un député sud africain, membre de BDS Afrique du Sud à Marseille

dimanche 2 avril 2017

Compte - rendu de la rencontre avec TISETSO MAGAMA, membre du bureau BDS d’Afrique du Sud, qui est intervenu sur le thème :
100 ans de colonisation, 100 ans de lutte populaire pour la justice

Au préalable, un responsable de L’Equitable Café, café associatif animé par 40 bénévoles et 4 salariés, invite les présent-e-s à adhérer à l’association, avec une participation à prix libre...
BDS Marseille, rappelle que Israël a déclaré la campagne BDS "criminelle" et que l’ambassadrice d’Israël en France a osé demander l’interdiction en France de la semaine internationale de lutte contre l’apartheid ! Une campagne pacifique qui a été lancée en 2005 par la société civile palestinienne et se déploie dans le monde.
BDS Marseille, rappelle que la 1ère semaine anti-apartheid a eu lieu au campus universitaire de Toronto (Canada), avant de se développer hors campus. Elle a deux objectifs : développer la prise de conscience du colonialisme en Palestine, obliger Israël à rendre des comptes sur ses agissements.
La traduction des propos de Tisetso Magama se fait en alternance par 2 membres de BDS.

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Tisetso Magama, avec le secrétaire général de l’UDCGT13, le responsable dela commission internationale, un représentant de Rouge-vif et une militante de BDS

Tisetso Magama s’excuse de ne pas parler français et de s’exprimer en anglais, la langue du colonisateur de l’Afrique du Sud ! Il pense que le langage de la solidarité peut de toute façon être compris par tout le monde. Il remercie l’équipe BDS de Marseille, le syndicat CGT (qui a fait l’invitation pour l’obtention de son visa), l’UJFP et les autres associations qui lui ont permis de venir s’exprimer à Marseille.

1) l’évolution de la situation coloniale

Israël, c’est 100 ans de colonialisme, depuis la déclaration Balfour de 1917, liée aux accords Sikes-Picot de partage de l’Empire ottoman entre l’Angleterre et la France. Il rappelle la célèbre déclaration de MADIBA (NDLR : Tisetso Magama a été coordinateur de la campagne "Libérez Mandela" de 1988-1989) : " Notre liberté restera incomplète, tant que les Palestiniens ne seront pas libérés".
Il cite aussi José Marti ("chaque être humain véritable doit ressentir le coup porté sur la joue de l’autre"), un des pionniers de la lutte pour l’indépendance de Cuba, dans la seconde moitié du 19ème siècle, ainsi que l’ inoubliable solidarité tricontinentale de Che Guevara.

"Je suis moi-même le produit de la solidarité internationale. Vous n’étiez pas obligés de ressentir la souffrance d’un peuple si lointain de vous géographiquement. Je suis le produit de la lutte contre le colonialisme et l’apartheid", assure-t-il. Le gouvernement français n’a pas soutenu cette lutte, contrairement aux gouvernements des pays scandinaves et surtout de l’URSS -un soutien essentiel- et de Cuba. "N’oubliez pas que le camarade Mandela a été initialement marqué du qualificatif ’ terroriste,’ avant d’être, après 1994, reconnu internationalement comme un héros !".

Pour lui, la Palestine est "ce qu’il y a de plus important aujourd’hui sur le plan international". D’une certaine façon, la Nakba (= la catastrophe, en arabe), la période la plus douloureuse pour les Palestiniens - 531 villages détruits par la Haganah et l’Irgoun- est "derrière nous". La situation actuelle se présente plutôt comme "une pelote de spaghettis" : emprisonnements d’ enfants, assassinats ciblés, punitions collectives, terreurs d’ Etat et des colons, accaparement insidieux des terres...Tous ces crimes étant toujours commis au nom de "la sécurité d’Israël", une honte pour la communauté internationale et son système actuel d’organisation, en état d’impotence avancée face aux violations des lois internationales.

2) Le crime d’apartheid en Israël et dans les territoires occupés
L’apartheid est toujours référencé à ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Malgré des similitudes et des différences, le plus important est de considérer avant tout la loi internationale. "L’apartheid est aujourd’hui en Israël pire que ce qu’il a été en Afrique du sud", affirme Tisetso Magama, en se référant à l’article 2 de la convention de l’ONU, adoptée en 1973, qui définit "le crime d’apartheid" : "des actes inhumains, perpétrés dans le but de maintenir la domination d’un groupe racial sur les membres d’un autre groupe racial et de les opprimer systématiquement".

Il se réfère aussi aux rapports du juge sud-africain Goldstone, d’ Amnesty International, et à "une multitude de scientifiques" confirmant tous qu’Israël pratique le crime d’apartheid, alors que ce dernier réfute ces accusations qu’il qualifie d’"antisémites".
Plusieurs incriminations, sur la base du crime d’apartheid, sont juridiquement fondées. Dans cet Etat auto-proclamé si souvent "démocratique" (!), tout le monde bénéficie de "la citoyenneté", mais "la nationalité" est réservée aux seuls Juifs. Les Palestiniens (1,7 million en Israël même) se voient appliquer les lois d’urbanisme différemment, attribuer des services sociaux de moindre qualité, des limitations budgétaires...

Les Palestiniens de Jérusalem (300 000 environ) sont placés eux sous "le statut de résident permanent" et sont discriminés pour l’éducation, la santé, la qualité des services sociaux et urbains...quand leurs maisons ne sont pas détruites, de manière tout à fait arbitraire !
Près de 4,6 millions de Palestiniens ( = population des territoires occupés) sont sous la coupe de lois et de de tribunaux militaires, alors que les colons, en cas de crime, passent simplement devant des tribunaux civils. Un colon n’a aucune dificulté pour se défendre , alors que l’avocat d’un Palestinien a toutes les difficultés pour obtenir le permis d’aller défendre son client.
Au total, " nous sommes bien face à un système légal et judiciaire binaire".

La plupart des Palestiniens exilés et dispersés de par le monde (principalement dans les pays autour d’Israël) possèdent encore leurs titres de propriété. Israël s’oppose explicitement à leur retour, sur la base d’arguments racistes, au nom du risque d’altération de "la nature juive de l’Etat d’Israël" . N’oublions pas non plus d’autres groupes discriminés : les Bédouins, les Druzes, les Ethiopiens...En fait, toute personne représentant "une menace démographique". Tisetso Magama évoque l’exemple de femmes éthiopiennes ayant reçu, à leur insu, des injections de Depo-Provera, contraceptif de longue durée ...

3) La situation actuelle
Oslo a été un échec. Il y a bien eu un soi-disant " processus de paix", mais jamais la paix ! La construction de colonies n’a fait qu’augmenter pour empêcher l’instauration d’un Etat palestinien. Netanyahou, lors de sa dernière campagne électorale, a promis qu’il n’y aurait pas d’Etat palestinien tant qu’il serait Premier ministre !

Dans les territoires occupés, les Palestiniens sont appelés à une sorte d’autogestion, sans création d’un Etat. "Cela ressemble aux bantoustans", ironise Tisetso Magama.
La communauté internationale reste paralysée. Pourquoi Israël est-il toujours membre de l’ONU, alors qu’ il ne respecte pas les conditions imposées lors de son admission à celle-ci, le 11 mai 1949 (accepter un statut international pour Jérusalem et sa région, le droit au retour des réfugiés qui le désirent, régler le problème des frontières...) ? Et, hier, Mme Khalaf, haute responsable à l’ONU, a choisi de démissionner, car Trump a usé de tout le poids des USA pour faire retirer le rapport de celle-ci, qui dénonçait, pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, le régime d’apartheid auquel sont soumis les Palestiniens. Le juge Goldstone est aujourd’hui marginalisé dans la communauté juive d’Afrique du Sud, jusque dans sa propre famille où il lui a été interdit d’assister à la bar-mitsvah de son petit-fils !

4) Le BDS, outil de résistance
"Il ne faut pas perdre espoir ! Prenez l’exemple de la fin de l’apartheid en Afrique du sud", assure Tisetso Magama. Le BDS a pour objectif fondamental de pousser Israël à respecter la loi internationale.
-Le boycott (B) vise les produits et les institutions culturelles et universitaires (pas les individus). "Consultez le très bon site "Who profits ?"
- Le désinvestissement (D) implique par exemple d’arriver à savoir où sont placés tels ou tels fonds de retraites ou tels autres capitaux.
— Les sanctions (S) exigent de se concentrer sur des cibles spécifiques.
Israël est très inquiet par le développement de BDS et a mis au point la stratégie dite de la hasbara, un mot hébreu qui signifie "explication" et que "nous traduisons par propagande".

Compte tenu de leur histoire et de leur culpabilité dans l’extermination de millions de Juifs en Europe, les Européens sont très sensibles à la critique de l’antisémitisme, et infiniment moins à celles de l’esclavagisme ou du colonialisme qu’ils ont pratiqués.
L’Etat d’Israël prétend parler au nom de tous les Juifs du monde, ce qui est irrecevable. Lors du dernier bombardement massif sur Gaza, le seul point soulevé par la plupart des dirigeants européens était que "Israël a le droit d’assurer sa sécurité", sans vouloir voir, par exemple, ces enfants, jouant au ballon, abattus par un missile israélien, sur une plage de Gaza...

" Mesdames, Messieurs, Camarades du BDS, ne vous laissez pas impressionner par les accusations d’antisémitisme. Cette carte a été maintenant trop jouée dans le monde. Mais n’oubliez pas de condamner l’antisémitisme, chaque fois qu’il se manifeste".
En conclusion, il faut multiplier les efforts, faire pression sur les gouvernements, les élus à tous les niveaux. "S’ ils ne sont pas convaincus, changez d’élus !"
, préconise Tisetso Magama.

"Le plus important est de rendre très onéreuse pour Israël sa politique de colonisation et d’occupation. Relevons les manches ! Et visons à amplifier les voix des marginalisés, qui se battent pour améliorer leur vie et celle de leurs enfants" .

Questions-réponses
Tisetso est amené à préciser que :
- Les Palestiniens de Jérusalemen ne disposent d’un droit de vote que pour les élections locales.
- Le colonialisme a l’art de s’approprier les mots. Ainsi, les sionistes ont tendance à s’attribuer exclusivement le mot de sémites, oubliant que les Arabes aussi sont des sémites !
- Obama est arrivé à la présidence des Etats-Unis avec beaucoup de bonne volonté. Rappelons-nous son discours du Caire, au début de son mandat, et son opposition à la colonisation, avec un retour aux frontières de 1967. Mais il a sous-estimé le poids de l’establishment qui a fait de son mieux pour entraver ses projets. Sa première erreur aura été de nommer Mme Clinton, comme secrétaire d’Etat.
- Des liens très forts ont existé entre l’ANC et l’OLP...de sorte qu’aujourd’hui il y a environ 600 organisations qui luttent pour le BDS en Afrique du Sud ( voir le site BDS South Africa). Récemment, des dockers ont refusé, pendant deux semaines, de débarquer des produits boycottables. Il a fallu faire appel à d’autres travailleurs, ce qui se traduit par un coût bien plus élevé pour le commanditaire... Des milliers de personnes se sont mobilisées pour le boycott de Woolworth, notamment par l’achat individuel d’actions de cette société, cotée en bourse, afin de poser la question du boycott, en Assemblée générale. 41 % de Woolworth appartenant à l’Etat sud-africain, le ministre du Trésor a reçu la visite de militants BDS auxquels il a promis le désinvestissement de l’Etat. "La victoire n’est jamais massive, elle s’obtient peu à peu".

De nombreux applaudissements saluent Tisetso Magama... et la présence à la réunion de Mohammad Al-Qadi, coureur palestinien, devant participer demain au semi-marathon de Marseille.

Compte-rendu de Nicole, BDS MARSEILLE

Une interview flash de Tisetso Magama est à écouter


Dans le cadre de la Semaine Internationale contre l’Apartheid israélien
[*le 18 mars 2017 à 17h *]
à l’EQUITABLE CAFE 54 Cours Julien 13006 Marseille

Accueil de monsieur Tisetso Magama, Membre du parlement et président du comité Sud Africain aux "Relations internationales et coopération". Il a été coordinateur de la campagne "Libérez Mandela" entre 1988 et 1989 et est un membre actif du bureau BDS d’Afrique du Sud.

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cette conférence est proposée par BDS France Marseille avec le soutien de Femmes en Noir, Palestine 13, Rouge-Vif, Solidaires, UJFP

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