reconstruction de Gaza : un enjeu financier et militaire pour Israël

mercredi 18 février 2015

 Reconstruction de Gaza : un enjeu financier et militaire pour Israël 

On peut se demander pourquoi la reconstruction de Gaza, bombardée pour être renvoyée à l’Age de Pierre, selon les objectifs explicites de la doctrine militaire israélienne, n’a débuté, si timidement, que deux mois après la fin des combats.

D’après les données des Nations Unies, 100.000 logements ont été détruits ou endommagés, laissant 600.000 Palestiniens soit près d’1 Gazaoui sur 3, sans domicile ou en pleine détresse humanitaire.

Les routes, les écoles et la centrale électrique alimentant les systèmes d’adduction et d’épuration d’eau sont en ruines. L’hiver est là avec le froid et l’humidité. L’agence Oxfam déclare qu’au rythme actuel d’avancement des travaux, il faudra 50 années pour reconstruire Gaza.

La raison de ce retard , comme toujours ... ce sont les « impératifs de sécurité » d’Israël. Gaza peut être reconstruit, mais uniquement selon les spécifications précises posées par les autorités israéliennes.

Tandis que les habitants vivent sous des tentes, Israël a insisté sur les conditions de réhabilitation du secteur. Les ruelles qui avaient aidé la résistance palestinienne dans ses embuscades doivent disparaître. A leur place on doit construire des rues suffisamment larges pour permettre aux blindés israéliens d’y patrouiller. Bref, les besoins humanitaires des Palestiniens aussi bien que leur droit de résister ont été sacrifiés pour satisfaire le désir d’Israël de renforcer plus efficacement son occupation.

Difficile de ne pas voir que l’accord conclu au Caire pour la reconstruction de Gaza procède du même calcul. Les donateurs ont promis 5,4 milliards de dollars – mais l’expérience nous a appris que seule une petite partie se matérialisera. En outre la moitié sera immédiatement redirigée vers la lointaine Cisjordanie pour rembourser les importantes dettes de l’Autorité Palestinienne.

Dans la communauté internationale, personne ne semble avoir suggéré qu’ISRAEL, qui a démembré la Cisjordanie et Gaza de diverses manières, règle la facture.

Un analyste israélien a comparé la solution proposée à la transformation d’une prison du tiers monde en une installation carcérale moderne surdimensionnée, à l’américaine. L’extérieur plus civilisé ne fera que dissimuler son but réel : non pas améliorer la vie des résidents palestiniens, mais offrir davantage de sécurité aux gardiens israéliens.

Les préoccupation humanitaires sont exploitées pour permettre à Israël de restructurer un blocus de huit années . L’accord transfère le contrôle symbolique des frontières de Gaza l’apport de matériaux de construction à l’AP et à l’ONU afin de contourner et d’affaiblir le Hamas.

Les contrôleurs – et les décideurs véritables seront les Israéliens. Par exemple, ils auront un droit de veto contre les fournisseurs de quantités importantes de ciment nécessaires. Cela veut dire qu’une grosse partie de l’argent des donateurs tombera dans l’escarcelle des cimentiers et des intermédiaires israéliens.

Toutefois le problème est plus profond que cela. Le système doit satisfaire le désir d’Israël de savoir où aboutit chaque sac de ciment, chaque tige d’acier, pour empêcher le Hamas de reconstruire ses roquettes maison et son réseau de tunnels. Ces tunnels, et l’élément de surprise qu’ils ont présenté, ont causé la perte de tant de soldats israéliens. Sans eux, Israël aura plus de latitude la prochaine fois où il voudra « tondre la pelouse », comme ses chefs de guerre appellent les destructions répétées de Gaza.

La semaine dernière, le ministre de la Défense Moshe Yaalon avertissait qu’une reconstruction de Gaza serait conditionnée par la bonne conduite du Hamas. Israël voulait être sûr que « les fonds et les équipements ne seront pas utilisés pour le terrorisme, c’est pourquoi nous surveillons de près tous les développements ».
AP et ONU devront soumettre à une base de données israélienne les détails de chaque maison qui a besoin d’être reconstruite. Il semble que les drones israéliens surveilleront tout mouvement sur le terrain.
Par ailleurs on ne peut s’empêcher de croire que le système de supervision fournira à Israël les coordonnées GPS de chaque maison à Gaza, et les détails concernant chaque famille, consolidant son contrôle pour la prochaine décision de lancer une offensive. Et Israël peut tenir tout le processus en otage et l’interrompre à tout moment.
Washington et ses alliés, semble-t-il, ne sont que trop heureux de voir le Hamas et le Djihad Islamique privés des matériaux nécessaires pour résister au prochain assaut d’Israël.
Le New York Times a exprimé sa préoccupation : « A quoi bon collecter et dépenser des millions de dollars … pour reconstruire la bande Gaza, juste pour qu’elle soit détruite à la prochaine guerre ? »
Pour certains donateurs exaspérés par des années d’argent déversé dans un trou sans fond, revaloriser Gaza en maxi-prison moderne à l’américaine, paraît un meilleur retour sur investissement.

Jonathan Cook

Jonathan Cook a reçu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers 
livres sont Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the 
Middle East
 Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.