Israël Palestine. La politique du statu quo.

dimanche 26 septembre 2021

Dans Le naufrage des civilisations (1), Amin Maalouf éclaire l’évolution de la situation en Israël-Palestine avec une grande pertinence. Écrite en 2019, l’analyse qui suit dresse la toile de fond sur laquelle se détachent les événements de l’actualité, même dans leur caractère inattendu et leur brutalité.

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“[p.161][En 1977] Menahem Begin, dirigeant historique de la droite nationaliste, devenait le chef du gouvernement, et il n’avait, quant à lui, aucun désir de s’opposer à la colonisation. Laquelle s’est poursuivie, depuis, et n’a plus cessé de s’étendre, parfois lentement et parfois de manière accélérée, au gré des circonstances, mais dans un mouvement constamment ascendant. Si bien qu’à l’heure où j’écris ces lignes, plus d’un demi-million d’Israéliens vivent sur des terres qui avalent été arabes jusqu’en 1967.

Quel que soit le jugement que l’on porte sur cette évolution, que la plupart des Israéliens trouvent légitime mais que le reste du monde désapprouve très largement, il ne fait pas de doute qu’une nouvelle réalité est en place, qui change rad1calernent les perspectives d’avenir. Le chemin vers la paix, qui était déjà étroit et très accidenté, est à présent bouché. En théorie, Israël pourrait emprunter diverses voies pour régler la question des territoires occupés. Mais, à y regarder de près, plus aucune ne permet de sortir de l’impasse.

Une première option serait de laisser la Cisjordanie aux Palestiniens et de rapatrier les colons. La chose aurait été envisageable lorsque ces [p.162] derniers étaient peu nombreux. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Un gouvernement israélien qui ordonnerait l’évacuati0n de centaines de milliers de ses ressortissants juifs prendrait le risque d’une guerre civile.

Une deuxième option, tout aussi théorique, serait d’annexer les territoires en accordant aux habitants arabes la citoyenneté. Mais cela voudrait dire qu’Israël renoncerait à son caractère juif, ce qui est impensable ; et qu’il entrerait en compétition avec la population palestinienne sur un terrain où celle-ci est sûre de gagner : la démographie.

Une troisième option serait d’annexer les territoires sans accorder aux Arabes la citoyenneté, et en les incitant même à partir au-delà des frontières, comme ce fut le cas lors de la création de l’État d’Israël en 1948. Mais si les autorités choisissaient une telle voie, elles seraient confrontées à une réprobation virulente et rageuse au sein même du monde juif, et elles apporteraient de l’eau au moulin de ceux qui les accusent de pratiquer une forme d’apartheid.

Reste l’option la plus facile à adopter, puisqu’elle n’exige aucune initiative particulière, ni aucun arbitrage entre les opinions divergentes : le statu quo. Conserver les territoires sans modifier leur statut ; prolonger indéfiniment l’occupation sans [p.163) clamer sur les toits qu’elle est définitive ; hocher nonchalamment la tête chaque fois qu’un nouveau président américain propose sa médiation, puis attendre patiemment qu’il se décourage et que son joli plan de paix tombe à son tour dans la corbeille prévue à cet effet.

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