un nouvel entretien avec Noureddine Ould Ali, sélectionneur de la Palestine

dimanche 15 septembre 2019

Walfoot s’est entretenu avec un homme au job très particulier : Noureddine Ould Ali, sélectionneur de la Palestine. Il nous a brièvement expliqué à quel point son travail était par moments compliqué ...

Noureddine Ould Ali est sélectionneur de la Palestine depuis 2018, après en avoir été adjoint depuis 2014. Alors que son équipe devait participer à un stage à La Louvière, remis à octobre (il nous en a parlé par ici), il affronte ce jeudi soir l’Ouzbékistan en match de qualifications pour le Mondial 2022.

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Noureddine, cela fait quelques années que vous travaillez en Palestine, d’abord en tant qu’adjoint, puis en tant que sélectionneur. On imagine que c’est un travail à part.
C’est bien simple : ici, j’ai dû apprendre un nouveau mode de management - anticiper sur l’imprévu. Il y a des imprévus au quotidien dans notre travail, la Palestine doit gérer des choses qu’aucune autre sélection au monde ne doit vivre. Je crois qu’on peut qualifier notre management d’exceptionnel.

Un simple exemple : pour ce premier match de qualification face à l’Ouzbékistan, un de mes joueurs ne peut pas rentrer en Palestine. Il s’agit d’un cadre, un joueur clef, un avant-centre qui peut faire beaucoup de bien à mon équipe. Je serai privé de ce joueur talentueux. Nous avons souvent à gérer ce genre de situation : un joueur peut être interdit de rentrer en Palestine ou, lorsque nous nous déplaçons, de sortir de Palestine.

Votre sélection compte-t-elle en priorité sur les joueurs locaux ou étrangers ?
Je ne calcule pas du tout. Mon seul souci est de sélectionner les joueurs talentueux qui ont l’envie de contribuer au développement de notre équipe, qu’ils viennent de la diaspora, de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza, des territoires intérieurs ... Ils sont tous bienvenus. J’ai de toute façon un noyau de 35 à 40 joueurs prêt et j’appelle les 23 meilleurs à un moment donné.

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La Palestine compte énormément de descendants d’émigrés à l’étranger ; est-ce compliqué de suivre tout cela pour votre staff ?
Lors des qualifications pour la Coupe d’Asie, j’avais quatre joueurs d’Amérique du Sud, d’origine palestinienne - du Chili et d’Argentine. Un autre venait de MLS, aux USA, un autre de Suède ; aujourd’hui, nous avons un joueur formé à l’Athletic Bilbao. Mais je ne calcule pas. Plusieurs joueurs locaux ont également été appelés pour la première fois récemment. Tout se fait au mérite. Il y a des critères bien définis ; si les joueurs répondant à ces critères évoluent en Palestine, tant mieux, mais l’essentiel est qu’ils soient fiers de défendre les couleurs du drapeau.

Le football palestinien n’est vraiment professionnel que depuis environ une dizaine d’années.
On peut être professionnel de diverses façons ... Il y a le canevas de la FIFA, avec un certain nombre de rencontres par saison, en respectant la structure professionnelle officielle ... Mais si tout cela est mis en place, cela signifie-t-il qu’on agit en pro ? Je dirais qu’à ce niveau, la Palestine est en progression, en apprentissage.

D’autant que l’accès aux infrastructures, en Palestine, ne doit pas être facile.
Tout est lié aux problèmes politiques. Il faut disposer d’autorisations pour construire n’importe quelle infrastructure et tout est soumis au bon vouloir de l’occupant.
La FIFA a reconnu la Palestine en 1998. Vous considériez Sepp Blatter comme un grand ami de la Palestine ; qu’en est-il aujourd’hui sous Gianni Infantino ?

J’ai vécu la fin de la période Blatter, mais ce que je peux dire, c’est qu’il a fait beaucoup pour le football palestinien ; il nous a beaucoup aidés. Actuellement, je peux difficilement vous dire ce qu’il en est, il faudrait poser la question à mes dirigeants pour mieux vous en parler ...

Évoquons désormais les ambitions sportives : la Palestine affronte ce soir l’Ouzbékistan. Quelles sont vos objectifs ?
Vous savez, le football asiatique est divisé, je dirais, en trois parties : la première, ce sont les pays qui ont les meilleures équipes, qui sont habitués à participer aux grandes compétitions. C’est le Japon, la Corée du Sud, l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Irak, un peu moins le reste. La seconde catégorie, ce sont les pays qui essaient de briller par moments et notre adversaire de ce soir, l’Ouzbékistan, en fait partie. Et derrière, il y a les équipes clairement perfectibles, comme la Palestine.

Nous allons devoir être exceptionnels dans ces qualifications

C’est un groupe difficile (la Palestine affronte l’Arabie Saoudite, l’Ouzbékistan, le Yémen et Singapour). Nous allons devoir être exceptionnels, parce que notre sélection, de toute façon, est "exceptionnelle" dans sa façon d’être et de fonctionner. Il faut surprendre l’adversaire par notre discipline mais aussi notre talent, car sans talent, en football, on est peu de choses.

La Syrie a frôlé la qualification pour le Mondial 2018 (éliminée en barrages par l’Australie). Est-ce que cela vous sert d’exemple ?
La Syrie a une véritable avance sur nous, même si c’est un pays en guerre. Ils avaient à l’époque les deux meilleurs buteurs de la zone Asie, des joueurs très talentueux, et plus de facilités que nous. Le réservoir démographique est différent également. Cependant, en termes de challenge, de travail, on va dire qu’on est dans cette même lignée.

Cela fait 4-5 ans qu’on travaille avec les mêmes joueurs ; notre effectif est à 70% stable, on le renforce selon les besoins tactiques et les possibilités. Mais les premiers défis de la Palestine ne sont pas sur le terrain : ce sont les facteurs extérieurs, qui nous empêchent d’avancer et qu’on doit résoudre au cas par cas ...

Source : Walfoot

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