Tout savoir sur BDS, le mouvement de boycott contre l’occupation israélienne

mercredi 25 avril 2018

Vous êtes nombreux à vouloir soutenir BDS, le mouvement de boycott contre l’occupation israélienne mais difficile parfois de s’y retrouver. Le Courrier de l’Atlas a fait appel à Imen Habib, l’une des animatrices de la Campagne BDS France. Elle répond à toutes vos interrogations.

Qu’est ce que le BDS exactement ?

Imen Habib : BDS, ça signifie "Boycott, Désinvestissement, Sanctions". Au niveau du boycott, celui qui est le plus connu est le boycott économique, mais nous demandons aussi par exemple aux artistes français de refuser de divertir l’apartheid israélien en se produisant à Tel Aviv, comme si de rien n’était. Le désinvestissement consiste à exiger des entreprises, notamment françaises, à cesser leur investissement dans des entreprises israéliennes ou dans les colonies et de cesser ainsi de tirer profit de la colonisation et de l’apartheid israélien imposé au peuple palestinien.

JPEG - 78.9 ko Des militant-e-s de la Campagne BDS France, rassemblé-e-s devant le palais des congrès de Paris ou se tenait l’assemblée générale d’Orange, le 27 mai 2017.

Concernant les sanctions, il s’agit de se mobiliser pour exiger de réelles sanctions contre ce régime. Il faut savoir que les échanges commerciaux entre l’Union européenne (UE) et Israël sont normalement conditionnés par le respect des droits de l’Homme par Israël. C’est non seulement très loin d’être le cas, mais le plus scandaleux et inacceptable, c’est que l’UE continue par exemple en 2018 de financer l’industrie militaire israélienne à hauteur de plusieurs millions d’euros... alors que nous savons qu’il est urgent d’imposer un embargo militaire contre Israël
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Par qui BDS a été créé ?

C’est une campagne qui a été lancée en 2005 par plus de 170 organisations de la société civile palestinienne contre le régime d’apartheid israélien. Cette campagne et c’est important de le souligner s’inspire directement de la lutte victorieuse contre l’apartheid en Afrique du sud.

Pourquoi le boycott a du sens ?

Parce que par le passé, le boycott a montré qu’il était utile dans la libération des peuples opprimés.

Et ça a encore plus de sens, selon moi, car c’est un appel de la société civile palestinienne aux sociétés civiles du monde entier, ce qui fait que chaque personne peut et doit se sentir concernée par cet appel non violent pour la justice, l’égalité et la liberté.

Qu’est ce que la campagne BDS vise ?

La campagne BDS vise à contraindre Israël à respecter le droit international, c’est une campagne large qui ne se limite pas au seul boycott des colonies, mais qui comme pour le cas de l’apartheid en Afrique du sud, consiste en un boycott culturel et universitaire des institutions israéliennes, un boycott sportif, un boycott économique.

Au niveau du Désinvestissement, cela a été dit, il peut cibler aussi des entreprises françaises collaborant avec le régime israélien et qui pensent qu’elles peuvent impunément tirer profit de l’oppression de l’oppression du peuple palestinien. En ce moment par exemple, nous menons une campagne en direction de l’assureur AXA.

Il est important de souligner que le BDS ne vise pas les individus en tant que tels. Nous nous mobilisons contre le régime israélien d’apartheid. Cet appel BDS fixe trois objectifs fondamentaux :

La fin de l’occupation et de la colonisation des territoires palestiniens occupés, l’égalité pour les Palestiniens d’Israël et le droit au retour des réfugiés palestiniens, qui représentent la part la plus importante de la population palestinienne aujourd’hui.

Est ce qu’Israël prend la menace du boycott au sérieux ?

Oui, le gouvernement israélien a créé un ministère spécifique pour attaquer les militant-e-s BDS, et a alloué un budget de 70 millions d’euros pour combattre BDS à l’échelle internationale.

Le régime vient aussi de mettre en place les interdictions d’entrée en Israël de personnes considérées comme soutenant ou participant à la campagne BDS.

Cela montre à quel point Israël considère le mouvement BDS comme une "menace stratégique majeure" selon ses propres termes, et par là même, nous conforte dans notre choix : développer et amplifier la campagne.

On peut lire de temps en temps que le boycott est illégal...

C’est tout à fait faux ! Le boycott n’est pas illégal en France. Pour qu’il le soit, il faudrait qu’il y ait une loi ! Tout part d’une circulaire de l’ancienne ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui en 2010, demande aux procureurs de poursuivre systématiquement les militant-e-s appelant au boycott des produits israéliens.

Cette circulaire, qualifiée en 2010 par le Syndicat de la Magistrature "d’attentat juridique d’une rare violence" est tellement politique qu’elle précise explicitement qu’elle ne concerne que l’État d’Israël ! Ceux qui appellent au boycott des produits chinois en raison de la situation au Tibet ou au boycott du Mexique ne sont donc pas inquiétés.

En octobre 2015, la Cour de cassation a confirmé la condamnation en appel de militant-e-s BDS de Mulhouse et considère que "l’appel au boycott des produits israéliens" constitue une infraction pénale, assimilant un tel appel à une "discrimination des producteurs israéliens" (sic), il n’en demeure pas moins que continuer d’appeler au boycott de l’apartheid israélien et/ou des produits issus d’une politique coloniale d’occupation reste possible, comme le fait d’appeler à des sanctions économiques et politiques contre l’État d’Israël, comme le font par exemple certains parlementaires et anciens ambassadeurs. Cette condamnation fait d’ailleurs l’objet d’un recours à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

De même, la Cour de cassation n’a pas interdit le boycott des produits des colonies israéliennes ou les appels au boycott universitaire, syndical, artistique ou sportif des institutions israéliennes.

L’arrêt de la Cour de cassation d’octobre 2015 ne fait pas jurisprudence et les décisions judiciaires concernant l’appel au boycott des produits israéliens ont été souvent contradictoires.

Par exemple, des tribunaux, et même la cour d’appel de Paris l’ont jugé légal, car relevant de la liberté d’expression.
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Quelles sont les grandes victoires du BDS ?

Au niveau international, il y a eu la campagne internationale en direction de la multinationale Véolia qui était complice de graves violations du droit international. Mais il y a eu aussi beaucoup d’autres victoires, comme par exemple avec Mekorot, l’entreprise nationale israélienne de gestion de l’eau qui a perdu des contrats au Brésil, en Argentine, au Portugal, en Hollande... ou avec l’entreprise Sodastream qui a fermé son usine dans une colonie, même si l’entreprise Sodastream, qui s’est délocalisée dans le Neguev reste une cible pour BDS.

Concernant le boycott culturel, il y a eu le soutien de Stephen Hawking, Roger Waters, l’annulation du concert de Lauryn Hill en Israël, celui de la chanteuse Lorde plus récemment...

Après plusieurs années de campagne de plusieurs groupes de solidarité avec la Palestine en France, dont BDS France, Orange a annoncé la fin de son partenariat avec l’entreprise israélienne Partner qui installait entre autres des antennes dans les colonies illégales en Palestine occupée. Cette campagne s’est menée en collaboration avec la Campagne BDS Egypte, d’où l’importance de mener campagne ensemble à l’échelle internationale également.

Comment soutenir le mouvement BDS ?

Il est possible de soutenir la campagne en participant par exemple à nos appels à actions sur le site www.bdsfrance.org.

Mais aussi en relayant les informations sur notre site. Et bien sûr, en s’investissant à nos côtés ! Il y a des collectifs locaux BDS dans beaucoup de villes en France, vous pouvez rejoindre celui qui se trouve dans votre ville.

A titre individuel, on peut lors de nos achats être vigilant-e-s sur les principales entreprises cibles de la Campagne BDS dont vous trouverez la liste ici.

Si on est étudiant, on peut faire voter dans sa Fac des motions de soutien à BDS. On peut aussi se mobiliser si on est syndicaliste. Bref, on a tous-tes un moyen d’agir et d’être solidaire à notre niveau !

En mai prochain et alors que nous commémorons les 70 ans de la Nakba (NDLR : en 1948, 700 000 Palestiniens sont expulsés de leurs terres et de leurs villages par les troupes sionistes), seront organisés plus d’une centaine d’évènements à travers la France dans le cadre de la "saison France-Israël" 2018, événement décidé en 2013 sous le gouvernement Hollande !

Nous appelons donc tous les citoyens et citoyennes de conscience à participer à la dénonciation de cette propagande d’État : Il n’y a pas de normalité sous l’apartheid !

Interview d’Imen Habib par Nadir Dendoune. Publiée le mercredi 11 avril 2018 sur le site du Courrier de l’Atlas.
Propos recueillis par Nadir Dendoune