Du judaïsme au fascisme, ou comment trahir ses racines

jeudi 19 août 2021

"Les rues qui séparent les deux Jérusalem, juive et arabe, se sont réveillées hier dans la puanteur. Non pas la puanteur du fumier lâché par les chevaux de la police ou le liquide puant qui, quelques heures plus tôt, avait été tiré en abondance par les canons à eau des escouades anti-émeutes. Plutôt la puanteur du racisme que des centaines de kahanistes et de militants du groupe d’extrême droite israélien Lehava ont répandu dans la nuit de jeudi à vendredi entre la place de Sion et la porte de Damas, en scandant sans discontinuer ’Mavet la Arabim’, ’Mort aux Arabes’ » https://Acta.zone JPEG - 68.1 ko Photo : réseaux sociaux

Par Eleanor Goldfield

Pour les sionistes, la volonté de gravir les échelons sanglants de l’impérialisme, de ne plus être au bas de l’échelle, a occulté non seulement leur humanité mais aussi leurs propres racines, écrit Eleanor Goldfield.

À la fin du mois de juin de cette année, New Scientist a rapporté sans ambages que les Forces de défense israéliennes (FDI) avaient “utilisé un essaim de petits drones pour localiser, identifier et attaquer des militants du Hamas”, le premier cas documenté d’un essaim de drones utilisé dans un soi-disant combat.

Dans son livre “Exterminez toutes ces brutes“, Sven Lindqvist replace les atrocités d’Adolf Hitler dans le contexte de la violence impérialiste du XIXe siècle.

Dans un des chapitres, il explique comment les progrès de l’artillerie européenne ont permis aux colonisateurs de s’éloigner émotionnellement et physiquement des Africains indigènes qu’ils massacraient. Les Européens étaient un “adversaire invisible et inaccessible”, capable d’être “victorieux sans même être présent”.

On ne peut pas vraiment parler de combat, et même Winston Churchill y faisait référence en disant que ce n’était “qu’un élément sportif dans un jeu splendide”. Le combat était une activité réservée aux gentlemen et, dans l’esprit impérialiste, les Africains étaient des sauvages, à peine humains.

Il existe un fil conducteur qui relie ce type de “sport” aux atrocités commises en Afrique, à l’Holocauste et maintenant, de façon si sombrement ironique, à l’État d’Israël.

Ton “Lebensraum” et le mien

Dans les années 1890, un zoologiste allemand nommé Friedrich Ratzel a inventé le terme “Lebensraum”, qui se traduit littéralement par “espace vital”. Ceux qui ont étudié l’Holocauste connaissent peut-être ce terme, qui est la raison pour laquelle le Troisième Reich a envahi l’Europe centrale et orientale.

Eh bien, c’est ici [US] qu’ils en ont eu l’idée. En plus de la ruée européenne vers l’Afrique, Ratzel a été inspiré par ses voyages en Amérique du Nord, où il a vu comment les colonisateurs blancs s’emparaient des terres par la force. Voyant cela comme une transgression positive et même nécessaire, Ratzel a façonné une idéologie darwinienne brutale : pour acquérir suffisamment de Lebensraum, les races inférieures doivent être déplacées, ce qui signifie d’ailleurs souvent qu’elles mourront et quitteront complètement l’espace. Cela vous semble familier, n’est-ce pas ?

Le concept entier du sionisme est que les juifs ont besoin d’un Lebensraum spécifique et exclusif. Par conséquent, les autres doivent être déplacés.

Ce déplacement, loin d’être un effort négatif ou même cruel, ne fait que prouver la suprématie de celui qui déplace, prouvant ainsi la nécessité d’exterminer les déplacés. Comme l’écrit Lindqvist, “durant l’enfance d’Hitler, un élément majeur de la vision européenne de l’humanité était la conviction que les ‘races inférieures’ étaient par nature condamnées à l’extinction ; la véritable compassion des races supérieures consistait à les aider en chemin.”

Pendant l’Holocauste, les juifs étaient une “race inférieure”. Aujourd’hui, en Israël, les Palestiniens sont une “race inférieure”.

Comme me l’a dit la journaliste et rédactrice en chef adjointe de The Electronic Intifada, Nora Barrows-Friedman, lorsque je lui ai demandé comment les sionistes répondent aux enseignements juifs de solidarité avec les opprimés : “lorsque vous parlez aux sionistes des enseignements juifs et de leur rapport avec les Palestiniens, ils répondent : ‘Nous ne les opprimons pas, ils ne sont même pas des être humains’ “, une phrase qui aurait pu facilement être tirée d’Hitler lui-même.

Et alors qu’Adolf n’était encore qu’un adolescent en Autriche, ce même paradigme du sous-homme alimentait les récits de célébration de la barbarie européenne en Afrique, ainsi que le génocide américain et canadien des peuples indigènes en Amérique du Nord.

Il est important de replacer les atrocités commises par Israël dans un contexte historique, car nous ne pouvons savoir où nous sommes qu’en comprenant où nous sommes allés. Hitler n’a pas existé dans un vide idéologique. Il a simplement regardé le monde dans lequel il est né et a puisé dans des idéologies déjà existantes, des tactiques effectives et éprouvées.

Il a été inspiré par des gens comme le lèche-bottes impérialiste Ratzel, qui a été inspiré par les États-Unis. Hitler aussi était un grand fan de la politique intérieure américaine, notamment des lois Jim Crow qu’il a simplement reconditionnées avec des étoiles de David en tissu jaune.

Même le camp de concentration est antérieur à l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Le concept a été utilisé à l’origine par les Espagnols à Cuba, puis s’est déplacé vers le nord, aux États-Unis, puis en Angleterre pendant la guerre des Boers, et enfin en Allemagne. Et aujourd’hui, les États-Unis perpétuent cette tradition par le biais des “centres de détention” pour les migrants, dont la réputation n’est plus à faire.

Les sionistes étaient également inspirés par leur environnement sociopolitique et, comme le note Barrows-Friedman, “étaient explicites quant à leurs objectifs colonialistes”.

“Dans les documents originaux que les sionistes ont rédigés, ils disent spécifiquement ‘c’est un projet colonial’ “, explique-t-elle. “Tout le monde faisait le pari du colonialisme, et ils [les sionistes] voulaient leur part du gâteau.” Il ne s’agissait pas de “rentrer chez soi”. Oui, certains juifs ont toujours vécu dans la région connue aujourd’hui sous le nom d’Israël, et beaucoup y vivaient en paix en tant que Palestiniens jusqu’en 1948. Les juifs ont également vécu presque partout ailleurs.

Nous ne sommes pas un peuple sans foyer ; nous sommes un peuple avec de nombreux foyers.

Sionisme et suprématisme

En effet, ce concept de solidarité sans frontières a inspiré de nombreux juifs à s’engager dans les mouvements de libération et de justice. Et si le sionisme est présenté comme le besoin d’un espace sûr pour les juifs, il est clair qu’il n’est pas question de sécurité. Il n’y a pas de sécurité dans le terrorisme ! Il s’agissait plutôt de suprématie.

Le fait d’avoir été mis à l’écart de tant de communautés pendant si longtemps a déformé les perspectives de certains juifs, qui ont cru que ce dont ils avaient réellement besoin n’était pas les droits humains fondamentaux, mais le droit d’entraver les droits humains fondamentaux des autres.

La volonté de gravir les échelons sanglants de l’impérialisme, de ne plus être au bas de l’échelle, a occulté non seulement leur humanité mais aussi leurs propres enseignements culturels.

Pour ceux qui n’ont pas eu le plaisir d’assister à un Seder [rituel religieux] (vous êtes toujours les bienvenus chez moi pour notre extravagance anticapitaliste et antisioniste !), le thème principal de la soirée est “ne soyez pas un connard oppresseur, car vous savez ce que c’est que d’avoir des connards qui vous oppriment”.

Je paraphrase, mais c’est l’essentiel. Et la Pâque n’est qu’un exemple. Tout au long des traditions et des enseignements juifs, les voix et les expériences des opprimés sont mises en avant afin de souligner la nécessité pour les juifs de ne pas se contenter de défendre leurs propres droits humains, mais de défendre les droits humains de tous.

Nous avons été exilés, chassés, génocidés, persécutés simplement parce que nous étions nous-mêmes. Notre place est donc dans la lutte pour un monde au-delà de ces atrocités. Aucun n’est libre tant que tous ne sont pas libres. Être juif, c’est être un combattant de la liberté, de la justice. Comme le dit si bien Barrows-Friedman, “l’expression ‘Plus jamais ça’ n’est pas sélective. Elle doit être universelle”.

Comment le sionisme est profondément antisémite

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