Quel plan ? Pour quelle Paix ? Sans droit pas de justice, sans justice pas de paix

mercredi 12 février 2020

Le 28 janvier dernier MM. Trump, Président des Etats-Unis et Benyamin Netanyahou ont présenté un plan de “paix” pour Israël et pour la Palestine intitulé : “De la paix à la prospérité, une vision pour améliorer la vie des peuples palestinien et israélien”.

Or si notre Association, “le réseau des citoyens acteurs de paix”, espère depuis tant d’années une solution juste et durable de Paix entre Israéliens et Palestiniens, elle ne peut en première analyse que regretter l’absence d’une des deux parties concernées par ce plan : les Palestiniens eux-mêmes.

Ce plan ne tient pas compte des demandes de justice et de paix d’un des deux peuples, le peuple palestinien.

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Après une analyse plus approfondie, nous constatons que ce plan est un déni de justice qui ne tient aucun compte du droit : droit international, mais aussi droits humains fondamentaux. La carte proposée dans ce plan démontre que s’il était réalisé, il entérinerait de fait la validation de la colonisation, de l’annexion de Jérusalem-Est (mais la reconnaissance unilatérale par le gouvernement des États-Unis de Jérusalem une et indivisible comme capitale d’Israël avait déjà annoncé ce déni des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU), de l’appropriation des terres, et de l’annexion de la vallée du Jourdain, sans parler de la question du Golan.

Ces propositions acteraient de facto le futur du territoire palestinien construit en enclaves, séparées entre elles (mais elles le sont déjà…) par des blocs de colonies interdites selon le droit international et désormais acceptées par les États-Unis, elles acteraient de facto également la fin de la solution à deux États dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale de l’État palestinien. Les termes anglais de la proposition sont, pour la capitale de la Palestine, “à l’est de Jérusalem”, et non pas “Jérusalem-Est”, c’est à dire dans la banlieue Est de Jérusalem, par exemple Abou Dis…

Nous sommes inquiets de ce que ce plan pourrait engendrer non seulement chez les Palestiniens mais aussi dans toute la région.
M. Abbas, Président de l’Autorité nationale palestinienne, vient d’annoncer, lors de la réunion extraordinaire de la Ligue arabe, la rupture de toutes les relations y compris sécuritaires entre l’Autorité nationale palestinienne et Israël ainsi qu’avec les États-Unis car le plan proposé est “une violation des accords d’Oslo”. La Ligue arabe a refusé ce plan, le porte parole de l’ONU a rappelé qu’il fallait s’en tenir aux frontières de 1967, la Russie souhaite pour sa part des négociations directes entre Palestiniens et Israéliens… et l’Europe, quant à elle, ne semble pas parler d’une seule voix. L’Allemagne rappelle que seule une solution acceptable par les deux parties peut conduire à la paix. La France a salué les efforts de M. Trump ! Mais elle parle d’une solution à deux États comme nécessaire à la paix en conformité avec le droit international, et l’Union européenne a exprimé par son porte-parole qu’elle devait “étudier” les propositions du plan tout en réaffirmant son attachement à une solution à deux États.

La question fondamentale que nous posons rejoint celle de Mgr Michel Sabbah, Patriarche latin émérite de Jérusalem dans son appel du 29 janvier dernier, « La paix est-elle possible ? », et nous nous permettrons de citer ici une partie de son discours :

« La réalité telle qu’elle est vue par les États Unis et Israël doit être corrigée. Il faut leur rappeler ce que leur dit le commandement de Dieu, à eux comme à tous les peuples : " Tu ne voleras pas. Tu ne tueras pas" . Ils doivent mettre en œuvre ce commandement de Dieu dans ce long conflit avec le peuple palestinien.

La position du peuple palestinien aujourd’hui est connue de tous. Les États-Unis, Israël et le monde la connaissent. Le peuple palestinien dit : « Nous, les propriétaires du pays, nous vous avons donné 78% de notre terre et nous vous avons dit que nous nous contentions des 22% restants où nous aurons notre État, avec Jérusalem-Est comme capitale ».
La réponse des États-Unis et d’Israël a été : « Non, vous n’aurez pas d’État. Tout le pays est à nous. Dieu nous l’a donné ». Mais ils oublient que Dieu leur a dit aussi : « Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas ».
Avec cette attitude contraire aux commandements de Dieu et aux lois humaines, le conflit continuera, le fort opprimera encore plus le faible, la haine augmentera et
plus de sang sera répandu. Le mal l’emportera.
Or cette terre n’a pas été créée pour le mal, mais pour la rédemption de toute l’humanité. Il faut qu’il y ait, parmi les puissants de ce monde, des sages qui la ramènent à sa vraie nature. Ils doivent savoir qu’elle ne restera pas en repos tant qu’il n’y aura pas une pleine égalité entre ses peuples, afin que toute la population puisse vivre dans la paix, l’amitié et le respect mutuel, et qu’elle soit soumise à la loi de Dieu. Cela est possible.

Après cette déclaration des États-Unis, il nous semble que l’Europe, y compris la Russie, a maintenant un rôle à jouer. Chacun sait ce qui est juste et dû au peuple palestinien et à Israël .Les portes de l’espoir ayant été fermées par les États-Unis, elles devraient être rouvertes par l’Europe et par la Russie. Elles savent ce qu’il faut faire. Nous espérons qu’elles auront le véritable courage de travailler au salut de ce pays et de ses deux peuples.
Nous prions et demandons à Dieu de guérir les cœurs des puissants afin qu’ils puissent changer et croire à la force de la justice et de l’égalité entre toutes ses créatures dans cette Terre Sainte ». Michel Sabbah.

Nous nous joignons à toutes les voix, ici et là-bas, qui réclament l’établissement d’une Paix juste et durable pour les peuples israélien et palestinien. Nous appelons à la reconnaissance de l’État palestinien vivant aux côtés de son voisin l’État israélien en paix et en sécurité en conformité avec le droit international et les droits humains fondamentaux.

Marilyn Pacouret
Secrétaire générale de Chrétiens de la Méditerranée