ce qu’ils possèdent a été acquis avec peine, sous le siège constant de la dureté et de la cruauté. Ils luttent pour leur vie et meurent jeunes, ensevelis dans les tombes dépouillées. Ils sont toujours sur la défensive pour pouvoir vivre. Je vis avec eux dans les cachots, observant et brûlant à la pulsion de leurs cœurs, au flot du sang qui coule dans leurs veines. »

Il fut atteint d’une balle dans la tête le 22 juillet 1987 à Londres et succomba à ses blessures à Charing Cross Hospital à Fulham un mois plus tard, et fut le premier caricaturiste à être assassiné pour ses dessins.

En 1988, l’Association mondiale des journaux attribue le prix Golden Pen of Freedom, reçu par sa femme Widad et son fils Khaled. L’Association mondiale des journaux le décrit comme un des plus grands caricaturistes depuis la fin du XXe siècle.
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Hanthala est un personnage créé par Naji al-ali, il est apparu pour la première fois en 1969 dans le journal koweitien Alsiyassa (La politique). C’est un petit garçon âgé de 10 ans, c’est l’âge qu’avait Naji lorsqu’il avait quitté la Palestine, pieds nus comme tous les enfants qui habitent les camps de réfugiés palestiniens. Hanthala est situé dans l’espace sans terrain d’appui car il est sans patrie. C’est le témoin de la tragédie de tout un peuple, le personnage est toujours dessiné de dos, visage tourné vers la Palestine, et les mains croisées en signe de refus des solutions proposées par les États-Unis et leurs alliés arabes et israéliens. Il ne devrait dévoiler son visage que le jour où la dignité arabe ne sera plus menacée et où il retrouvera sa terre natale.

Naji dit de Hanthala :
« Hantala est né à l’âge de 10 ans et depuis son exil les lois de la nature n’ont aucune emprise sur lui. Il ne recommencera à croître que lors de son retour sur sa terre natale. Il n’est pas un enfant bien portant, heureux, serein et couvé. Il va nu-pieds comme tous les enfants des camps de réfugiés. Ses cheveux sont ceux du hérisson qui utilise ses épines comme arme. Bien qu’il soit rude, il a l’odeur de l’ambre. Ses mains, toujours derrière son dos, sont le signe du rejet des solutions porteuses de l’idéologie impérialiste et sioniste. Au début il était un enfant palestinien, mais sa conscience s’est développée pour devenir celle d’une nation puis de l’humanité dans sa totalité. Il a fait la promesse de ne jamais se trahir. Hantala veut dire amertume. »
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« Handala est le témoin de cette ère qui ne mourra jamais, il pénètre la vie avec une force qui ne le quitte jamais, une légende dont l’existence est un défi à l’éternité. Ce personnage que j’ai créé ne disparaîtra pas après moi. Je ne crois pas exagérer en disant que je serai immortalisé à travers lui. »

source :Wikipédia


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