Israël-Palestine. « Ayman Odeh a raison : pourquoi les Palestiniens devraient-ils servir dans la police de l’occupant ? »

lundi 9 mai 2022

Par Orly Noy

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[Le dimanche 17 avril, des dizaines de policiers des forces spéciales israéliennes ont piégé des fidèles musulmans, observant le Ramadan, dans des salles de prière de la mosquée Al-Aqsa, faisant de nombreux blessés. De plus, des militants israéliens d’extrême droite et des colons, protégés par les forces lourdement armées, ont pris d’assaut Al-Aqsa pour, affirmaient-ils, marquer la fête de la Pâque juive. Cela s’inscrit dans l’exigence de certains de détruire la mosquée, dans la perspective de faire place à un « troisième temple ». Cette répression et agression donnaient suite à la tentative violente, le vendredi 15 avril, d’expulser des fidèles musulmans de la mosquée. La collusion entre les forces de répression israéliennes et les provocations des colons et autres intégristes donnent tout leur sens à la demande faite par le député Ayman Odeh : un refus de toute collaboration de policiers « arabes israéliens » à participer au système de répression de l’occupant. Les racines de la brutalité avec laquelle les « acteurs juifs du pouvoir occupant » ont réagi à cette déclaration sont exposées par l’auteure, Orly Noy, de l’article publié ci-dessous. Réd. A l’Encontre]

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Dimanche soir 10 avril, le président de la Liste unifiée Ayman Odeh [député de la Knesset depuis le 31 mars 2015, réélu en 2019, 2020 et 2021] a publié une vidéo sur sa page Facebook en l’honneur du Ramadan, dans laquelle il se tenait à la Porte de Damas de la vieille ville de Jérusalem, appelant les policiers arabes en Israël à jeter leurs armes et à quitter leur travail. Ce faisant, il a réveillé de nombreux démons – dont aucun n’était vraiment endormi.

Immédiatement après que les médias israéliens ont repris les remarques d’Ayman Odeh, les politiciens juifs ont commencé à rivaliser entre eux pour savoir qui pourrait émettre la condamnation la plus extrême. La ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked [Foyer juif], a déclaré qu’Odeh « provoque l’Etat d’Israël et ses institutions » et que « sa place est en dehors de la Knesset » ; le député du Likoud Israel Katz a déclaré que la place d’Ayman Odeh était en prison ; le député Ofir Katz, également du Likoud, est allé jusqu’à faire appel au procureur général et au bureau du procureur de l’Etat pour demander qu’une enquête soit ouverte contre lui. Pendant ce temps, le député du Likoud Shlomo Karhi tente de réunir les 70 signatures de ses pairs de la Knesset nécessaires pour suspendre Ayman Odeh de ses fonctions.

Des politiciens de la gauche sioniste se sont également joints au festival de condamnations. Le député Yair Golan, du parti libéral [« de gauche »] Meretz, a déclaré que les remarques d’Odeh « fermaient la porte » à la possibilité pour la Liste unifiée d’entrer au gouvernement, suite à la défection de la leader de la coalition Idit Silman [elle a démissionné du parti de droite Yamina le 6 avril 2022] et donc à la perte consécutive de la majorité parlementaire la semaine dernière. Et dans un entretien accordé à la radio de Tsahal [armée], la députée travailliste Ibtisam Marana, citoyenne palestinienne d’Israël, a dit à Odeh « d’aller bronzer à Paris et de se taire ».

Bien que s’en prendre aux politiciens palestiniens soit un passe-temps national, il est crucial d’examiner le contexte dans lequel Ayman Odeh a fait ses remarques. Alors qu’il se trouvait à la Porte de Damas, des résidents palestiniens lui ont raconté comment les policiers arabes les maltraitaient et les traitaient violemment. Et en effet, quiconque a pris part à une manifestation à Sheikh Jarrah ou dans tout autre quartier de Jérusalem-Est peut témoigner de la violence perpétrée par les policiers arabes qui s’y trouvent – ainsi que par leurs homologues juifs – contre les résident·e·s et les manifestant·e·s.

« Il est honteux qu’un jeune Arabe ou les parents d’un jeune Arabe acceptent de s’enrôler et de servir dans les forces de sécurité, qui sont en fait des forces d’occupation », a déclaré Ayman Odeh, faisant spécifiquement référence à leur rôle consistant à empêcher les fidèles musulmans d’accéder à la mosquée Al-Aqsa. Malgré les tentatives de la droite de lui attribuer une déclaration générale sur le service des citoyens palestiniens, Odeh faisait clairement référence à l’adoption de l’uniforme de l’oppression dans les territoires occupés, y compris Jérusalem-Est. Il n’y a pas d’appel plus légitime que celui-ci – pour que son peuple ne soit pas partenaire d’un appareil qui opprime brutalement d’autres communautés palestiniennes.

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