Petites et grandes histoires des drapeaux. Palestine, la bannière d’espoir de tout un peuple

vendredi 7 juillet 2023

S’il puise son origine au début du XX e siècle, le drapeau palestinien est devenu, à partir de 1948 et au fil des décennies de lutte contre la colonisation, le symbole de l’État espéré et le signe de ralliement de la mobilisation internationale.

Triangle rouge, sur bandes noire, blanche et verte : lorsque ces couleurs sont hissées devant le siège des Nations unies à New York, un jour de septembre 2015, un peuple se prend d’espoir. « La Palestine mérite d’être reconnue comme un État à part entière ! » assène alors le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, tandis que l’ONU concrétise par ce geste le statut d’État observateur non membre de l’Organisation. Au même moment, en Cisjordanie, depuis un écran géant installé sur la place Arafat à Ramallah, les Palestiniens suivent la cérémonie et célèbrent la levée, au fronton de l’institution internationale, de leur étendard.

JPEG - 47.2 ko Le 29 mars 2014, près de la frontière israélienne à Jabalia. Des Palestiniens, marchent à travers des rangées de serres lors de la « Journée de la Terre » au cours de laquelle les gens plantent des oliviers. © Mohammed Abed/AFP

Les couleurs de la révolte arabe de 1916 contre l’Empire ottoman

Ses couleurs sont celles du panarabisme, que l’on retrouve sur de nombreux autres drapeaux de la région. Le rouge pour la dynastie hachémite de Mahomet, le noir pour les Abbassides de Bagdad, le blanc pour les Omeyyades de Damas, le vert pour les Fatimides du Caire. Elles sont celles de la révolte arabe de 1916 contre l’Empire ottoman emmenée par le chérif Hussein et Ibn Séoud, tous deux portés par l’engagement britannique d’un royaume indépendant à l’issue de la Première Guerre mondiale. « C’est cette promesse que la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 violera en attribuant l’ensemble de la région aux différentes grandes puissances, essentiellement la Grande-Bretagne et la France, sous réserve, pour ce qui est de la Palestine, de la construction d’un foyer national juif », rappelle le journaliste et historien Dominique Vidal.

Le noir raconte la terreur vécue lors de Nakba

Mais, pour les Palestiniens, c’est en 1948 que commence la véritable histoire de leur drapeau, alors qu’il est adopté par le Haut Comité arabe au moment de la première guerre israélo-arabe. Dès lors, ses couleurs revêtent une tout autre signification : le noir raconte la terreur vécue lors de Nakba (la « catastrophe » en arabe, qui marque l’exil des Palestiniens chassés par l’occupant), le vert, également couleur de l’islam, représente à la fois l’espoir et l’olivier, le blanc la pureté et la paix, et le rouge le sang des combattants, des martyrs. « C’est le symbole de la souveraineté recherchée. Il est lié à la résistance du peuple palestinien, sa lutte, son projet national », résume Taoufiq Tahani, président d’honneur de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité).

Nouvelle consécration : le sommet d’Alger du Conseil national palestinien

Une longue histoire qui sera aussi celle de cet emblème. En 1964, il est à nouveau officiellement adopté par l’Organisation de libération de la Palestine lors de sa création à Jérusalem, avant que Yasser Arafat n’en préside le comité exécutif à partir de 1969. Autre étape clé et nouvelle consécration : le sommet d’Alger du Conseil national palestinien, le 15 novembre 1988, qui déclare l’indépendance tout en reconnaissant pour la première fois officiellement les résolutions internationales de 1947 et 1967. « À partir de 1988 et a fortiori à partir de 1993 et des accords d’Oslo, le drapeau devient celui du projet de l’État palestinien aux côtés de l’État d’Israël, avec Jérusalem-Est pour capital, avec la Cisjordanie et Gaza pour territoire », relate Dominique Vidal.

Brandir le drapeau palestinien en Cisjordanie est une infraction pénale

Des accords et un droit international qu’Israël continue de bafouer, dessinant une société d’apartheid encore aggravée par le plan d’annexion de plus de 30 % de la Cisjordanie fomenté par son premier ministre Benyamin Netanyahou, avec l’appui de Donald Trump. Au cœur de l’affrontement, encore et toujours, le symbole des couleurs. À Bardala, un village de la vallée du Jourdain, c’est d’abord là que la puissance coloniale a décidé de frapper avant même l’entrée en vigueur officielle du plan, le 1 er juillet. « Les forces d’occupations israéliennes ont demandé, le 4 juin, au conseil communal du village de baisser le drapeau palestinien hissé sur le bâtiment du conseil », raconte ainsi Taoufiq Tahani. La négation de la souveraineté, une arme employée de longue date. En vertu de l’ordonnance militaire 101 promulguée par Israël il y a plus de cinquante ans « brandir le drapeau palestinien en Cisjordanie est toujours considéré comme une infraction pénale, à moins qu’un commandant militaire israélien ne l’autorise », rappelle Amnesty International.

Autant d’actes iniques mais qui ne sont pas parvenus à ensevelir la lutte. À chaque manifestation, les Palestiniens continuent inlassablement de s’armer de leur drapeau, devenu, par-delà les frontières, symbole international du combat pour la paix et la justice.

Julia Hamlaoui
Source : l’Humanité