Les Bédouins d’Israël, victimes de la colonisation intérieure nous "demandent un miracle"

samedi 25 mars 2017

En tant que citoyens du monde entier, nous tenons à vous faire savoir que vous n’êtes pas seuls. Nous sommes à vos côtés dans votre sit-in pacifique pour défendre vos foyers, vos terres et votre mode de vie. Nous demandons aux dirigeants du monde entier d’exiger du Premier ministre Netanyahou d’abandonner ses plans de destruction de cette communauté. Nous demandons tout particulièrement à l’Union européenne et à la Cour pénale internationale de signifier de toute urgence au gouvernement israélien que la destruction de cette communauté est une ligne rouge qui aurait de graves répercussions.

En Palestine, une communauté bédouine vivant près de Béthanie est menacée par les bulldozers. Leurs foyers, leurs terres et leur mode de vie pourraient disparaître à tout jamais : la machine de colonisation israélienne est à l’oeuvre.

Mais ces courageuses familles refusent de sombrer dans l’oubli. Elles tentent le tout pour le tout, et résistent aux bulldozers par des "sit-ins" non violents devant leurs foyers. Elles espèrent un miracle : que leur acte de bravoure inspire des femmes et des hommes tout autour du monde pour les aider à arrêter les bulldozers avant qu’il ne soit trop tard.
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Nous pouvons être ce miracle.

Cette destruction ne pourra avoir lieu que loin de l’oeil des médias. Cliquez pour soutenir les familles de la Montagne du Pape, et l’équipe d’Avaaz se rendra sur place pour projeter nos signatures sur leurs maisons — afin que les bulldozers ne découvrent pas un petit village tremblant de peur mais voient le monde entier faire corps avec ces familles.
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notre article de février 2017

Les Bédouins sont l’objet de harcèlement de la part des autorités israéliennes, qui voudraient les parquer dans des réserves et des bantoustans, et installer des familles juives à leur place. Le Fonds national juif (KKL-FNJ) sert de paravent pour expulser les Bédouins sous couvert de création de forêts.

C’est la triste histoire des habitants de deux villages jumeaux, Umm al-Hiran et Atir. Deux villages peuplés par les membres d’une tribu de Bédouins, les Abou Al Qi’an. Nous sommes dans le Néguev, en Israël. La semaine dernière, la police a débarqué en force – comme à son habitude – pour tenter de démolir des maisons. La manifestation a dégénéré. Un habitant, Yakoub Abou Qi’an, a été tué par balles et un policier a perdu la vie, percuté par une voiture. Venu soutenir la population,le député de la Liste unie (à laquelle participe le Parti communiste israélien) Ayman Odeh a été sérieusement blessé, touché en pleine figure par une balle non létale, recouverte de mousse. La gravité des incidents a fait éclater le problème aux yeux du monde entier : les Bédouins d’Israël, tout comme les Palestiniens des territoires occupés, sont expulsés et leurs maisons détruites. Fruit d’une politique de colonisation, y compris interne.
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Une « judaïsation » du territoire.

Quelque temps auparavant, nous nous trouvions justement à Umm al-Hiran. Le chef de la tribu, Raed Abou Qi’ian, nous avait reçus. Il avait expliqué la première expulsion de leur terre originelle, en 1948, à Khirbet Zubaleh (entre Beer Sheva et Gaza), que les Bédouins cultivent depuis des siècles. Ils ont alors été déplacés d’un endroit à l’autre, au bon vouloir de l’armée israélienne et de son administration. Jusqu’à ce qu’en 1954 un ordre militaire leur ordonne de se rendre à Wadi Atir où la tribu construit les deux villages : Umm al-Hiran et Atir. Pour autant, l’État israélien ne reconnaît pas ces deux entités. « Lorsque nous sommes arrivés, il n’y avait rien, se souvient le vieil homme. C’était l’hiver, la neige était tombée, il faisait froid. Il a été vraiment difficile de s’adapter à ce climat. »

Pour le mouvement sioniste, les Bédouins ne sont que des nomades sans attache permanente

La majorité des habitants du Néguev (Nakab en arabe) étaient des Bédouins palestiniens. En 1947-1948, à partir du partage de la Palestine mandataire par l’ONU et jusqu’à la création de l’État d’Israël, la plupart d’entre eux ont été expulsés vers Gaza et vers la Jordanie. Seuls 12 % de la population arabe originelle sont restés, devenant plus tard citoyens israéliens. Avant cette date, l’économie des Bédouins était essentiellement basée sur l’agriculture et l’élevage. Mais le mouvement sioniste, comme il l’avait fait au début du XXe siècle avec l’installation de colonies en Palestine, a propagé l’idée que le Néguev n’était pas habité, les Bédouins n’étant, à leurs yeux, que des nomades sans attache permanente et donc sans titre de propriété. Le fameux slogan « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre », dont on connaît la fausseté. C’est sous ce prétexte que les Bédouins qui sont restés dans le Néguev ont été transportés d’un endroit à un autre, d’abord au nord et au nord-est de Beer Sheva, dans un endroit particulièrement aride et austère nommé Siyag. Mais, même là, les Bédouins ont été considérés comme indésirables. Il fallait qu’ils laissent la place à des familles juives. L’errance devait reprendre. Une fois de plus on leur a assigné des « villes ». Certains ont donc atterri à Wadi Atir.

« Malgré l’ordre militaire (il existe d’ailleurs une lettre qui confirme les dires de ce chef bédouin), nos villages n’ont pas été reconnus », souligne Raed Abou Qi’an. « En conséquence, le village n’a jamais été connecté à l’eau, à l’électricité ou au réservoir d’égouts et on a dénié aux habitants les services de base auxquels ont le droit tous les citoyens », dénonce l’organisation israélienne Adalah, qui se bat pour le droit des minorités arabes. Maryam, responsable du comité des femmes dans le village, revient sur le manque de raccordement à l’eau et l’électricité. « Nous, nous voulons vivre dans la dignité, dit-elle avec détermination. Aujourd’hui encore, nous devons aller chercher de l’eau et remplir des citernes, soit prendre des seaux, comme nos grands-mères. Nous n’avons même pas le droit de creuser un puits. Pour notre hygiène c’est très compliqué. Pour laver nos vêtements aussi. Parce que nous en avons assez, nous avons décidé de tirer un tuyau qui amènerait l’eau directement. Aux yeux des autorités israéliennes, c’est illégal et elles peuvent le détruire ou le couper quand elles le veulent. » Maryam gronde de colère. « En revanche, dans la ferme d’à côté, habitée par des juifs, il y a tout ce qu’il faut. Ils sont pourtant arrivés ici après nous. Il y a même un cimetière pour chiens. »

Colère mais pas abattement pour Maryam et les autres membres de la communauté. Des panneaux solaires ont été installés. Une crèche a été ouverte ainsi qu’une bibliothèque. Et le comité a mis en place des activités de nettoyage des déchets autour du village. « Parce que la dignité passe aussi par le respect de notre environnement », précise la jeune femme.

Dans les décennies précédentes, le gouvernement israélien a également fait intervenir un acteur clé de sa politique de colonisation et de maquillage de l’histoire, le KKL ou Fonds national juif (FNJ). Comme l’écrit l’historien israélien Ilan Pappé dans un ouvrage qui fait date, le Nettoyage ethnique de la Palestine (éditions Fayard), « c’était le service installation du FNJ qui décidait du sort des villages (arabes – NDLR) détruits une fois qu’ils étaient rasés – de ce qui allait les remplacer, implantation juive ou forêt sioniste ». Le FNJ ou le mythe de l’organisation qui allait faire « fleurir le désert » ou dont les activités de boisement sont présentées comme une mission écologique.

La tribu Abou al-Qi’an, elle, a eu affaire au KKL-FNJ dès 1963. Une forêt a vu le jour sur leurs terrains et des familles juives se sont installées, bénéficiant de toutes les infrastructures, comme on peut le voir. Des poteaux partent de ces fermes reliées par des câbles électriques en évitant soigneusement les villages bédouins. « Apparemment, dans la démocratie israélienne, l’État a le droit de déraciner des Arabes de leurs maisons et de planter des arbres à la place », ironise Ali Abou Qi’an.

À El Arakeb, non loin de là, la communauté bédouine connaît un harcèlement similaire. Le village a été détruit 102 fois par les autorités israéliennes. En juillet 2010, le 27, 1 700 policiers accompagnés de chiens et épaulés par des hélicoptères ont rasé complètement le village, ont arraché près de 4 500 arbres dont des oliviers et des figuiers. Ils n’ont pas été perdus pour tout le monde. Le KKL-FNJ les a récupérés. Ce même KKL-FNJ, si cher à Christian Estrosi, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a poussé la provocation jusqu’à ouvrir un « parc des ambassadeurs » sur ces mêmes terres bédouines, en 2006. L’inauguration s’est faite en grande pompe sans qu’aucun ambassadeur ne refuse de venir. Tous sauf un ! L’ambassadeur d’Afrique du Sud, qui sait, lui, ce que signifie une politique d’apartheid. « Chaque arbre planté sur nos terres par le KKL-FNJ, c’est comme si on installait un soldat israélien, dénonce ainsi Sayah Al Touri. De 1998 à 2004, il y a eu épandage de pesticide sur nos terres pour que nous partions. Nous ne partirons jamais. Ces terres nous appartiennent. Nous préférons y mourir que les quitter. »

« C’est une véritable politique d’apartheid, dénonce Salem Abou Mdegen, avocat et membre du secrétariat du mouvement Hadash (Front démocratique pour la paix et l’égalité, dont la principale composante est le Parti communiste israélien). Ce qu’ils veulent, c’est prendre de plus en plus de terres aux Arabes. Ceux qui s’installent sont des colons extrémistes qui portent une kippa tricotée (signe des extrémistes en Israël – NDLR) et sont membres du parti de Naftali Bennett (chef du Foyer juif, opposé à un État palestinien et ministre dans le gouvernement de Netanyahou – NDLR). »

L’État poursuit l’installation de juifs israéliens sur les ruines des villages bédouins

Au début des années 2000, les habitants d’Umm al-Hiran et d’Atir ont retrouvé espoir. Celui-ci n’a pas duré. On leur a dit que leurs villages et 23 autres allaient être reconnus. Fini l’instabilité, l’incertitude. Mais rien n’a été fait et, dès 2011, Netanyahou a abandonné le projet. Aidés par Adalah, ils sont allés en justice. Le 25 mai 2015, la Haute Cour de justice a reconnu que les Bédouins n’étaient pas là illégalement mais a estimé que les autorités avaient tout de même le droit de les déplacer pour la quatrième fois. « Une des décisions les plus racistes rendues par la cour », estime Adalah. Depuis, le combat se poursuit. Israël veut donc à nouveau les expulser et les installer dans ce qui ressemble fort à une réserve indienne. Une ville créée pour confiner l’ensemble des Bédouins. Dans le même temps, l’État poursuit l’installation de juifs israéliens, sur ces mêmes terres, sur les ruines des villages bédouins. C’est ainsi qu’est né « Hiran », à Wadi Atir. Aucun document approuvé en avril 2003 par le Conseil national pour la planification et la construction ne fait référence aux villages bédouins d’Atir et Umm al-Hiran et encore moins à la nécessité de les reconnaître. Au contraire, les documents indiquent que la zone est totalement vide et inhabitée.

Demande d’enquête sur les violences à Umm al-hiran

Lors du violent mouvement de protestation qui a suivi les deux décès à Umm al-Hiran le 18 janvier, le député de la Liste unifiée Ayman Odeh a été blessé à la tête. Il impute cette blessure à une balle non létale, dont l’extrémité était recouverte de mousse, et qui aurait été tirée par la police. Peu après les tirs de la police, les agents ont commencé à frapper les militants et à les insulter, ainsi qu’Odeh. Un policier a utilisé du gaz lacrymogène sur le député, à bout portant, faisant écho aux accusations lancées par Odeh lui-même les jours qui ont suivi l’incident.

Le Comité public contre la torture en Israël et Adalah, une organisation d’assistance juridique arabe, ont annoncé avoir fait appel au département des affaires internes de la police (DIP) pour qu’une enquête soit menée sur les motivations et les moyens mis en œuvre par la police lors de cet incident.

« Les actes décrits (dans la plainte des associations) laissent penser que l’usage de la force et l’utilisation des armes à feu étaient illégaux. Les actions des policiers ont violé la loi israélienne et constituent une atteinte à un droit fondamental : le droit à la dignité humaine et à la liberté », indique la plainte.

source : Pierre Barbancey, l’Humanité, lundi 30 janvier 2017

[**voir aussi sur le site de Palestine13 :*]
* Médiapart : Les Bédouins du Néguev entre intégration et rupture avec les autorités israéliennes
* Compte rendu de la soirée avec Rencontre avec Abu Sager, fermier Bédouin de la vallée du Jourdain
* Vallée du Jourdain : une guerre sans merci contre les Bédouins
* Israël détruit la seule et unique école de la communauté bédouine d’Abu al-Nuwaar