"Pourquoi y a-t-il de l’arabe dans votre carnet ?" Une étudiante américaine de 17 ans fouillée à corps et interrogée à l’aéroport Ben Gourion

vendredi 16 septembre 2016

Je suis une jeune Américaine de 17 ans. J’ai grandi dans une petite ville du Massachusetts. Ma mère est des Etats Unis et mon père est un citoyen américain né au Maroc. A l’été 2016, je suis passée par l’aéroport Ben Gurion. Entrer dans le pays fut sans problèmes. Mais le quitter, ce fut une autre histoire.

Passer par le contrôle initial fut relativement rapide, mais le chiffre qu’ils ont apposé au dos de mon passeport fut un 5, sur 6 chiffres en tout. L’homme de la sécurité me dit que je devais porter mon sac aux bagages encombrants, j’y suis donc allée et j’ai essayé de donner mon sac à l’homme. L’homme des bagages encombrants a demandé à voir mon passeport, a vérifié le chiffre au dos, puis m’a fait poser mon sac sur une table spéciale. Il m’a dit que je pouvais y aller.

Je suis alors allée au contrôle de sécurité sur le chemin du terminal. Là le fonctionnaire me dit d’avancer par le plus court chemin, dont je découvris plus tard que c’était celui de l’extra-sécurité. Quand ce fut mon tour d’être contrôlée, je fus envoyée à l’extrémité d’une longue table en métal et on me dit de vider toutes mes affaires afin qu’un autre officier de sécurité puisse les examiner.
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Après seulement quelque 10 minutes de vérification et d’interrogatoire, l’officier me dit que je pouvais remballer mes affaires et j’étais prête à m’en aller. Il ramassa mon carnet pour me le rendre et il arriva qu’il s’ouvrit à la seule et unique page d’écriture de tout le carnet, une leçon d’arabe de mon enfance, qui remontait à 2012 au maximum. Il me dit qu’il allait revenir et revint avec un autre homme qui agrippa le carnet, le regarda fixement, puis me regarda fixement. Il commença en me demandant : « Pourquoi y a-t-il de l’arabe dans votre carnet ? », puis demanda : « Quelles sont vos connexions avec les Arabes ? ». Quand je lui dis que mon père était originaire du Maroc, il prit mon passeport et partit. Je me tins là pendant cinq minutes à observer alors que l’homme montrait mon passeport à toute une série d’officiers de sécurité.

Il revint avec une femme qui, d’emblée, commença à me poser des questions comme « Quelle fêtes célébrez vous ? » « Etes vous sûre de ne pas être Palestinienne ? ». A la fin, elle demanda : « Quels sont les prénoms de vos parents ? ». Quand je répondis « Susan et Ahmed », elle dit « et quoi ? », alors je répétai « Ahmed ». Elle attrapa mon passeport et me dit qu’elle allait revenir.
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Elle revint avec une autre femme qui me dit que je devais la suivre. Elle me demanda si j’avais des armes sur moi ou quoi que ce soit qui pourrait la blesser et ne sembla pas convaincue lorsque je lui répondis que non. Elle m’emmena à un scanner de sécurité où elle me fit tenir debout, les mains au-dessus de la tête pendant un bon moment, même après que le scanner ait fini son travail. Elle me dit qu’il fallait que je quitte mes sandales et que je m’assoie. Elle vérifia entre mes doigts de pied, puis appela quelqu’un tout en me regardant fixement. Elle m’emmena dans un petit cabinet fermé d’un rideau et commença à me palper pour vérification, puis me dit qu’il fallait que j’enlève mon soutien-gorge. Je lui jetai un regard confus et elle me dit que le scanner avait vu quelque chose et qu’il fallait qu’elle vérifie. J’enlevai mon soutien-gorge, le lui tendit, elle le prit et me laissa là avec une autre femme pour me surveiller pendant dix minutes. Elle revint et me palpa et me scanna à nouveau, puis me laissa là encore une fois. Environ 20 minutes plus tard, elle me rendit mon soutien-gorge et me laissa me rhabiller et me ramena vers la zone de sécurité principale.

A ce moment là, je commençai à trembler et à pleurer. Cela durait depuis environ deux heures et j’étais très nerveuse, mais aussi très, très en colère. Ils m’ont fait asseoir et ont pris mes affaires pour une dernière vérification. Finalement, ils m’ont laissé remballer toutes mes affaires pour la deuxième fois et partir. Ils m’ont remis mon passeport et, comme je regardais au dos, je vis qu’ils avaient mis un 6 au-dessus du 5. Je pris mes affaires et me dirigeai vers ma grille d’embarquement.
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J’avais soif et j’allai donc jusqu’à la petite échoppe proche de ma grille et achetai un jus de fruit. La femme au comptoir demanda à voir mon passeport. Quand elle vit le 6, elle me dit que je ne pouvais pas avoir de jus avec moi dans l’avion. J’étais trop fatiguée pour que cela me touche, aussi je m’en allai et attendit à la grille

Arrivée à la grille, je pensai que tout était réglé, je commençai à me détendre et pus enfin prendre une grande respiration. Mon avion était prêt pour l’embarquement et j’envisageais avec plaisir de me reposer dans l’avion et de rentrer chez moi. J’arrivai à la grille et donnai à la femme mon passeport et ma carte d’embarquement. Elle regarda fixement mon passeport pendant une seconde, puis dit « Vous devez me suivre ». Mon coeur flancha J’avais pensé que tout était terminé, mais apparemment, ils n’en avaient pas fini avec moi. La dame m’informa qu’ils avaient perdu mon sac et qu’ils l’avaient localisé à cause d’étiquettes nominatives que j’y avais laissées. Elle me blâma pour avoir perdu mon bagage et me dit que je devais attendre là. Tous les autres avaient embarqué dans l’avion et on me laissait de côté à attendre. Ils m’apportèrent mon sac et me dirent que je devais attendre que la sécurité vienne contrôler mon sac déjà contrôlé. Mon avion était prévu au départ dans dix minutes et lorsque je demandai si je pourrais encore monter à bord, ils m’ignorèrent. Un officier de sécurité arriva et me posa quelques questions sur mon sac et le contrôla à la grille d’envol.
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Finalement, après plus de deux heures d’interrogatoires et de fouille à corps, je pus monter à bord et rentrer chez moi. Le sac, qui avait été fouillé devant moi à la grille, ne se trouva pas dans ce vol et me fut livré deux jours plus tard. Plutôt que m’effrayer, cette expérience me rendit plus déterminée à aider ceux qui souffrent bien pire tous les jours.
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Note de la publication : L’auteure de cet article n’utilise que son prénom pour protéger son anonymat.
source  : AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine), une organisation française d’universitaires créée en liaison avec la Campagne Palestinienne pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël PACBI et avec l’organisation britannique BRICUP.


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