Comment Benyamin Nétanyahou a fabriqué la « guerre contre le terrorisme »

mercredi 3 novembre 2021

Si les néoconservateurs américains ont été à l’origine de « la guerre contre le terrorisme » déclenchée par les États-Unis en 2001, un homme a joué un rôle central pour en imposer le concept dès les années 1980 : Benyamin Nétanyahou, qui devait devenir premier ministre d’Israël. Extraits du chapitre 2, intitulé « Terrorisme des uns, terrorisme des autres », de l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu Main Basse sur Israël. Nétanyahou et la fin du rêve sioniste, La Découverte, 2019.

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Le dévoilement de plaque à la mémoire des victimes d’attentats participe à la fois de l’hommage collectif et du travail de deuil. Il est en revanche bien plus rare qu’une plaque soit dévoilée pour honorer les auteurs d’un attentat. C’est pourtant à cet exercice troublant que Benyamin Nétanyahou apporte sa caution d’ancien premier ministre, le 22 juillet 2006. Il célèbre les vertus morales des terroristes de l’Irgoun, à l’occasion du soixantième anniversaire de l’attentat contre l’hôtel King David de Jérusalem.

Éliminés du simple fait qu’ils étaient arabes

Le bain de sang du King David pose d’évidentes questions morales que, six décennies après les faits, Nétanyahou évacue en distinguant les « terroristes » des cibles civiles et les « combattants de la liberté » des objectifs militaires : « Il est essentiel de ne pas confondre les groupes terroristes et les combattants de la liberté, l’action terroriste et l’action militaire légitime », déclare-t-il ce jour-là. Nétanyahou, comme souvent dans son recyclage des clichés révisionnistes [le révisionnisme constitue historiquement le courant ultranationaliste du sionisme], a emprunté la distinction entre « terroristes » et « combattants de la liberté » à son propre père, Benzion, qui s’exprimait ainsi en 1984 : « À la différence du terroriste, aucun combattant de la liberté n’a jamais délibérément attaqué des innocents ». Pourtant, l’Irgoun a éliminé dès 1937 des civils arabes au simple fait qu’ils étaient arabes. Et l’exécutif sioniste n’avait pas craint alors de dénoncer le « terrorisme » des extrémistes juifs.

Peu importe à Benzion Nétanyahou, qui accuse l’OLP d’être « au cœur de la terreur mondiale » Sa vision, marquée par la « guerre froide » alors en cours, prend des proportions dantesques. « Le terrorisme est la première attaque générale contre une société libre que les ennemis de la liberté planifient de mener. Quand ils atteignent leur but, soit la chute de ce pays aux mains de ses assaillants terroristes, un tel pays devient un satellite de la Russie soviétique et une nouvelle base de son expansion politique. » Sans mentionner un seul précédent d’un scénario aussi catastrophique, Nétanyahou père martèle :« Le terroriste représente une nouvelle race d’homme qui ramènera l’humanité aux temps préhistoriques, aux temps où la moralité n’était même pas née. » La distinction « morale » d’avec le « combattant de la liberté » s’aggrave donc du portrait du « terroriste », non seulement en barbare, mais en Néanderthalien de ce temps. L’effondrement de l’URSS n’empêche pas les Nétanyahou père et fils de continuer d’invoquer sur tous les tons la menace terroriste. Il est vrai que l’un et l’autre se posent en gardiens de la mémoire d’une icône de la lutte antiterroriste, Jonathan Nétanyahou, tombé en 1976 dans le lointain Ouganda, en libérant des otages détenus par des pirates de l’air.

L’universitaire britannique Neill Lochery, dans sa biographie de « Bibi » (surnom de Benyamin Nétanyahou), conclut à l’existence de « deux très différents Benyamin Nétanyahou, celui d’avant la mort de son frère et celui d’après ». Âgé de 26 ans lors de cette disparition, il se sent désormais investi de la mission de poursuivre le combat de son aîné contre le « terrorisme » sous toutes ses formes. Il donne le prénom du défunt à un Jonathan Institute, établi à Jérusalem, avec une structure de soutien à New York. Nétanyahou prend la direction de cet institut et en organise la conférence inaugurale sur le « terrorisme international » à l’hôtel Hilton de Jérusalem, en juillet 1979.

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