Quand le « fantasme d’Israël » tourne au vrai cauchemar

mercredi 28 décembre 2022

La définition d’Israël comme un État d’apartheid par Amnesty International et Human Rights Watch est l’aboutissement d’un long processus de cadrage et de recadrage de la question palestinienne.

JPEG - 94.4 ko 12 décembre 2022 - Les Palestiniens de la ville de Jénine suivent les funérailles de Jana Zakarneh, âgée de 16 ans, tuée par les tirs des forces coloniales israéliennes alors qu’elles effectuaient un raid nocturne dans la ville - Photo : Ahmad Al-Bazz/Activestills

Par Ilan Pappe

La définition d’Israël comme un État d’apartheid par Amnesty International et Human Rights Watch est l’aboutissement d’un long processus de cadrage et de recadrage de la question palestinienne.

Ce processus était à la fois politique et académique. Il a commencé avec un groupe d’universitaires palestiniens qui ont formé, en 1965, le Centre de recherche de l’OLP à Beyrouth, et parmi eux, des universitaires tels que Fayez Sayigh et Ibrahim Abu Lughod ont introduit l’application du paradigme de la colonisation au cas de la Palestine.

Plus tard, Uri Davis, dans son ouvrage fondamental sur Israël, a clarifié la place de l’apartheid dans les moyens utilisés par le mouvement colonisateur du sionisme et l’État d’Israël pour mettre en œuvre la logique principale de tout projet colonial de peuplement : « L’élimination de l’indigène ».

Le travail du Centre de recherche de l’OLP a permis d’expliquer la différence entre le colonialisme classique d’exploitation et la variété coloniale de peuplement qui a fonctionné en Amérique du Nord, en Australie et dans d’autres endroits, où l’objectif principal des colons européens était de déplacer ou d’éliminer la population indigène et de la remplacer.

Un autre développement dans l’étude du colonialisme de peuplement s’est produit lorsque, dans les années 1990, un groupe de chercheurs principalement australiens (tels que Patrick Wolfe et Lorenzo Veracini), intéressés par la Palestine et engagés dans ce pays, ont identifié d’autres caractéristiques du colonialisme de peuplement à notre époque, principalement sa nature structurelle.

Dans le cas de la Palestine, cela signifiait que la même idéologie qui a servi de base au nettoyage ethnique de 1948 et au souhait sioniste d’éliminer les Palestiniens, sert de base au siège de Gaza, à la judaïsation de certaines parties de la Cisjordanie et du Grand Jérusalem, et au système d’apartheid en Israël.

Cette recherche et les travaux ultérieurs des universitaires palestiniens et de ceux qui s’intéressent à la Palestine ont également contribué à clarifier ce qu’il advient des mouvements coloniaux tels que le sionisme lorsqu’ils ne parviennent pas à mettre pleinement en œuvre leur programme de nettoyage ethnique, comme ce fut le cas en 1948.

L’objectif d’éliminer complètement la population indigène ne disparaît pas du fait de son échec ; un échec, il faut le noter, qui a été causé en 1948 par la résilience et la résistance des Palestiniens, et facilité par l’aide limitée qu’ils ont reçue du monde arabe, en particulier des sociétés et moins des gouvernements.

Le fait que la moitié du peuple palestinien soit restée en Palestine, malgré la Nakba, et qu’Israël ait occupé, en 1967, les 22% restants de la patrie dont il n’avait pas réussi à s’emparer en 1948, signifie que même un nettoyage ethnique massif – comme celui qu’Israël a perpétré pendant la guerre de juin 67 et au cours des années qui ont suivi – n’a pas réussi à produire cette « terre vide » qui existait, selon les sionistes, avant leur arrivée.

Il n’a pas non plus été possible d’établir un État démocratique sans la volonté de faire partie d’une véritable entité démocratique palestinienne et non sioniste. 

Ainsi, de façon tout à fait absurde, l’échec des nettoyages ethniques de 1948 a conduit à l’établissement de l’État d’apartheid israélien, d’abord dans les frontières d’avant 1967, et aujourd’hui dans toute la Palestine historique.

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