Israël, 1948. Le massacre de Tantura a bien eu lieu

vendredi 11 février 2022

Révélé en 2000, le meurtre de plus de deux cents civils palestiniens par les forces israéliennes dans le village de Tantoura a longtemps été contesté et l’auteur des révélations calomnié, ostracisé, marginalisé par l’université. Vingt ans plus tard, un film confirme ses travaux : le massacre de Tantoura a bien eu lieu.

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Le village de Tantura (approximativement entre 1920 et 1933) avant le massacre de ses habitants en 1948 et sa destruction (Collection G. Eric et Edith Matson, Library of Congress)

On était en 2000 et Israël connaissait une affaire comme il en ressortait épisodiquement : « l’affaire Katz » pour certains, « l’affaire Tantura » pour d’autres. Elle n’intéressait que quelques spécialistes et ne faisait pas la une des journaux. Mais elle allait bientôt susciter des polémiques publiques. Un étudiant de l’université de Haïfa, Théodore (Teddy) Katz, déjà plus tout jeune, avait écrit son mémoire de master sur ce qui était advenu à Tantura, un village de pêcheurs palestiniens à 20 kilomètres de Haïfa, le 23 mai 1948, huit jours exactement après la création de l’État d’Israël, alors que la première guerre israélo-arabe venait à peine de commencer.

« Je n’ai pas pu le supporter »

Deux années de recherches l’avaient amené à conclure qu’après la fin d’un court combat remporté par les forces israéliennes, un massacre avait été commis dans ce village par le 33e bataillon de la brigade Alexandroni du Palmach, la milice armée d’élite du mouvement travailliste, à l’époque dominant dans le camp sioniste (l’armée israélienne ne sera formellement créée qu’une semaine plus tard). Devenus réfugiés, les rescapés palestiniens que Katz a rencontrés évoquent tous un massacre hors de tout combat. La plupart citent un frère, un père, un fils ou un mari « emmené et qui n’est jamais revenu ». Sous-officier à l’époque (il deviendra général), Shlomo Ambar, arrivé sur les lieux après le massacre, dira à Katz : « Quand j’ai vu ce qu’avaient fait les soldats, je n’ai pas pu le supporter, je suis parti. » Mais il refusera plus tard de témoigner en sa faveur.

Katz est alors membre d’un kibboutz de la frange la plus à gauche en Israël. Il milite aussi au Meretz, le parti de la gauche sioniste. Le doctorant interroge 135 personnes, dont 65 anciens habitants du village (beaucoup sont réfugiés en Cisjordanie) et 20 membres de la brigade israélienne, plus des officiers supérieurs et des gens des environs de Tantura, Palestiniens comme Juifs israéliens. Le village sur le sort duquel il travaille regroupait alors 1 500 âmes. Pour accélérer leur expulsion, selon Katz, les soldats israéliens séparent d’abord femmes, enfants et vieillards des hommes de 14 à 50 ans. Après recoupements divers, il conclut que 90 d’entre eux seront assassinés sur la plage, et beaucoup d’autres dans les rues ou même à l’intérieur de leurs foyers.

En mars 1998, l’étudiant présente sa thèse. Elle obtient du jury universitaire la note élevée de 97 sur 100.

Une brigade légendaire de la « guerre d’indépendance »

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