Israël sape l’agriculture palestinienne avec des produits pas cher

jeudi 2 septembre 2021

Amany Mahmoud, le 3 août 2021

Israël inonde les marchés palestiniens avec de grandes quantités de produits agricoles dans le but de ruiner les saisons agricoles palestiniennes.

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Les Palestiniens se plaignent de ce que Israël rase et brûle leurs récoltes et sape le secteur agricole dont dépendent les agriculteurs à l’aide de produits moins chers.

Certaines des principales saisons pendant lesquelles Israël inflige délibérément des pertes aux agriculteurs sont les saisons du raisin et de l’olive ; il inonde les marchés palestiniens de Cisjordanie avec de grandes quantités de ces fruits à moindre prix, entravant la production palestinienne et stimulant la dépendance économique des Palestiniens à Israël.

La saison palestinienne des vendanges, qui débute en août, est en particulier menacée par la concurrence israélienne. Israël cultive la vigne dans les colonies près des villes palestiniennes et envoie des milliers de tonnes de raisins israéliens sur les marchés palestiniens. Israël utilise des engrais et des produits chimiques dans sa culture de la vigne pour faciliter la maturation rapide de la récolte.

Les Palestiniens de Cisjordanie font pousser de la vigne sur à peu près 64 millions de mètres carrés (7.000 hectares), et environ 10.000 agriculteurs palestiniens y travaillent. D’après le Conseil palestinien des Fruits et Raisins, les Palestiniens produisent annuellement environ 50 millions de kilos (110 millions de livres) de raisins, dont 27 millions de kilos (60 millions de livres) produits dans le gouvernorat d’Hébron, 6 millions de kilos (13 millions de livres) dans le gouvernorat de Bethléem et 6 autres millions de kilos dans le gouvernorat de Jénine. La production de raisins en Cisjordanie constitue environ 12 % de la culture totale de Palestine.

Les Palestiniens exportent de grandes quantités de diverses cultures vers Israël ; la valeur annuelle des exportations agricoles palestiniennes représente environ 300 millions $, alors que les Palestiniens de Cisjordanie exportent quotidiennement vers Tel Aviv à peu près 280.000 kilos (617.000 livres) de produits agricoles. Cependant, les importations agricoles d’Israël en Palestine s’élèvent annuellement à environ 1 milliard $.

L’Autorité Palestinienne (AP) interdit l’importation de raisins depuis les colonies israéliennes et incrimine quiconque fait commerce de produits israéliens afin de protéger les produits palestiniens. Pourtant, le marché palestinien est largement submergé de produits israéliens interdits qui portent des marques déposées israéliennes. Ces produits sont introduits clandestinement par les plus gros marchands palestiniens aux heures tardives de la nuit afin d’éviter les points de contrôle palestiniens.

Agriculteur palestinien et militant anti-colonies, Mahmoud Abu Merhi, qui possède une vigne de 2,5 hectares, a dit à Al Monitor que la saison des vendanges palestinienne est l’une des saisons agricoles les plus renommées en Palestine, et que les familles palestiniennes la fêtent en chantant des chansons traditionnelles dans les vignes parce que cette saison procure une abondante subsistance et la fortune aux agriculteurs.

« Et pourtant, nous redoutons la saison des vendanges ; tous les ans, des colons détruisent délibérément nos vignes et sabotent la saison, soit en arrosant les cultures avec des pesticides toxiques qui les détruisent, soit en expulsant les agriculteurs et leurs familles de leurs terres agricoles », a-t-il dit.

Abu Merhi a peur que la saison des vendanges de cette année soit perdue parce que le marché local est inondé de grandes quantités de raisins israéliens à bas coût. « De grandes quantités de raisins palestiniens pourraient être gâchées étant donné les fortes températures et le surplus de produits israéliens sur les marchés palestiniens. »

L’agriculteur palestinien Atef Au Wadi a dit à Al-Monitor qu’Israël cherche à expulser les fermiers palestiniens de leurs terres et exerce sur eux des pressions afin qu’ils abandonnent cette profession, qui se transmet de génération en génération, afin d’installer des avant-postes coloniaux et s’étendre sur les terres de citoyens près des colonies.

Il a fait remarquer : « Quand les citoyens palestiniens vont sur les marchés, ils voient de grandes quantités de légumes et de fruits israéliens à des prix qui entrent en concurrence avec les produits locaux. Dans certains cas, les produits israéliens sont meilleur marché que les produits palestiniens. Même si la qualité est inférieure, les citoyens finissent souvent par acheter les produits israéliens bon marché. »

Abu Wadi a ajouté : « Malgré les lourdes pertes que nous subissons, nous agriculteurs continuerons à cultiver nos terres afin qu’elles ne soient pas confisquées et qu’Israël atteignent ses objectifs. » Il a accusé Israël d’imposer plus de restrictions aux agriculteurs palestiniens, alors qu’il a récemment commencé à fermer les routes agricoles qui conduisent aux vignes à Hébron dans le Sud de la Cisjordanie, ce qui a provoqué l’isolation de 2.500 hectares de terre, dont la plus grande partie était couverte de vignes.

L’équipement agricole israélien moderne, produits chimiques, engrais et méthodes modernes d’irrigation aident les agriculteurs israéliens à proposer leurs produits agricoles, et spécialement le raisin, environ un mois avant que les produits palestiniens n’arrivent sur le marché. Israël interdit de fournir aux agriculteurs palestiniens ces technologies et ces matériaux, spécialement les pesticides et les engrais chimiques, ce qui permet de prolonger la durée de vie des raisins palestiniens et d’améliorer leur goût et leur qualité.

Fathi Abu Ayyash, directeur du Conseil des Fruits et Raisins, a dit à Al-Monitor que les marchés palestiniens sont envahis par environ 27.000 tonnes de raisins israéliens, caractérisés par leur maturation constante, ce qui attire l’attention des clients.

Il a ajouté : « Les marchés palestiniens ne sont pas protégés ; les produits israéliens peuvent donc les inonder. Ceci est dû à l’absence de contrôle efficace sur les produits israéliens dans le marché palestinien. Les marchés palestinien et israélien sont imbriqués, ce qui permet à beaucoup de commerçants de faire abondamment entrer en fraude les marchandises et produits israéliens. »

Abu Ayyash a expliqué que les autorités compétentes qui contrôlent les marchés souffrent d’un manque de ressources financières, ce qui a amoindri la possibilité des Palestiniens d’examiner divers produits et marchandises. « Nous manquons aussi de normes techniques obligatoires pour tout ce qui est vendu en Palestine et nous menons peu pour ne pas dire aucune action juridique contre les transgresseurs. »

Source : Al-Monitor

Traduction J. Ch. pour l’Agence média Palestine