Ce qui pousse les cinéastes palestiniens à quitter Israël

dimanche 9 mai 2021

Nirit Anderman / Haaretz

Les financements sont difficiles, les tribunaux s’en mêlent, l’État censure, les coproductions ont disparu et le monde arabe réagit avec méfiance. La réalité impossible à laquelle sont confrontés les réalisateurs palestiniens acclamés en Israël les oblige à partir.

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Il y a trois mois, un tribunal de district israélien a décidé que le film documentaire controversé "Jenin, Jenin" ne pourrait plus jamais être diffusé dans le pays. Le juge a ordonné la confiscation de toutes les copies du film qui, selon lui, insinue que des soldats israéliens auraient commis des crimes de guerre à Jénine pendant l’opération "Bouclier défensif", et a condamné le réalisateur, Mohammed Bakri, à verser 175 000 shekels (44 600 euros) de dommages et intérêts à un soldat réserviste apparaissant dans le film et qui avait intenté un procès. En substance, le tribunal a déclaré que la narration du réalisateur palestino-israélien était fausse et que les Israéliens ne pouvait y entendre une autre version des faits.

Pour les cinéastes palestiniens, il s’agissait d’une nouvelle menace implicite de l’establishment israélien : adaptez-vous au récit que ce pays veut faire entendre, ou vos films seront interdits et vous serez condamnés à une amende.

Pour la plupart d’entre eux, cette décision n’a pas été une surprise. C’était peut-être la première fois qu’Israël interdisait un film racontant une histoire palestinienne, mais les obstacles auxquels sont confrontés les réalisateurs arabes en Israël ne cessent de s’élever. Lorsque l’establishment israélien censure, que la réalité politique dresse des obstacles et que le monde arabe érige ses propres empêchements, il n’est pas étonnant que de plus en plus de cinéastes reconnus fassent leurs valises et aillent réaliser leurs films ailleurs.

C’est un "transfert" volontaire, explique la scénariste et réalisatrice Suha Arraf. "Regardez autour de vous, il n’y a presque plus personne. Parmi les artistes [palestiniens] les plus anciens, il ne reste que moi et deux autres personnes ici. Tous les autres ont fui. Même ceux d’entre nous qui ont une carte d’identité israélienne ne s’adressent généralement plus aux fondations israéliennes pour obtenir des fonds, car la situation est impossible. Je ne peux pas monter sur les scènes du monde entier et représenter un pays qui ne me représente pas."

Elle parle en connaissance de cause. En 2014, l’enfer s’est déchaîné lorsqu’elle a présenté son film "Villa Touma" comme un film palestinien alors qu’il avait été produit avec des fonds israéliens (la Fondation du film israélien, Mifal Hapayis et le ministère de l’Économie l’ont soutenu). Les politiques ont exigé qu’elle rende l’argent. Le ministère de la culture a infligé une amende à la Fondation du film israélien. Depuis, les fondations sont tenues d’insérer dans leurs contrats une clause obligeant les cinéastes à présenter leurs films comme israéliens. La Fondation Yehoshua Rabinovich pour les arts exige des artistes recevant un financement qu’ils signent un "engagement de loyauté" selon lequel leurs films ne dénigreront pas Israël.

Définir un "film palestinien" ?

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