Rencontre avec Ofra Yeshua-Lyth autour de son livre "Pourquoi un État juif n’est pas une bonne idée"

dimanche 22 avril 2018

Ofra Yesha-Lith, écrivaine israélienne, remet en question, dans son dernier livre, la légitimité de l’existence d’un état juif soumis à la religion.

Cette journaliste, d’origine yéménite et russe, née à Tel Aviv, et qui a collaboré dès les années 70 avec les plus progressistes des journaux de son pays, dénonce tout à la fois dans les livres qu’elle écrit le racisme et la violence de la colonisation des terres palestiniennes.

Quelle était votre motivation profonde pour écrire un tel livre, avec une affirmation aussi forte du côté néfaste de la confusion entre la religion et la chose politique ?

C’est un livre que j’ai publié pour la première fois en hébreu en 2004, bien que j’ai eu du mal à trouver un éditeur parce que les Israéliens, les plus éclairés, et les plus progressistes n’arrivent pas à comprendre. Je voulais savoir, au-delà du conflit entre Israël et la Palestine, pourquoi mes compatriotes les plus démocratiques n’arrivaient pas à admettre que les Palestiniens ne devaient pas être considérés comme des citoyens de seconde zone. D’où venait ce racisme ? Je l’ai compris, encore adolescente. J’ai compris que même les Juifs arabes étaient, malgré leur religion des sujets de méfiance, voire de suspicion. Il y avait des questions telles que celles-ci qui étaient posées : « de quelle couleur sont les Juifs, d’où sont venus vos parents ? Puisque j’étais à la fois d’origine russe et yéménite, cela posait quelques questions aux autorités. Je me souviens que dans mon enfance, un garçon de mon âge m’avait dit que mes origines n’avaient pas d’importance par ce que cela ne se voyait pas. C’est dans ces années-là que j’ai pris conscience de la grande influence de la religion dans cet Etat. Cette emprise, je l’ai également ressentie en tant que femme car je me suis aperçue très vite que je n’avais pas les mêmes droits que les hommes. La religion, dès les années cinquante était omniprésente.

Il y avait pourtant des intellectuels, des militants progressistes qui ont essayé de s’élever contre les idées extrémistes et belliqueuses du gouvernement d’alors et de ceux qui lui ont succédé...

En tant que journaliste, j’ai appartenu à ce que l’on appelle le Mouvement de la paix, « Peace now » en Israël. Dans mon propre journal, on m’a reproché d’être communiste. Je ne l’étais pas. Je n’étais même pas du côté de l’OLP. Mais ce n’était pas çà. Moi je voulais seulement corriger, orienter différemment la politique de l’Etat d’Israël, me dresser contre ce que l’on appelle dans notre pays la loi du président absent. Elle s’applique à tous, elle consiste à confisquer leurs terres à ceux qui auraient pu, même momentanément les abandonner. Et cela concerne tout le monde. Les Arabes comme les Juifs arabes qui vivent en Israël sont soumis à cette loi. Il y a réellement un fort mouvement d’intellectuels, de juristes israéliens qui considèrent qu’il faut remettre cet état sur le droit chemin. Oui, il faut le faire. Mais sans remettre en question que l’emprise des religieux empêche toute progression. Dès la création de l’Etat d’Israël, nous n’avons pas su remettre en question les étroites relations entre la religion et l’Etat. C’est vrai qu’en 1987, il y a eu de grandes manifestations après les massacres de Sabra et Chatila. Mais il n’empêche pas que la grande majorité des intellectuels de ce pays n’ose pas remettre en question cette emprise de la religion. L’éducation des jeunes israéliens va malheureusement dans ce sens et à ceux qui pousseraient dans le sens d’un Etat réellement laïque, on répond que cela n’est pas possible. Et il y a très peu de voix, même dans les milieux progressistes pour remettre en question cette volonté de faire du religieux un ciment de la vie des citoyens d’Israël.

Avez-vous rencontré des difficultés, lors de la tournée que vous avez effectuée dans un certain nombre de pays européens pour faire entendre votre voix ?

Il y a eu effectivement quelques problèmes çà et là. A Paris j’ai été accueillie très favorablement parce que parmi les gens que j’ai rencontrés, il y avait beaucoup de partisans de cet état laïque que nous voulons construire. Ce n’a pas été la même chose partout. A Strasbourg, par exemple, on nous a interdit l’accès à une salle. A Southampton, en Angleterre, cela a été le cas aussi. Peut-être ces villes-là ne veulent pas remuer ce genre de problèmes. Mais nous avons des contacts avec des intellectuels palestiniens qui vont dans le même sens. Des écrivains, des peintres, des cinéastes. Mais ce que nous attendons vraiment, c’est que l’on se dresse réellement contre cette emprise de la religion sur les esprits. Cependant, nous avons en Israël, des contacts entre les Arabes et les Juifs. Il y a eu des écoles qui ont réuni des enfants de différentes religions, avec des enseignements qui mêlent nos deux cultures et en expliquent les convergences. Nous sommes loin d’en être encore là, à un moment où les attaques contre les Palestiniens de la bande Gaza subissent encore les agressions, je suis moi-même parfaitement atterrée que les accords n’avancent pas plus vite. Et que l’Etat d’Israël ne fasse pas le pas pour une réelle séparation de la religion et de l’Etat.

Réalisé par Gérard Lanux
GIF - 5.7 ko - lundi 24 avril 2018


Notre article du 1 avril 2018

L’UJFP, BDS Marseille et Palestine 13 vous invitent à une rencontre

[*Vendredi 20 Avril 19 h*]
A l’Equitable-café - 54 Cours Julien, 13006 Marseille

Avec Ofra Yeshua-Lyth
Pour la parution en français de son ouvrage :
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"Pourquoi un État juif n’est pas une bonne idée"
(Éditions Scribest, à paraître 2ème quinzaine d’avril)

JPEG - 38.7 ko Née à Tel Aviv de parents nés en Palestine mandataire, petite-fille de deux immigrantes, l’une venue du Yémen, l’autre de Russie, Ofra Yeshua-Lyth nous entraîne dans ses histoires de famille, ses souvenirs d’enfance et ses reportages journalistiques.

La société israélienne est rongée par la peur entretenue, la guerre permanente, la négation de l’autre, le poids de la religion, le racisme décomplexé, le lavage de cerveau, le piétinement des droits de l’Homme... Quel rapport avec le projet sioniste imaginé par Herzl ? Quelles possibilités pour un avenir meilleur ? Dans ce livre percutant et plein de verve, Ofra Yesha-Lyth nous livre sa vision d’un Israël-Palestine tournant le dos au nationalisme ethnique, épousant le vivre-ensemble dans l’égalité des droits de tous ses habitants.

Journaliste, traductrice, directrice d’éditions, Ofra Yeshua-Lyth milite pour le droit au retour des réfugiés palestiniens et de leurs descendants et pour un état unique laïc et démocratique avec totale séparation de la religion et de l’état.

Extraits de la préface d’Ilan Pappé :

« En 2017, l’État d’Israël évolue comme un état ethnique, raciste, de différentes manières, discriminant ses citoyens palestiniens, installé dans une oppression incessante des habitants de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. L’État se transforme peu à peu en un système politique qui, minant les valeurs démocratiques et humanistes, privilégie une définition très étroite du sionisme, celle d’une idéologie nationaliste. [...]
[...] L’État d’Israël est devenu une ethnocratie. . .un état d’apartheid, un état de peuplement colonial…
Que la solution de deux États ne convienne plus aujourd’hui, comme d’ailleurs jamais elle ne le fût par le passé, s’explique par cette tendance théocratique : le sionisme qui aspirait à construire une identité politique moderne et laïque se transforme en un mouvement nationaliste romantique et religieux. Le regretté Israël Shahak pensait qu’un mouvement national fondé sur l’identité religieuse deviendrait inévitablement théocratique et raciste, pratiquant l’exclusion.
Ofra propose dans son livre une vision différente : un État laïc et démocratique pour tous ceux qui vivent entre la rivière du Jourdain et la Méditerranée. »

Participation aux frais souhaitée
Vente de livres, de brochures, de Tshirts, d’huile de Palestine, de zaatar, de poteries...

Contact  : asso.palestine13@gmail.com // contact@ujfp.org // bdsfrance.marseille@yahoo.fr