QUITTER PSAGOT

jeudi 18 février 2021

Vu dans l’Humanité du 11/02.

Muriel Steinmetz

Le récit d’un jeune juif orthodoxe qui prend conscience, en Cisjordanie occupée, du sort infligé aux Palestiniens derrière la clôture.

QUITTER PSAGOT

Yonatan Berg, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz

L’Antilope, 256 pages, 22 euros.

Yonatan Berg (39 ans) a grandi dans la colonie de Psagot, près de Ramallah, en Cisjordanie occupée. Il milite aujourd’hui pour la paix avec les Palestiniens. Son récit narre le quotidien d’un jeune juif religieux qui va prendre ses distances avec sa famille et s’élever contre l’expansion israélienne. Né à Jérusalem, il arrive à Psagot à l’âge de 4 ans. Sur des terres confisquées à des Palestiniens par l’armée, Psagot est ­entouré d’une clôture électrifiée. La vie est soumise à la stricte orthodoxie des ­nationaux-religieux. Étroitesse d’esprit. Rapport au corps prohibé, sublimation, ­refoulement. Jeunesse survoltée, insatisfaite. Population de classe moyenne : petits patrons, rabbins, éducateurs, professeurs, employés de banque, juristes, quelques universitaires et des « ­laissés-pour-compte », souvent des ­immigrants d’Union soviétique.

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« Un lieu exclu du circuit »

Dehors, tout n’est que menace et piège. Pour se rendre à l’école, Yonatan Berg traverse Ramallah derrière les vitres blindées d’un bus. L’ Aure se profile par le biais de cerfs-volants palestiniens prisonniers des grilles. Les soirs de mariage en contrebas, la musique de l’oud le bouleverse. Malgré tout, colons et Palestiniens se sont côtoyés. Ainsi, Yonatan se souvient-il d’avoir vu, dans son enfance, « ces ouvriers palestiniens qui se reposaient »,maçons en quête d’emploi chargés de construire les colonies… « J’avais envie de m’asseoir à côté d’eux, d’arracher des morceaux de pain avec eux, de boire leur café turc dans les tasses minuscules qu’ils utilisaient. Je ne l’ai pas fait. » Le livre gagne en épaisseur à mesure que l’auteur s’interroge. La perspective d’une petite vie bourgeoise, avec des règles strictes, dans une zone grise, « où sa présence géographique n’a aucune légalité », le révulse. Les terres des Palestiniens ne sont considérées que comme « un lieu exclu du circuit », seulement là pour « déranger l’avancement dans un espace vide, juif et propre ». À la fin, après qu’il a effectué son service militaire, ce qui a fait l’effet d’une bombe, il écrit : « La lecture de Mahmoud Darwich a déclenché chez moi un processus de profonde identification. »Aujourd’hui, poète, romancier et biblio-thérapeute, il vit à ­Jérusalem. À l’adresse de son frère aîné qui a créé un vignoble près de la colonie, il a noté : « À mon frère – avec qui j’ai partagé la même vue mais pas le même point de vue. »