les israéliens détruisent le village d’Al-Araqeeb pour la 156ème fois

mercredi 18 septembre 2019

Le village palestinien d’al-Araqeeb qui se trouve dans la région de Naqab a été détruit aujourd’hui par les autorités israéliennes pour la 156ème fois. D’après des témoins oculaires la police israélienne aurait démantelé « les tentes des habitants d’Al-Araqeeb, les avait enlevés et traînés hors du village ».

Les autorités israéliennes ont effectivement intensifié les actes de démolition du village al-Araqeeb ces derniers mois et ont procédé à l’arrestation des habitants du village les forçant à quitter le village.

Situé dans le désert de Naqab, ce village est l’un des 51 villages arabes « méconnus » de la région. Il fait régulièrement l’objet d’actes de démolition de la part des israéliens qui œuvrent dans le but de judaïser le désert de Naqab en construisant des maisons pour de nouvelles communautés juives. Les bulldozers israéliens ont ainsi tout démoli, des arbres aux réservoirs d’eau. Cependant les bédouins palestiniens tentent à chaque fois de reconstruire ce qu’ils peuvent.

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Ces derniers doivent respecter les mêmes lois que les citoyens juifs israéliens, comme payer des impôts mais ne jouissent pas de l’égalité des droits et des services en tant que Juifs en Israel, et l’État a refusé à plusieurs reprises de relier leurs villages au réseau national, à l’approvisionnement en eau ainsi qu’à d’autres commodités vitales.

Dans sa décision, le tribunal a déclaré que les villageois avaient « fait irruption dans des terres appartenant à l’État » en reconstruisant leurs maisons démolies.

Source : alnas.fr


notre article d’avril 2019

Les Palestiniens de 1948 : La bataille de la détermination, de l’identité et du rôle national

Le village de Al-Araqeeb résume peut-être l’histoire de l’obstination israélienne à déraciner le peuple palestinien, et celle de l’obstination palestinienne à rester enraciné dans son pays et sa détermination à résister à l’occupation. 140 fois les Israéliens ont détruit le village situé dans la région du Nakab (Néguev), et 140 fois les Palestiniens l’ont reconstruit.

JPEG - 39.8 ko Al-Araqeeb, Naqab, Palestine (Rina Castelnuovo/The New York Times)
Il y a soixante-dix ans, pendant la guerre de 1948, les sionistes ont occupé 77% de la Palestine, détruit au moins 413 villes et villages palestiniens (estimés à 530 par Salman Abu Sitta), déplacé environ 800.000 Palestiniens, de sorte qu’il ne restait plus que 156.000 personnes dans le territoire occupé en 1948 (officiellement appelé Israël). Ils se sont retrouvés minorité vulnérable dans leur propre pays. Pendant 18 ans, ils ont été soumis à un régime militaire et à des lois d’exception. Leurs terres ont été confisquées, et seuls 4% ne sont restées entre les mains des ‘Palestiniens de 48’.

Jusqu’à présent, ils ont conservé leur niveau démographique de 17%, soit environ 1,5 million (hors Palestiniens de Jérusalem-Est), ceci en dépit du fait que le projet sioniste a fait venir environ 3,26 millions de Juifs au cours des 70 dernières années (1948-2018), mais la croissance naturelle des Palestiniens de 1948 a permis de maintenir ce pourcentage.

Les Palestiniens de 1948 ont remporté leur bataille de la fermeté sur leur territoire, sans se laisser décourager par les mesures israéliennes qui les traitaient comme des « étrangers » sur leur terre et en tant que nationaux, tout en accordant aux juifs un traitement préférentiel et de nombreux avantages. Les mesures de répression israéliennes touchent le logement, l’habitat, la construction des Palestiniens ainsi que leur utilisation des services, les moyens d’exprimer leur identité culturelle et leur affiliation palestinienne, arabe et islamique. Quant aux villes et villages arabes, ils ont été confinés dans des zones restreintes et aucun nouveau village ou camp ne fut autorisé, alors que plus de 700 villes, cités et colonies israéliennes ont été construites dans les territoires de 1948.

En contrepartie, il y a toujours 46 villages arabes dans le Naqab, peuplés de 137.000 Palestiniens, que l’occupation israélienne juge « non reconnus », ce qui signifie qu’ils sont privés des services de base et que toute construction y est interdite ou menacée d’évacuation. Par exemple, et en plus de démolir Al-Araqeeb, les Israéliens ont détruit les villages de Jaraba, Abdeh, Abou Al-Salb, Abou Talul et Qarnub.

Les Palestiniens de 1948 ont donc été contraints de construire sans permis, et, selon les estimations, 50 à 80.000 maisons sont dans ce cas et risquent d’être démolies ; cela représente un foyer palestinien sur sept (le Nakab inclus).

Au cours des dernières années, les stratégies israéliennes systématiques de pérennisation de la fausse identité de la terre et du peuple sont devenues de plus en plus racistes et de droite. C’est apparu de manière flagrante lorsque la Knesset a adopté la loi sur l’État-nation juif à l’été 2018, qui affirmait : Israël est l’État-nation du « peuple juif » et le peuple juif exerce le droit à l’autodétermination dans l’État d’Israël, le développement de la colonisation juive est une « valeur nationale » et le gouvernement agira pour encourager et promouvoir sa création et la renforcer. En revanche, il a dégradé l’arabe du statut de langue officielle à langue au statut spécial et flou, augmentant les risques et les défis auxquels sont confrontés les Palestiniens de 1948.

La bataille de l’identité

En pleine occupation, le gouvernement israélien cherche à perpétuer une identité juive en costume « laïc » et un racisme sioniste en costume « démocratique ». Il essaie de fragmenter la société palestinienne en identités confessionnelles ou sociales, en séparant les Druzes des autres, en préférant les musulmans aux chrétiens, et il en va de même pour les bédouins. Il a réussi parmi les druzes (environ 140.000), de sorte que la grande majorité de leurs électeurs votent pour les partis israéliens et que la majorité de leurs jeunes s’enrôlent dans l’armée israélienne. Cependant, une majorité arabe croissante ressent fortement son identité palestinienne et ses affiliations arabe et islamique et a réussi à contrecarrer les tentatives israéliennes de fragmentation. Ils croient au récit palestinien plutôt qu’au récit israélien et sioniste. C’est ce qui s’est produit avec force dans les années 50 avec la création de Harakat Abnaa Al-Balad (Mouvement des fils du pays), et qui se poursuit avec les mouvements islamiques, nationalistes et nationaux.

Cependant, l’expression de cette identité s’est heurtée à certaines difficultés, notamment dans la manière de combiner la notion d’appartenance à des institutions nationales palestiniennes avec la détention d’un passeport ou de la « nationalité » israéliens et de vivre sa vie sous l’épée de Damoclès de la « loi » israélienne. Comment gérer la dichotomie entre le besoin de satisfaire les besoins de la vie tels que le logement, le travail, les études, la santé et d’autres activités de la vie quotidienne… et le désengagement du projet sioniste et de ses outils de domination ? Comment combiner la nécessité d’exprimer les positions et les revendications politiques des Palestiniens de 1948 sans tomber dans la « légitimation » du système politique israélien, sous le couvert de celui-ci, et en le décorant d’un décor « démocratique » qui promouvrait son projet agressif de colonisation et de déplacement ?

Le rôle national

Sur la base de ce qui précède, les Palestiniens de 1948 ont exprimé leur rôle national sous de nombreuses formes. La plupart des mouvements ont confirmé leur appartenance au peuple palestinien, soutiennent le Projet national palestinien, estiment que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est la tutelle unissant tous les Palestiniens et soutiennent la résistance palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et la fondation d’un État palestinien. Ils ont également participé au soutien d’activités culturelles et patrimoniales préservant l’identité palestinienne et ont collaboré avec les municipalités pour servir le peuple palestinien.

Ils ont cependant divergé dans leur participation à la vie politique israélienne ; certains des grands mouvements y ont participé pour protéger et servir la « minorité » arabe en utilisant ce que le système politique propose, et parfois en essayant davantage. Ces mouvements prônaient des slogans d’égalité complète et d’ « un État pour tous ses citoyens »… et autres, alors qu’un courant important, dirigé par le Mouvement islamique (au nord de la Palestine), a préféré boycotter les élections à la Knesset, tout en restant actif dans d’autres domaines. Ainsi, il a joué un rôle remarquable dans les services municipaux, en préservant l’identité nationale et la da’wah islamique. L’une de ses réalisations les plus remarquables a été la préservation de Jérusalem et des lieux saints, où ses membres et leurs frères du Mouvement islamique (au sud) ont joué un rôle majeur dans l’attention et la maintenance de la mosquée Al-Aqsa, étroitement unis pour la protéger (murabatah) et organisant des convois pour y emmener les fidèles. Ils ont également lutté pour préserver les autres lieux saints en Palestine et ont cherché à récupérer les dotations islamiques et à entretenir les mosquées, les cimetières et autres.

Les Palestiniens de 1948 ont également participé aux actions liées à l’Intifada. Ils ont organisé la Journée de la terre le 30 mars 1976 et ont joué un rôle majeur au début de l’Intifada Al-Aqsa, fin septembre 2000, ainsi que lors de l’Intifada de Jérusalem de 2015-2017. Cependant, le mouvement, en général, a préféré ne pas participer à des affrontements armés avec les Israéliens, en raison de la situation particulière des Palestiniens de 1948. Ils ont joué un rôle majeur - « comme un poumon » - pour leurs frères de la bande de Gaza et de Cisjordanie , offrant soutien, soins, services sociaux et humanitaires, ainsi qu’un soutien politique et médiatique. Cela n’a pas empêché de nombreux jeunes Palestiniens de 1948 de prendre des initiatives dans le cadre du travail de résistance et du soutien logistique à la résistance armée. L’un des exemples récents est celui des Trois « Jabarin », une opération de résistance exécutée à la mosquée Al-Aqsa, à l’été 2017.

Elections

Les élections israéliennes auront lieu en avril, dans une atmosphère où le projet sioniste est de plus en plus raciste et extrémiste. Au cours des dernières années, la Knesset a adopté de nombreuses lois et mesures racistes, jusqu’à la dernière, la loi relative à l’État-nation juif. En conséquence, les espoirs de nombreux Palestiniens de 1948 ont été anéantis, car ils espéraient que leur participation politique donnerait des résultats à la hauteur du prix payé.

Lors des dernières élections, la liste commune arabe-palestinienne a remporté 13 sièges, ce qui fut considéré comme un grand succès pour l’unification du travail politique des Palestiniens de 1948. De nombreuses personnalités politiquement compétentes ont émergé, mais elles n’ont pu échapper aux poursuites et au harcèlement des Israéliens, au milieu de tentatives d’isolement et de falsification. Aux prochaines élections, deux listes arabes rejoignent la compétition et devraient remporter collectivement 12 sièges, car beaucoup de Palestiniens de 1948 vont boycotter les élections. S’ils participaient, le nombre de sièges devrait passer à environ 20, augmentation qui n’affectera pas le système politique israélien, où la Knesset compte 120 sièges, argument qui fait toujours l’objet d’un débat parmi les Palestiniens. En général, et à la lumière de l’expérience historique, du prix politique et de la montée de l’extrémisme religieux et raciste dans la société israélienne, la grande majorité voit d’un mauvais œil le fait de se servir de la Knesset comme d’un levier politique.
Mohsen M. Saleh
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM


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