Poème à mon ami d’Al Amari

dimanche 20 mars 2016

À mon ami d’Al Amari
J’ai vu tes oliviers asséchés par la souffrance qui pompe l’eau de ton corps
Je t’ai vu fier et digne m’expliquer que la voie actuelle est sans issue
N’en veut pas à ceux qui courbent l’échine pour que la charge soit moins lourde
Mais il est vrai qu’ici les roseaux ne poussent pas

J’ai vu tes oliviers coupés à la base
Pour les punir de ton existence
Et t’enlever l’espoir qui naît en son rameau
J’ai vu ce Mur qui voudrait t’asphyxier
Comme si un Mur pouvait t’empêcher de respirer, de voir, d’aimer
Et plus je te vois
Plus ils coupent les oliviers
Plus ils mangent tes olives
Plus ils te jettent les noyaux
JPEG - 39.9 ko (photo haaretz.com)
Et plus je te vois
Plus je te vois sucer les noyaux avec un grand sourire
Plus je te vois offrir ce sourire à l’humanité
Plus je te vois planter les noyaux partout où ils ne poussaient pas avant
Dans le ciment effrité des camps de réfugiés
Dans les ferrailles et les citernes qui pointent sur le toit de la Palestine amputée
Dans la clé rouillée d’une maison expulsée
Dans les poignées de main, les embrassades
Dans la tête des amis qui te rendent visite

Et bientôt les racines prendront à nouveau
Partout
De la Méditerranéenne à la Mer Morte
De Gaza à Jérusalem
De Stains à Al Amari
Jusqu’au Mur qui finira par tomber

Car contrairement aux Oliviers Contrairement à toi qui peuple les Oliviers
Le Mur n’a pas de racine
Il n’a pas d’humanité
Il n’est fait que du ciment de la haine et du béton de la négation

En te voyant
Je me rappelle que le temps à la différence du climat est toujours en faveur des Oliviers
À condition de les arroser
Avec autre chose que tes larmes
Avec autre chose que les flots de la pluie d’hiver qui tétanise les rameaux

Quand vient la neige
Je me rappelle que les Murs ne poussent pas grâce à l’air
Je me rappelle qu’ils ne peuvent pas bourgeonner ni se reproduire
Je me rappelle qu’ils portent en eux le deuil de ceux qui les font pousser.
Je me rappelle que ta soif de vivre fera pousser des arbres à l’intérieur des âmes enfermées
Je me rappelle que ta soif de vivre abreuvera les oliviers
Et renforcera la chair de son fruit

Nicolas Aury
Al Amari, Palestine,
État de mon Humanité
Le 29 février 2012
revue : INCERTAIN REGARD
Revue de Poésie contemporaine créée en 1997

PNG - 733.5 ko (photo AFPS Versailles)
Dans la ville de Ramallah, le camps de réfugiés de Al Amari compte aujourd’hui 8 500 habitants sur une surface de 9 hectares. Réfugiés depuis 1948, ses habitants de villages détruits qui sont aujourd’hui sous l’aéroport de Tel Aviv restent soutenus par l’ONU. Les tentes ont été remplacées par des maisons en dur mais la surpopulation est un problème.