Rencontre avec Rashid Khalidi

samedi 19 mars 2016

Le Lundi 14 mars 2016 a eu lieu au MUCEM dans le cadre du Cycle l’Avenir des Frontières - Moyen-Orient, frontières décomposées-recomposées
[*Rencontre débat avec Rashid Khalidi, historien*].

Une grande salle bien pleine, un public attentif, une conférence passionnante et enrichissante, présentée devant la carte des accords Sykes Picot. Impossible de tout noter, tellement la pensée de rachid Khalidi est riche et son sujet maîtrisé.

Nous vous livrons ces notes, qui n’engagent que nous.

JPEG - 71 ko photo:Alex Levac

Rashid Khalidi est historien, américain d’origine palestinienne, spécialiste de l’histoire du Moyen-Orient. Détenteur de la chaire Edward Saïd d’Études du monde arabe moderne à l’université de Columbia, il sait lire l’actualité de cette région au regard des longues histoires qui ont tissé les identités, les mouvements nationaux, les intérêts internationaux, les colonisations et les empires.

"Désembrouiller le Moyen-Orient, noeud s’il en est de populations, d’histoires et de religions mêlées, de découpages et occupations coloniales, de tracés, effacements, transgressions, érections de frontières et de murs, de conflits d’identités, d’intérêts et de convoitises internationales, démêler ce noeud-là où semble se jouer depuis toujours l’ordre et le désordre du monde, c’est la vie et l’oeuvre de Rashid Khalidi.

Tenir ensemble l’histoire et l’actualité, le savoir et l’engagement, est chez lui une nécessité autant qu’une passion. Identité, Nation, État : les articulations complexes entre ces trois grands mots sont souvent confondues. Trois grands mots qui, dans le contexte d’un Moyen-Orient aux frontières décomposées-recomposées, sont comme des outils de séparation et pureté meurtrière, ethnique ou religieuse ; trois grands mots qui peuvent au contraire transcender les appartenances individuelles, dessiner l’histoire collective, garantir la justice, bref, permettre aux hommes de vivre ensemble."

A partir de la carte du Moyen Orient établie par les accords Sykes Picot en 1916, destinés à démanteler l’Empire Ottoman,
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Il est important de remarquer que les tracés de frontières prévus dans cet accord ont été effectués de façon arbitraire*, sans tenir compte des aspirations démocratiques des populations autochtones qui s’exprimaient à l’époque en opposition à des mandats strictement européens. Ces aspirations étaient incompatibles avec les velléités des grandes puissances.
Ce mépris a nourri la montée des nationalismes et fragilisé les élites arabes

Rachid Khalidi démontre au travers de son exposé l’influence de ces accords sur les frontières actuelles du Moyen Orient, et les différents conflits qui s’y déroulent depuis.

Seuls deux pays de cette région ont résisté aux impérialismes occidentaux, la Turquie et l’Iran, deux puissances légitimes et unifiées.
Les autres pays, dont les frontières ont été imposées par des puissances impérialistes (Grande Bretagne et France), n’ont pas de légitimité intrinsèque.

Autre cas particulier, les frontières d’Israël résultent de la déclaration Balfour (1917) favorable à l’installation d’un foyer juif en Palestine, sans être éloignées des lignes tracées par les accords Sykes et Picot, qui ont permis au mouvement sioniste de mener à bien le projet d’installation.
A noter chez Balfour le mépris de la démocratie : "En Palestine, nous ne voulons pas faire semblant de consulter la population".

Enfin, dernier cas évoqué, "l’oubli" complet du peuple kurde.

Tout ceci aboutissant bien sûr à exacerber les différents nationalismes.

A retenir de l’exposé de Rachid Khalidi :
- la naissance de Daesh est un phénomène purement Moyen Oriental, sans intention de s’étendre à tous les pays Musulmans.
- Daesh prend en grande partie ses racines dans le Baasisme Irakien où il a puisé la plupart de ses cadres.
- Il y a des chances que 5 générations passées dans les frontières actuelles aient créé un état de fait qui pourrait permettre un retour à un équilibre.
- Il est VITAL que tous les interventionnismes actuels cessent, que ce soit directement sous la forme de bombardements (Russie, Alliance, ..) ou de vente d’armes (Arabie Saoudite, Turquie, ..) favorisant ces ingérences.
- Les différents événements des printemps arabes annoncent un discrédit total du modèle libéral, et sont le signe d’une demande de pouvoir vivre une vie "Normale".

Enfin, s’agissant du conflit "Israël / Palestine", répondant à une question sur BDS qui privilégierait la solution de deux états, Rachid Khalidi a répondu que BDS ne faisait pas référence à une solution plutôt qu’une autre, l’important étant d’arriver à une égalité de droits entre Israéliens et Palestiniens, quelle que soit la solution.

* arbitraire relatif, puisque ce tracé suit parfois des tracés imposés par des lignes de chemin de fer existantes ou en projet.

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un article de nos amis belges de la Plate-forme Charleroi-Palestine

la vidéo de la conférence au MUCEMhttps://www.youtube.com/watch?v=ti0...