Joconde palestinienne à Marseille du 07/04 au 10/05

vendredi 22 avril 2022 : 00h00

Pascale Pilloni a peint une Joconde palestinienne : MONA GAZA.
Elle sera exposée Hôtel le Ryad, 16 rue Sénac Marseille 1er, du 7 avril au 10 mai.

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Mona Gaza de Pascale Pilloni
2022, acrylique sur carton de bois de peuplier, 30x40cm.

Mona Lisa a eu le temps, cinq siècles durant, d’en voir de toutes les couleurs. C’est le prix à payer quand on est sacré chef-d’œuvre indépassable et qui plus est universel. La Joconde est Fille de Léonard comme Jésus est Fils de Dieu. La fameuse grotte de la Nativité est ainsi transmutée depuis la Palestine (Bethléem) jusqu’en Occident, berceau de la Re-naissance. Rien que cela. Les nouveaux apôtres sont bien entendu les historiens de l’art.
La muse Mona Lisa est donc à son insu victime de son image. Comment faire pour sortir du cadre, malgré tout ?
En 1928, le poète turc Nazim Hikmet, certainement inspiré par sa propre condition de prisonnier politique, imagine poétiquement l’évasion de la Joconde du Louvre pour s’en aller rejoindre le peuple indochinois en lutte contre les impérialistes occidentaux : « La Joconde et Si-Ya-Ou ». Son amoureux révolutionnaire lui déclara ceci en chinois : Ceux qui, sous les quarante chenilles de leurs tanks / écrasent nos rizières / ceux qui se promènent dans nos villes / tels empereurs d’enfer / sont-
ils de la même espèce qui t’a CRÉÉE, TOI ?

Héroïne révolutionnaire dont le destin ne pouvait être que tragique, elle sera arrêtée, jugée par des critiques d’art et brûlée sur la place publique.
Si cette histoire prête à sourire, le sourire étant contagieux, il ne sera pas surprenant de le retrouver accroché aux lèvres d’une Palestinienne de Gaza, elle-même prisonnière d’un cadre imposé par un État colonisateur, mais qui ne semble pas être sujette à l’admiration contemplative des adorateurs patentés de la beauté. Les Palestiniennes ayant mauvaise presse, elles n’amusent guère la galerie.
Pascale Pilloni ose un jeu de mots qui nous permet d’emblée de situer son sujet : Mona Gaza. En cela, elle applique une déclaration capitale de Leonardo Da Vinci : Les hommes et les mots sont des faits. D’un point de vue pictural, elle aurait pu glisser dans sa composition quelques signes de reconnaissance tels qu’ils sont utilisés dans des affiches de propagande pour que d’un seul coup d’œil chacun puisse situer l’action. L’artiste a heureusement évité cet écueil. Elle a préféré se laisser envahir par l’atmosphère des peintures d’une jeune artiste gazaouie, Dina Mater, dont un des sujets de prédilection est de nous faire ressentir la vie douloureuse des femmes de sa ville. Les couleurs vives de ses compositions contrastent avec la grisaille de la situation.
Dans le tableau de Pascale Pilloni, ce dialogue visuel des contradictions est tout inscrit dans le sourire énigmatique de Mona Gaza, à l’orée de la tristesse et de l’espoir.
Marc Mercier (Collectif 8 + 1)