« Un choix cruel » : pourquoi Israël cible les écoles palestiniennes

vendredi 16 novembre 2018

Plusieurs élèves palestiniens, ainsi que des enseignants et des responsables, ont été blessés lors de l’attaque de l’armée israélienne contre une école au sud de Naplouse, en Cisjordanie, le 15 octobre. Les élèves de l’école mixte Al Sawiya Al-Lebban contestaient l’ordre militaire israélien de fermer leur école, accusée commodément d’être un « lieu de terrorisme populaire et d’émeutes »

« Terrorisme populaire » est un code de l’armée israélienne pour manifestations. Bien entendu, les étudiants ont parfaitement le droit de manifester, non seulement contre l’occupation militaire israélienne, mais également contre la colonisation envahissante des colonies de peuplement d’Alie et de Ma’ale Levona. Ces deux colonies juives illégales ont illégalement confisqué des milliers de dunams de terres appartenant aux villages d’As-Sawiya et d’Al-Lebban.
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« Les citoyens israéliens » que l’armée d’occupation est censée protéger en fermant l’école sont en réalité les colons juifs très armés qui terrorisent cette région de la Cisjordanie depuis des années.

Selon une étude de 2016 commandée par les Nations Unies, au moins 2.500 élèves palestiniens de 35 communautés de Cisjordanie doivent passer par les postes de contrôle de l’armée israélienne pour se rendre chaque jour dans leurs écoles. Environ la moitié de ces élèves ont signalé avoir été harcelés par l’armée et avoir subi des actes de violence simplement pour avoir tenté d’aller en classe ou de rentrer chez eux.

Ce n’est cependant que la moitié de l’histoire, car les colons juifs violents sont toujours à la recherche d’enfants palestiniens. Ces colons, qui « établissent également leurs propres postes de contrôle », se livrent également à des violences régulières en « lançant des pierres » sur les enfants ou en les « bousculant ».

« Les équipes de présence protectrice de l’UNICEF ont indiqué que leurs bénévoles avaient été victimes d’agressions physiques, de harcèlement, d’arrestations, de détentions et de menaces de mort », selon le même rapport des Nations Unies.

En d’autres termes, même les « protecteurs » sont souvent victimes des tactiques terroristes de l’armée et des colons juifs.

Ajoutez à cela que la zone C - une partie importante de la Cisjordanie qui est sous le contrôle total de l’armée israélienne - représente le summum de la souffrance palestinienne. Environ 50.000 enfants se heurtent à de nombreux obstacles, notamment le manque d’installations, d’accès, la violence, les bouclages et les ordonnances de démolition injustifiées.

L’école d’Al-Sawiya Al-Lebban située dans la zone C est donc entièrement à la merci de l’armée israélienne, qui ne tolère aucune forme de résistance, y compris les manifestations populaires non violentes d’écoliers.

Cependant, ce qui est vraiment édifiant, c’est que malgré l’occupation militaire israélienne et les restrictions imposées à la liberté palestinienne, la population palestinienne reste l’une des plus instruites du Moyen-Orient.

Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le taux d’alphabétisation en Palestine (estimé à 96,3%) est l’un des plus élevés du Moyen-Orient et le taux d’analphabétisme (3,7% chez les 15 ans et plus) est de l’un des plus bas au monde.

Si ces statistiques n’étaient pas assez réconfortantes, compte tenu de la guerre menée actuellement par Israël contre les écoles et les programmes palestiniens, jugez plutôt : la bande de Gaza assiégée et frappée par la guerre a un taux d’alphabétisation encore plus élevé que celui de la Cisjordanie , avec 96,6% cent et 96 pour cent respectivement.

En réalité, cela ne devrait pas être une surprise totale. La première vague de réfugiés palestiniens de la Palestine historique qui avaient été chassés à la suite du nettoyage ethnique souhaitaient tellement que leurs enfants arrivent à poursuivre leurs études qu’ils ont installé des écoles sous tentes gérées par des enseignants bénévoles dès 1948.

Les Palestiniens comprennent bien que l’éducation est leur meilleure arme pour obtenir leur liberté longtemps refusée. Israël, lui aussi, est conscient de cette dichotomie, sachant qu’une population palestinienne dotée de pouvoir est beaucoup plus capable de défier la domination israélienne qu’une population dominée, d’où le ciblage implacable et systématique du système éducatif palestinien.

La stratégie d’Israël de destruction de l’infrastructure du système scolaire palestinien est centrée sur l’allégation de « terrorisme » : en d’autres termes, les Palestiniens enseignent le « terrorisme » dans leurs écoles. Les manuels scolaires palestiniens célèbrent les « terroristes » ; les écoles sont des sites de « terrorisme populaire » et diverses autres accusations qui, selon la logique israélienne, obligent l’armée à boucler les écoles, à démolir des installations, à arrêter et à tirer sur des étudiants.

Prenons, par exemple, les récents commentaires du maire israélien de Jérusalem, Nir Barkat, qui dirige actuellement une campagne gouvernementale visant à mettre fin aux opérations de l’organisation de l’ONU qui s’occupe des réfugiés palestiniens, l’UNRWA.

« Il est temps que l’UNRWA quitte Jérusalem », a annoncé Barkat début octobre. Sans aucune preuve, Barkat a affirmé que « l’UNRWA renforçait le terrorisme » et que « sous ses auspices, les enfants de Jérusalem apprenaient le terrorisme, et que cela devait cesser. »

Bien sûr, Barkat est malhonnête. Discréditer l’UNRWA à Jérusalem fait partie d’une plus grande campagne israélo-américaine visant à fermer une organisation qui s’est révélée essentielle au statut et au bien-être des réfugiés palestiniens.

Selon cette conception biaisée, sans l’UNRWA, les réfugiés palestiniens n’auraient aucune plate-forme juridique. La fermeture de l’UNRWA aurait donc pour effet de fermer le chapitre des réfugiés palestiniens et de leur droit au retour.

Le lien entre la fermeture d’Al-Sawiya Al-Lebban, le ciblage de l’UNRWA par Israël et les États-Unis, les nombreux postes de contrôle séparant les écoliers de leurs écoles en Cisjordanie et plus encore, a plus en commun que la fausse allégation de « terrorisme ».

L’écrivain israélien Orly Noy a résumé la logique israélienne en une phrase : « En détruisant des écoles dans les villages palestiniens de la zone C et ailleurs, Israël oblige les Palestiniens à faire un choix cruel entre leur terre et l’avenir de leurs enfants ».

C’est cette logique brutale qui guide la stratégie du gouvernement israélien vis-à-vis de l’enseignement palestinienne depuis 70 ans. C’est une guerre qui ne peut être discutée ou comprise en dehors de la guerre plus vaste contre l’identité palestinienne, la liberté et, en fait, l’existence même du peuple palestinien.

La lutte des écoliers pour leur droit à l’enseignement à l’école mixte Al-Sawiya Al-Lebban n’est en aucun cas un accrochage isolé impliquant des écoliers palestiniens et des soldats israéliens à la gâchette facile. Au contraire, elle est au cœur de la lutte du peuple palestinien pour sa libération.
Ramzy Baroud

Source ISM