Palestine. Liberté pour Georges Abdallah, il y a urgence !

mardi 17 septembre 2019

Depuis son arrestation à Lyon, le 24 octobre 1984, Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste et anti-impérialiste libanais âgé de 68 ans, n’a jamais quitté l’enceinte d’une prison française. Il entamera, dans quelques semaines, sa trente-sixième année d’incarcération, détenant le triste record de plus ancien prisonnier politique d’Europe !

Lors de la visite de notre journaliste au centre pénitentiaire de Lannemezan, le militant a redit pour les lecteurs de l’Humanité le sens de son combat politique.

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Depuis juillet 1987, il est condamné à perpétuité sans peine de sûreté pour complicité d’assassinat – il est utile de rappeler le contexte de l’époque au Proche-Orient. Victime « d’une lamentable vengeance d’État », ainsi qualifiée par Yves Bonnet alors directeur de la DST, il est pourtant libérable, selon le droit français, depuis 1999.

Toutes les demandes de remise en liberté (une dizaine) ont été rejetées. Sous pression diplomatique des États-Unis et d’Israël, les gouvernements successifs se sont refusés à prendre un arrêté d’expulsion, comme cela est possible pour les détenus étrangers, alors que les autorités du ­Liban, son pays, sont prêtes à l’accueillir.

Résister à l’enfermement en s’ouvrant au monde

Georges Abdallah est fortement engagé dans la défense des Palestiniens alors que les affrontements et les violences font rage au Liban et que l’armée israélienne envahit le sud du pays en 1978 et 1982. Il participe à la création des Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl), dont il dirige les opérations en France. En 1982, les Farl revendiquent l’assassinat, en France, d’un attaché militaire américain et d’un diplomate israélien, tous deux membres des services secrets respectifs.

Samedi 7 septembre 2019, le journaliste de l’Humanité et deux membres du collectif des Hautes-Pyrénées qui militent pour sa libération, Daniel Larregola et Djelloul Hattab, ont rencontré pendant deux heures Georges Abdallah au parloir du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Barbe et cheveux grisonnants, le regard déterminé et doux à la fois, l’homme impressionne par sa droiture, son calme et sa grande culture.

Résister à l’enfermement en s’ouvrant au monde : ce qui semble à première lecture être un paradoxe a toujours été sa règle de vie. « On ne peut résister en prison qu’en inscrivant notre quotidien dans les luttes et les mouvements du monde. » Dans l’isolement carcéral, il faut veiller à ne jamais laisser les temps inoccupés prendre la main. « Parfois, il me manque même du temps pour mener à bien toutes mes activités. »

« Le rejet de la barbarie passera par le communisme »

Ses journées en prison sont strictement organisées : cinq heures de sommeil par nuit, une heure et demie de sport pour entretenir l’hygiène de vie, puis travailler sans cesse pour écrire et répondre aux nombreux courriers, pour lire, pour approfondir sa réflexion, pour s’informer en lisant la presse dont l’Humanité et l’Humanité Dimanche, en décortiquant les informations des chaînes de télévision diffusées de plusieurs pays.

Georges Abdallah ne souhaite guère parler de lui ou très peu. Il tient à remercier toutes celles et tous ceux qui le soutiennent et lui écrivent, qui, à l’exemple de plusieurs municipalités communistes, l’ont fait citoyen d’honneur de leur ville. « Chaque geste ici a un impact direct au Liban ou en Palestine. »

Les discussions avec Georges Abdallah sont avant tout politiques et le prisonnier reste intarissable sur ce point. « Le capitalisme s’est mondialisé et toute opposition en tout lieu du monde est estimable. » Il rappelle que plus de deux milliards d’êtres humains vivent dans la pauvreté, que l’arme nucléaire se démultiplie en autant d’armes conventionnelles, que la tension internationale n’a jamais été aussi vive. « Si on ne voit pas cela et si on ne réagit pas, on ira tous dans le mur et on plongera avec le capitalisme. »

Dans cette mondialisation capitaliste, le militant anti-­impérialiste ne veut surtout pas laisser à l’écart la responsabilité particulière de ce centre que constituent les pays capitalistes occidentaux. « N’oublions pas que ces pays sont à l’origine des deux dernières guerres mondiales et du colonialisme. »

« La cause palestinienne ne peut que gagner »

Et d’inciter les communistes français à voir ce qui se passe ailleurs, bien au-delà de l’Hexagone. Sans vouloir critiquer les militants et leur parti, Georges Abdallah les invite à militer pour le désarmement, à prendre beaucoup en compte les questions internationales, à aller plus loin que les seuls enjeux humanitaires en soutenant beaucoup plus les mouvements en lutte de par le monde. « Je ne critique pas car je reste convaincu de la nécessité historique des partis communistes. Le rejet de la barbarie et l’avenir du monde passeront par le communisme. »

Toujours avec cette confiance inébranlable. « La cause palestinienne ne peut que gagner. À continuer comme aujourd’hui, l’entité sioniste va droit dans le mur. » Chaque matin, à 8 h 30, moment intime, Georges Abdallah peut téléphoner aux membres de sa famille au Liban et en Palestine. Les yeux rougis par l’émotion, il se dit heureux de la récente visite de ses neveux. « Ils n’étaient pas nés alors que j’étais déjà depuis longtemps en prison. »

Se rassembler pour obtenir le plus vite possible la libération de Georges Abdallah est non seulement une urgence humanitaire, c’est devenu une question politique majeure au moment où les politiques revanchardes et les lois liberticides gagnent les pays européens.

Alain Raynal - Publié dans l’Humanité du 9 septembre 2019 - repris par Médiapart

Lien avec le Le Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah (CLGIA)

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